lundi 5 juin 2023

Papaver somniferum, le pavot...

Toutes les photos sont de Václav Bezstarosti d'Holoubkov, okres Rokycany, République Tchèque). 

Pavot de tous les trafics, Papaver somniferum, comment ne pas penser à cette plante aussi connue en mal qu'en bien depuis des millénaires (des graines et capsules datant du néolithique [7000 ans] ont été retrouvés autour du lac de Neuchâtel en Suisse).


Chez les grecs il était le symbole des rêves et du sommeil ; la tige peut atteindre 1,5 m... Qu'en est-il avec la sécheresse et la terre qui se craquèle ? 

Ce sont aussitôt les champs d'Afghanistan (du Croissant d'Or avec l'Iran et le Pakistan) qui viennent à l'esprit ou, dans un passé à peine moins récent, les plantations des seigneurs de la guerre chinois dans le Triangle d'Or (Birmanie, Laos, Thaïlande) suite à la victoire de Mao. N'est-il pas vain de moraliser alors que l'Angleterre avait fait de l'opium un produit d'exportation au détriment de la Chine (XVIIIe et XIXe siècles) jusqu'aux guerres de l'opium qui virent les puissances occidentales (France (1), Russie, États-Unis) s'allier pour se tailler des concessions dont Hong-Kong britannique jusqu'en 1997 ? Plus proche de nous, la French Connection avec, autour de Marseille, ses labos de fabrication d'héroïne pour une clientèle étatsunienne. 

Les Sumériens, les Égyptiens le connaissaient.  Ses belles fleurs peuvent être violacées, blanches, roses, rouges (de la Thébaïde). Chacun des quatre pétales présente un onglet foncé à la base. La tête (capsule) contient des graines oléagineuses, incisée, elle libère un suc blanc devenant brun une fois oxydé. L'opium contient plus de vingt alcaloïdes (une trentaine) (morphine, codéine, thébaïne, papavérine, narcotine... presque tous des poisons violents).

Aussi, si en Europe on ne se trompe pas à la vue d'un champ de pavot (de variété nigrum, dit noir ou bleu), il faut contrebalancer tout le négatif surtout à propos de la variété blanche, album, qui précède . Les poisons contenus dans le latex blanc, le suc de pavot (devenant l'opium de couleur brune) donnent des médicaments dont ceux à base de codéine, de morphine (traitement de l'asthme, du paludisme, des ulcères, anesthésies, soins palliatifs...). Les graines gris-ardoise, contenues dans les têtes, ne contenant pas, elles, d'alcaloïdes, ou très peu, offrent nombre de bienfaits : 

* leur consommation améliore l'endormissement et le sommeil. 

* par pression à froid, les graines gris-bleu donnent l'huile d'œillette, alimentaire, sentant l'amande (elle fut l'objet d'une culture intensive en Allemagne et en France à la fin du XIXe siècle). 

*  par pression à chaud, on obtient un additif pour la peinture permettant d'en faciliter le séchage. 

* très riches en acides gras insaturés (omégas 3, 6, 9), elles aident au bon maintien du système cardiovasculaire. Elles contiennent aussi du magnésium et du zinc (antioxydant), de la vitamine B1, du calcium.  

* 15 grammes de graines mâchées seraient aphrodisiaques sauf qu'à plus forte dose, elles ont un effet inverse et calment la libido... 

Alors ne focalisons pas sur la quête de paradis artificiels (narcoses, visions, délires... ) par des célébrités comme Baudelaire, Berlioz, Poe, Monfreid, Cocteau, Artaud... Et tout en espérant toujours dépasser les erreurs du passé comme celle, chez les ouvriers mineurs notamment, consistant à infuser dans le lait des parties de la plante (capsule ?) afin de garder endormis les enfants laissés seuls, une pratique à l'origine de prétendues " morts subites" et plus sûrement de retards musculaires et cérébraux. Laissons-nous aller plutôt à la gourmandise des gâteaux, des roulés au pavot relevés de girofle, de cannelle... 

Et n'allez pas croire que les Tchèques sont les seuls à cultiver du pavot pharmaceutique, pour les graines ou ornemental : en 2003, derrière les 52 % de la Turquie et les 30 % des Tchèques venaient les 6 % de la France. 

De la même famille que le coquelicot... 

Fin juillet 2015. Après la forêt, les carrés de chaumes ou les prés, tout à coup un champ de pavots éclaire le paysage de sa sérénité nostalgique. Pas moyen de s'arrêter pour prendre une photo : le destin qui retient lâche soudain et me pousse au contraire vers la frontière, sans ménagement. Le moment de bascule quand l'enveloppe doit se décider, démarrer, partir, quitter alors que le cœur, lui, veut rester, s'accroche encore, comme s'il n'acceptait pas de se faire une raison. Restent cette lumière, ces nuages qui courent vers l'Est, ce soleil pathétique, cette atmosphère slave d'une Europe encore centrale, certes mais sans la consolation de la photo du champ de pavots. Il serait plus objectif de relever qu'il n'y a plus les énormes blocs de béton des chicanes, les uniformes, les armes, les barbelés, les abois des chiens aux basques des fuyards... La nature humaine n'exprime d'abord que ses insatisfactions. Soit. Mais là, Vaclav Bezstarosty (un joli nom de famille, littéralement "Sans soucis" !) qui ne savait rien de ce que je raconte, me les offre, les pavots...  

 Máma říká. Maman (98 ans) raconte : 

Années 30. " À Brandys, l'oncle Vosyka avait une ferme en direction de Choceň. Tante nous avait avertis de ne pas trop manger de graines dans le champ de pavot... Ils nous ont retrouvés dans la grange, endormis dans le foin.   


 

 



Sources : Flore d'Europe, Jan Tříska, Gründ 1987, les Guerres de l'Opium blog Médiapart, Wikipedia.





vendredi 2 juin 2023

FRONTIGNAN (2), la GUERRE & la TEMPÊTE de 1947.

Renault Juva 4 (1958) the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Author Alf van Beem

* Le 28 juin 1940, à La Peyrade, le président du Conseil démissionnaire (16 juin) Paul Raynaud (Putain vient de se dévouer pour « sauver » la France) est victime d’un accident quand sa Juvaquatre Renault s’encastre dans un platane ; il se blesse légèrement à la tête mais la passagère, la comtesse Hélène de Portes, sa concubine, meurt sur le coup (ils voulaient se marier).  

* Arrivée des Allemands au mois de novembre 1942. Les Allemands occupent la France « libre ». La mer, les plages sont minées, des bunkers de défense sont construits. Wikipedia donne le détail de l’armement : quatre canons Skoda de 150 mm, un canon Bofors suédois 40 mm, un canon Oerlikon suisse de 20 mm, un canon double Hotchkiss de 13,2 mm, deux canons quadruples Hotchkiss de 13,2 mm (à l’origine un Étasunien installé en France, industriel en armes puis automobiles) et quatre batteries antiaériennes de 75 mm, 100 à 120 hommes furent nécessaires. Ces détails pour dire comment, par lâcheté et avec l’espoir que l’Allemagne se tournerait à l’Est contre les bolchéviques (Staline), la France, suiveuse du Royaume-Uni, a laissé « Monsieur Hitler » devenir toujours plus fort (en mars 1939, l’invasion de la Tchécoslovaquie donna 1/3 de moyens supplémentaires à la Wehrmacht...). 

Frontignan_plaque_bombardement Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Fagairolles 34 

*« Frontignan, Frontignan outragée ! Frontignan brisée ! Frontignan martyrisée ! mais Frontignan... libérée ! » ; il faut rendre, bien sûr, ses mots, seraient-ils théâtraux, au général de Gaulle lors de la libération de Paris, et au masculin s’agissant « d’un Paris » ! S’il y a bourg et chef-lieu, je préfère le féminin pour une ville, bourgade, localité ou commune. La guerre, elle, n’a que faire de ces futilités : le 25 juin, le bombardement de la raffinerie par les Américains a touché la ville « par erreur » et causé la mort de 39 civils (les lignes de défense furent bombardées les 13 et 14 août ; les Allemands quittèrent les lieux le 18). La reconstruction de Frontignan prit 15 ans et fit perdre à la ville ses petites rues bien du Midi. 

Pinardier à Sète vers 1930 wikimedia commons Domaine Public... " Outremer " ? Pour ne pas dire " Algérie " ? 

* Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1947, par un coup de forte mer (le Grec en est souvent la cause), le pinardier « Roger-Juliette » (30 mètres, de 1916, enregistré à Lorient) venant de Gênes, fait naufrage couché par les vagues sur les hauts fonds (un banc de sable ?) à 100-150 mètres de la plage des Mouettes. Les Allemands ayant détruit les moyens de sauvetage, les fusées lance-filins n’arrivant pas à atteindre le bateau, malgré le froid et la rage des éléments, seulement harnaché par une mince corde, André Massias dit « Tarzan » n’hésite pas à se jeter à l’eau. Mais comme pour les fusées, les vagues et le vent n’ont rien permis. Bilan : un survivant, six morts (tous marins de l’île de Groix / une source mentionne qu’ils s’étaient attachés au mât pour ne pas être emportés / le bateau a été renfloué et réparé à Marseille, en 1948).