mercredi 18 janvier 2023

" les ARISTOCRATES on les PENDRA... "

En France, 1789 abolit mais ne réussit point à étouffer les titres nobiliaires. Pire avec Napoléon qui surchargea l'héritage avec une noblesse impériale, pratiquement au nom de la Révolution quand bien même il supprima le vicomte et le marquis rappelant trop l'Ancien régime ! 
En Espagne, le dictateur Franco se déclara régent à vie de la monarchie. Aujourd'hui, les nobles continuent d'exploiter d'immenses domaines que des paysans libres font valoir contre leurs intérêts, citoyens libres certes mais subissant un statut hérité du servage et devant cultiver des productions spéculatives. Le plus terrible est cette fascination des humbles à envier et honorer les dynasties : on suit encore les destinées des maisons royales dotées ou sans royaumes : mariages, naissances, décès, que des magazines continuent de mettre en scène... le futur avènement de Charles III ne devrait pas déroger à la règle.

Le 20 novembre 2014, à Séville, mourait la duchesse d'Albe, 88 ans (1926-2014) dont le père, en exil à Londres sous la Deuxième république espagnole avait été nommé Ambassadeur au Royaume-Uni par Franco. 
80000 personnes ont défilé devant sa dépouille à l'Hôtel de Ville de Séville dont nombre de fidèles, sûrement, du téléfilm " Duquesa ", à la télévision espagnole. Elle était appréciée, dit-on, pour son anticonformisme, un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Il faut dire que l'exemple vient d'en haut. Que la droite ou la gauche soient aux commandes à Madrid ou localement par les autorités légales, la municipalité, le gouvernement d'Andalousie. Ainsi les socialistes auraient honoré la duchesse du titre de " hija adoptiva, hija predilecta ", fille adoptive, fille préférée, récompensée pour un mécénat... 

Est-ce la plus haute distinction quand on est déjà vingt fois " grande d'Espagne" en duchés, marquisats et comtés sans compter trente-deux autres titres dont " Dame de " pour le plus modeste ? 

Mais quand on s'appelle (prenez votre respiration) 
María del Rosario Cayetana Paloma Alfonsa Victoria Eugenia Fernanda Teresa Francisca de Paula Lourdes Antonia Josefa Fausta Rita Castor Dorotea Santa Esperanza Fitz-James Stuart y Falcó de Silva y Gurtubay0", 
que la fortune est évaluée à 2.800 millions d'euros sans compter la vingtaine de châteaux en Espagne et les 34.000 hectares de domaines, rien n'est trop pour une femme qui aurait été en avance sur son époque (bfmtv, une chaîne pour le pouvoir et l'ordre établi). 
Il est vrai qu'à son passif, existent aussi des critiques à rallonges si méchantes que le moteur de recherche ne veut plus les retrouver : " caniche, babouin, extra terrestre, créature faunesque, gorgone ". Pourquoi donc être aussi primaire et abject quand on a le privilège d'être lu ? 

L'essentiel n'est-il pas de s'insurger parce qu'on ne reprend pas à ces aristocrates tant d'hectares de terre confisqués aux plus modestes ? L'essentiel n'est-il pas de condamner une Union Européenne plus réactionnaire que de progrès lorsque, par le biais de la PAC, elle alloue 5350 € par jour à de tels privilégiés qui continuent d'exploiter et de dépouiller la masse de gens modestes ? 

Comme pour juguler un mécontentement légitime, le gouvernement andalou a bien racheté des domaines mais sans redistribuer ou laisser exploiter ces terres par des gens qui, brassiers ou chômeurs (tant l'immigration contribue aussi à rabaisser les plus modestes) ont besoin de manger ! Le monde libéral, au nom du profit, privilégie tous les abus dont celui de subventionner des cultures à l'exportation alors que la main-d'œuvre locale est maintenue dans le besoin et quand la désobéissance légitime amène à occuper des terres laissées à l'abandon dans le but de spéculer, l'Etat complice organise la répression des mouvements sociaux, l'emprisonnement des syndicalistes... " Suivant que vous serez puissant ou misérable " écrivait La Fontaine...   

2017 centres financiers offshore  Creative Commons Attribution 4.0 International AuteurJavier garcia-Bernardo, Jan Fichtner, Frank W. Takes, Eelke M. Heemskerk / inutile de les situer seulement dans des îles lointaines, 1/4 de ces "puits" et "conduits" se situent en Europe dont l'UE.  

Parce qu'il rappelle trop la minorité dominante qui opprime les peuples, parce qu'il était le cas le plus voyant, le moins dissimulé vu la vie de l'héritière d'Albe, il ne faut surtout pas laisser de côté tous ces milliardaires sans particule, cachés au sein de collectifs d'actionnaires, de banques, assurances, fonds de pension (suite au scandale des maisons de retraite ORPEA, rien n'a changé dans la primauté de la finance sur le respect à la personne !) qui accumulent des profits ignobles sans contribuer à la solidarité collective puisque la fraude aux bénéfices camouflés dans les paradis fiscaux est plusieurs milliers de fois supérieure au détournement des prestations sociales d'un pays dit " développé ". 

Il n'empêche que le Monde continue de tourner toujours pour les mêmes tant que les politiques ne font rien contre un système mafieux qui est le leur... 

lundi 9 janvier 2023

Le CINÉMA au village : JOSELITO...

 Le dimanche après-midi : la séance de cinéma. Est-ce que tous les films sont adaptés à nos âges ? En attendant, si les affiches collées sur les grandes vitres des cafés Mestre et Billès correspondent, ce sont quinze ou vingt gosses qui prennent place sur les bancs de devant, les parents ont donné les 70 centimes, l'équivalent d'une flûte de pain (400 g) ; ils savent ce qui est programmé, au moins ils nous demandent, je suppose, avant de permettre alors qu'ils poursuivent leurs discussions de grands. 

Juste derrière le comptoir de bois tenant lieu de caisse, non loin de madame Calavéra, une mamé avec ses quelques friandises sur le plateau d'osier suspendu à son cou (elle ne doit pas rouler sur l'or), le patron, monsieur Balayé, nous place d'autorité, sur ces bancs de devant, pour nous avoir à l'œil, à trois ou quatre mètres de la scène, à sept de l'écran, les fauteuils ne nous sont pas permis... bénéficions-nous d'un tarif réduit ? je pense. Un demi-siècle plus tard, ce ne sont peut-être que des impressions qui m'ont marqué ; Monsieur Balayé, de Salles, le village non loin, nous tient à carreau, un long bambou à la main aidant, dissuasif : il lui suffit de tapoter l'épaule de celui qui taquine, rit avec le voisin, qui n'est pas sage. 

Paper_cinema_ticket années 80 domaine public Auteur Tangopaso (2)

Au comptoir, si un retardataire entre, son épouse allume la lampe de poche... j'ai oublié mais avons nous un ticket en retour, de ces petits rectangles jaunes détachables d'un rouleau ? Un dessin animé, les actualités, la publicité de Jean Mineur envoyant son pic dans le mille de la cible, un court-métrage de Charlot, un soupir de satisfaction lorsque le titre s'affiche (on fait les difficiles avec les entrées pourtant variées !).  
Andalousie 1984. 

Joselito, on le connaît pour avoir vu "Le Petit Vagabond", "Le Rossignol des Montagnes,", "L'Enfant à la Voix d'Or", "Écoute ma chanson". C'est vrai qu'il a de la voix et qu'il n'y aurait pas d'histoire s'il était riche avec une carrière toute tracée. Or, on peut vivre modestement sans que sa destinée n'expose à de tristes situations et aux épreuves qui vont avec... 
Nous le retrouvons orphelin de mère, confié à une femme qui ne l'aime pas ou orphelin de père, habitant avec le grand-père parce que le nouveau mari de sa mère le rejette...  Une fois, berger dans la montagne, il ne descend au village que pour porter sa paye à sa mère, sauf que le père est violent et alcoolique... Une autre fois, le père, forgeron, mène son éducation et lui fait travailler la voix... 
Il doit se défaire des méchants, les enfants jaloux qui lui en veulent ou un impresario qui veut l'exploiter. Il tombe aussi sur des gentils, le vagabond Pepino qui l'amène chanter de foire en foire, les gitans qui le recueillent et l'intègrent dans leurs spectacles. 
Enfin, tout finit bien lorsque Joselito arrive à gagner l'argent qui permet de soigner son amie, la petite fille aveugle, lorsqu'il retrouve ses parents et un père libéré de l'alcool, lorsque sa mère, réalisant qu'elle est la fille d'un riche marquis, le retrouve après l'avoir longtemps cru disparu. 

Les villages blancs de lumière, débarbouillés d'un gris sans nuance imputé au Nord, comme l'exprime si bien Aznavour ("Emmenez-moi") en ajoutant que la misère lui semble plus légère au soleil. Si Sud ! je ne peux m'empêcher de déborder jusqu'au Pirée et ses enfants par Mélina Mercouri ou Dalida... Tout ce qui me transporte dans mes années fin 50, 60, disons de mes 8 à mes 17 ans, un emballement très Mare Nostrum avec Zorba le Grec, le sirtaki et toujours cette déduction faite axiome que le pognon ce n'est pas la vie...  
Laurel_and_Hardy 1930 Author Hal Roach Studios

Charlie_Chaplin_reads_Film_Fun,_1915 Author Anonymous

Aujourd'hui, Franco s'invite dans les histoires de Joselito, tolérant la préférence du petit chanteur pour le flamenco au café plutôt que le chant religieux chez le curé, ne permettant pas un misérabilisme qui nuirait à l'image de l'Espagne même si le besoin de devises est prégnant. Aujourd'hui je ne fais plus le parallèle avec les miséreux puisque chez les gens ordinaires et dignes des films du rossignol à la voix d'or, les intérieurs sont chaleureux s'ils ne sont pas riches, et, dans la pièce à vivre, il y a le poste de radio. Le cinéma au village m'emporte positivement alors qu'à la maison, mon père impose Copperfield et Sans Famille, toujours pour me culpabiliser, me claironner que j'ai de la chance, sans qu'il réalise qu'il m'enferme dans un mal être qui n'en finira pas de me bloquer encore, en tant que jeune adulte... Enfin, sans vouloir ni accuser ni accabler, je me découvre faible de ne pas me défaire d'un fardeau psychologique certain... Aujourd'hui, alors que j'écris ces lignes, le hasard fait que Arte nous passe les destins de Laurel et Hardy puis de Charlot (8 janvier 2023), preuve que le passé est porteur, le présent volatile et qu'on ne sait rien de ce qui est à venir...  

Andalousie 1984. 

Le cinéma au village a contribué à me garder de la perdition... Avec d'autres bonheurs comme l'amour de la nature, l'importance des copains, mon attrait pour le yin, le goût du voyage, l'évasion, l'imaginaire, il a grandement contribué à me donner envie de la vie... Ne dit-on pas que tout se joue à l'enfance ?