samedi 4 novembre 2023

MARTIGUES ENFIN (2)

 — ...Le jour dit, 29 octobre, de la part d’une Nathalie qui, sur fb, se souvient, Brassens aurait dit « Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que j’étais ». Nathalie illustre sa réaction avec un Titi parisien de 7-8 ans, un poulbot, un Gavroche presque, en culotte courte, au sourire gouailleur, chaque bras soutenant du majeur le cul d'une bouteille de pinard calée contre l’aisselle, pour papa, pas Gervaise j'espère, une photo n. et b. signée Henri Cartier-Bresson (1)     

C'est pas le tout... Et alors ? Martigues ?  

— ...Bien sûr que l’inspiration est un mix particulier entre la personnalité éponge de ce qu’elle ressent d’un présent submergé de passé, l’état d’esprit du moment, sa perception et conscience des générations antérieures, des plus modestes personnages familiaux, locaux, jusqu’aux signatures qui insufflent ou font autorité ; dans cet ensemble, la base bibliographique à portée importe, de même que la ressource actuelle, magique, offerte par l’Internet. Cet assemblage qu’on voudrait mosaïque, marqueterie, réagit, résonne lorsqu’on lui présente un matériau, une idée, un mot... et là, faut vraiment rester vigilant, disponible : ne pas rater le chaînon, enchaîner les jalons sans lesquels la veine se perdrait...

— Et Martigues dans tout ça ?  

Martigues Miroir_aux_Oiseaux 2023 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Benjamin Smith

— Alors, Martigues, Martigues... « Les Martégaux oh oh, de la Martiale... ». Pardon de mémoriser de travers, après vérification, ce sont bien les “ pescadous ouh ouh, de la Martiale ” chantés par Alibert en 1936 ! Formidable Wikipédia ! Pour présenter Martégaux et Martégales, ils invoquent l’inévitable “ Venise Provençale ” ; bof, on banaliserait presque suite à la surprise que nous fit Brassens... Par contre, à côté, la photo des barques “ aux douces couleurs ”, ces tartanes sœurs de nos catalanes (des chances pour que les plans de ces bateaux soient venus de Catalogne), finalement, rappellent qu’à Martigues, plus que des pescadous du dimanche, les marins-pêcheurs du lieu damaient le pion à Marseille (343 tonnes en 1842 !)... À quai, amarrées telles des juments patientes, Camargues cela va sans dire, chamarrées, les héritières des tartanes offrent au touriste plus qu’une carte postale : avec elles, ce sont les anchois, les sardines, les maquereaux, les thons d’une mer jadis riche... le parler sans fard des poissonnières. Qu’on doive associer à cette conque d’abondance, le prédateur insatiable en bout de chaîne, qui lui s’est cru malin d’avoir tout raclé, est vraiment regrettable. Derrière les barques, roses, ocres, pastel, les couleurs aussi douces des façades, rehaussées par deux extérieurs lie-de-vin. Quitte à passer pour un allumé du parler familier, la légende de la photo “ Le Miroir aux Oiseaux de Martigues ” a encore de quoi m’exalter, comme si le tableau n’y suffisait.  
Émile Beaussier Martigues musée_Ziem 1930 Domaine Public

Ziem_Félix Les Martigues Rentrée_des_tartanes Domaine Public Passeur Rvalette

Le “ Miroir aux Oiseaux ”, un des nombreux petits ports de Martigues, avec ses deux îles restantes, ses canaux, ses ponts qui lui ont valu, depuis Alexandre Dumas, le titre de “ Venise Provençale ” : le site comptait alors de nombreuses îles que le creusement du canal de Caronte supprima à partir de 1863. « Aux oiseaux oh oh... »... une légende raconte que des vignes poussaient devant les maisons et que, perchés sur ces treilles, les oiseaux se miraient dans l’eau. Légende, poésie, beauté ne pouvaient qu’attirer les artistes peintres : Eugène Delacroix (1798-1863), Camille Corot (1796-1875), Émile Loubon (1809-1863), Félix Ziem (1821-1911), Paul Guigou (1834-1871), Henri Aurrens (1873-1934), Émile Beaussier (1874-1943), Raoul Dufy (1877-1953), Vincent Manago (1878-1936).

(1) Mon commentaire : « je me reste fidèle... quand je ne serai plus là, le sale gosse que j'étais pourra le prouver... »... Libre vous êtes d'aller chercher la photo que je ne peux rendre publique. 

Martigues 2018 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 Georges Seguin (Okki)


jeudi 2 novembre 2023

ET MARTIGUES ALORS !? (1)


Tout ce qui reste de la cuisinière... genre mauve des bois et marcottage vert... entre quinze et vingt kilos quand même... 

<< Une pièce à vivre salle à manger plutôt cuisine, entre deux placards où une humidité xylophage dévore le papier, la cuisinière qui ronfle d’autant plus l’hiver que la pièce, au nord, ne reçoit pas le soleil, une cuisinière à bois et charbon, avec réservoir d’eau chaude, si jolie avec sa frise genre mauve des bois et marcottage vert (dans la remise, il en reste comme une crédence, une étagère de fonte et de faïence, lourde d’une bonne quinzaine de kilos) ; et puis il y a le buffet, la table et les chaises des Galeries Barbès ; en cadeau, un disque réclame blanc, en plastique souple blanc, un sketch avec, à la suite ou sur la face deux, « La Laitière et le Pot au lait », chantée peut-être par Pierre-Jean Vaillard refaisant les voix, entre autres de Trenet et Guétary... cette fable de La Fontaine, je ne l’ai pas apprise à l’école ; à gauche de la fenêtre, sur la servante ad hoc, elle passe et repasse sur la radio-tourne-disque à la loupiote vert pomme pour dire si les ondes passent bien ou mal au-dessus des campagnes, montagnes et forêts... un vecteur formidable d’ouverture au monde du moins à celui ouvert par la musique et avant tout les chansons... C’est fou comme les mélodies sont porteuses de sensations, d’émotions même puisqu’elles restent si vivantes malgré les années, pour ne pas dire plus... En 45 ou 33 Tours, le parapluie de Brassens ou “ La Danza ” du Hollywood Bowl Orchestra de Carmen Dragon évoquant l'Espagne... Les nouvelles d’alors ne viennent pas spontanément mais un petit effort de mémoire remet à l’esprit le barrage de Malpasset, le tremblement de terre d’Agadir, la petite chienne Laïka, les massacres du Congo, la sécession du Katanga puis l’Internet permet de mieux classer par dates, respectivement 1959, 1960, 1957 et 1960 à nouveau. 

— Et Martigues ? 

Hilversum... et pourquoi pas Sottens ou Daventry ? 



— “ Émotion ”, c’est bien le mot, c’est bien un ressenti qui vous renvoie dans un passé si présent. Le poste estampillé “ Marconi ”, passe « Adieu, Venise Provençale », une des chansons qui peut marquer un garçon entre huit et dix ans ; pour ne pas l’avoir vécue, il ne saisit pas, dans les paroles, la part de tristesse, d’adieu, de départ, d’exil, mais il y reconnaît bien son pays : les “ collines aux rousses couleurs ”, les cigales dans les grands pins de “ l’éternel été ”... Bon, parce qu’il n’était pas concerné de cette manière par le sexe opposé, si sa mémoire n’a rien gardé des serments sans suite de “ ... la fillette brune... au clair de lune... ”, par contre, l’évocation de la mer le ramène si bien aux Cabanes avec ses “ barques aux vives couleurs ”... Mélodies et chansons, jalons si sensibles d’une vie, nous emporteront toujours... 

— Pardon... mais... Martigues ? 

— ...Et lorsqu’un présent dans la continuité, loin de s’en savoir mal, tout relatif qu’il soit, offre la surprise de Venise provençale interprétée par Brassens (1) assumant un bel accent méridional, quelle émotion pleine de reconnaissance à l’égard du natif de Sète qui m’accompagne puisque quelque chose de fort le commande, dussé-je en paraître prétentieux, depuis la Venise du Languedoc jusqu’à la Provençale, en passant par « Heureux qui comme Ulysse » qui chante la Camargue des chevaux “ blancs ”. Hier soir, 27 octobre 2023, sur France 3, un film documentaire « Brassens par Brassens »... À deux jours près, quarante deux ans qu’il nous a quittés ; et pourtant toujours là... reconnu parmi nos grands poètes... 

— Et Martigues alors !? (à suivre)

(1) « Adieu Venise Provençale », paroles Henri Allibert & André Sarvil, musique de Vincent Scotto 1934, chantée et enregistrée par Georges Brassens en 1980, un an avant sa disparition (album posthume Georges Brassens inédits 2001).