jeudi 5 janvier 2023

LE LOTO, CHALEUR D’UN TEMPS ÉVANOUI (6)...

Sixième volet, jusqu'à présent le dernier mais c'est psychologiquement toujours aussi dur de mettre "fin" tant on espère la possibilité d'éléments supplémentaires, d'une nouvelle source.   

La preuve : le site OCCITANICA du CIRDOC nous donne encore l’occasion de prolonger...    

https://occitanica.eu/items/show/423 (Lo Lòto : recueil de mots et expressions pour animer un loto ou quine en occitan · Occitanica, Portal collectiu de la lenga e de la cultura occitanas).

A Barcelone, le « loto carton » s’appelle « quinto », à Perpignan ils participent à des « rifles » (au féminin). Ce terme « rifle » est courant aussi dans le Berry ou en Bourgogne (!).

Chez nous, ce seraient les municipalités qui auraient retiré le droit d’organiser (?? explications demandées...).

Dans nombre de départements, les préfectures autorisent les lotos entre le 1er décembre et le 1er février.

Les expressions accompagnant les numéros les désignent sans risque de confusion, c’était plus essentiel encore avant l’invention du micro, qui plus est, dans le bruit ambiant.

En habillant plaisamment la sortie des numéros, le nommeur démontrait des talents d’acteur certains ; ses reparties collaient parfois à la vie du village, souvent à l’actualité (74. La cuve à Clermont-l’Hérault, inutilisable pour la vinification suite à un nettoyage au gas-oil / 42. Allez les Verts ! / 33. Rika Zaraï dont les bains de siège prêtaient à rigoler !).

Le public aussi joue un rôle en anticipant le mot d’esprit attendu ; souvent il aiguillonne le hasard avec un « mounto lou » (monte-le) ou « vai lou quéré » (va le chercher) qui fait monter un marmonnement de dépit dans l’assemblée sinon une rumeur de répit si l’intéressé dit « brigan » ; il arrive qu’un ou une extravertie se permette de commenter « bien compté » « mon âge » ; parfois, par connivence un joueur interpelle le nommeur toujours capable d’humour dans un retour qui fait sourire tous les joueurs... Le public habituel aime (certains viennent tôt pour garder la place dans la salle où aura lieu le tirage), le changement agacerait : pour cette raison, le nommeur reste attitré jusqu’à ce qu’un jour, souvent à l’usure, il faille bien changer d’époque. 

Et pourtant les affiches étaient en français... 
Lieuran_lès_Béziers_affiche_loto_1930_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Domaine public.

Avec un brassage des populations favorisé par l’attraction du pourtour méditerranéen, la platitude du français  vient niveler le relief, le piquant propre à notre parler occitan... ce qui est bien à l’image de la domination aussi anachronique que malsaine du pouvoir de Paris, dans l’inclination honteuse pour la gouvernance absolue, la seule en Europe en bute aux langues, au particularisme des régions, mythifiant un Napoléon comme elle le fit d’un Pétain en collusion d’avantages mal placés... dèjà à préférer une soumission dangereuse à l’homme providentiel... pardon si je m’égare, serait-ce sans prêter à conséquence. Si nos lotos survivent, qu’ils soient commentés en occitan puis en français. 

Le site Occitanica nous offre des variantes rafraîchissantes :

2 Tu e ieu (toi et moi),

4 la man del fustier (la main du menuisier), la leca (baguettes en forme de 4 qui maintiennent en l’air la pierre plate d’un piège),  

6 la rèsso (la scie d'où le rasséguet utilisé par le poudaïré lors de la taille),  

7 la dalho (la faux),

14 la flour al fusil (début de la Grande Guerre),

15 lou rugbi, lou Cantal, un talh de cantal (un morceau de cantal),

16 lous ceses (les pois chiches), passo a Bagnols (sur Cèze), ço que se manjo per Rampalms (ce qui se mange pour les Rameaux),

17 Gafa, la déportation en Tunisie du 17e d’infanterie ayant mis la crosse en l’air lors de la révolte des vignerons en 1907.

18 i a pas lou foc (il n’y a pas le feu, en rapport avec les pompiers),

21 la moustardo (de Dijon),

22 las randouletos (les hirondelles),

23 Jan lou papo (Jean XXIII),

25 Nadal (Noël),

27 la soupo de porrès (la soupe de poireaux),

28 la fièiro de Naucèlo (la foire aux bestiaux de Naucelle, en Aveyron, connue pour ses bals, suite aux ventes),

29 l’an del gros ivern (l’année du gros hiver),

30 lou bel atgé (le bel âge) lou traouc de l’amour (le trou de l’amour... peut-être une réminiscence licencieuse du Moyen-Âge),

31 Aprei l’amour, los Toulousens, las violetos,

34 Erau, Bésiérs e Mountpelhier, lous fadolis ( l’Hérault... les timbrés),

40 lou cioul de ma tanto, l’an dau gran Rosé (crue mémorable du Rhône), michanto annado (méchante année),

41 les rutabagas,

42 les topinambours,

44 las cancarinetos (les castagnettes),

45 lou pastis,

48 la Lozero (la Lozère),

51 lou pastaga,

52 BB Brigitte Bardot (son mariage avec Vadim),

55 lous tetouns, lou paradis dels omès, douple,

56 lou gran fret

58 la Constituciou,

59 Lou Nord, lou cal pas perdre (le Nord, il ne faut pas le perdre),

60 la retreto (tu entends Macron ?),

63 Giscard, Danièle Gilbert (du Puy-de-Dôme),

64 lous Bascos, m’en vau a Pau (Les Basques, je m’en vais à Pau),

65 Bernadeto, m’en vau a Tarbes (ou à Lourdes ?),

66 Lous Catalans, lou Pertùs, Perpinhia, dous culhiers dins lous linçols (deux cuillères sous les draps),

67 la choucrouto,

68 las calados (les pierres), la revoluciou,

70 se manjavo de rats (il se mangeait des rats)

74 la néu (la neige dans le Vaucluse, le Gard, l’Hérault),

75 lous Parisiens, lous envahissaïres,

78 Versalho,

79 las dous cabros (ils prenaient déjà en compte Ségolène ?)

81 bougré de Tarnagas (sacré Tarnais),

83 la marino de guerro,

84 Sul poun d’Avignoun, Miréio,

87 Lous d’Argélièrs (les 87 vignerons du départ avec Marcelin Albert en 1907),

88 las dous cacaùetos, las poupos (les cacahuètes, les seins)

La dinde ou le jambon au bout de la soirée, qui sait ? En attendant, de l’Histoire, la paillardise du Moyen-Âge, la libido des hommes, une initiation à la géographie avec toute la convivialité complice des villageois...  

mardi 3 janvier 2023

Sur l'IMMIGRATION ESPAGNOLE...

 Par chez nous, sur la place de bien des villages, on entendait parler espagnol ou catalan, c’est qu’un tiers de nos populations était de cette origine. Si le demi-million de réfugiés lors de la Retirada, a marqué les mémoires, ce sont pourtant, à la fois pour des raisons économiques et politiques, plus de quatre millions d’émigrés qui arrivèrent en France entre 1888 et 1930 (Maria José Fernandez Vicente, 2004) (je n'ai pas trouvé la raison d'une année 1888 en particulier...). Si à vingt ans le service militaire était obligatoire, un tirage au sort emmenait une partie des hommes au Maroc pour des périodes de deux à six ans ! Les riches pouvaient envoyer quelqu’un à leur place ou payer à l’État.

Coups d’États, pronunciamentos, défaites et pertes des territoires en Amérique, aux Philippines, semaine tragique de 1909 Entre le 26 juillet et le 2 août 1909, la semaine tragique surtout à Barcelone : barricades suite à la perte de 1200 réservistes au Maroc et contre l’envoi  de soldats supplémentaires (guerre de Melilla), contre l’appel des réservistes (1500 pesetas pour s’en exempter, l’équivalent de plus de quatre ans d’une paye d’ouvrier).

Bilan : plus d’une centaine de morts, ensuite plus d’une centaine d’églises ou couvents ou collèges religieux incendiés, ce qui va renforcer la tyrannie du pouvoir : intox basée sur un prétendu séparatisme catalan pour ne pas que le pays suive, renforts militaires, mise au pas et exploitation des ouvriers, féodalisme dans les campagnes maintenu, élections faussées par une hiérarchie de caciques au service des nobles...

Conséquences : syndicats interdits, fermeture des écoles laïques, des milliers d’arrestations avec 2000 poursuites pénales, 5 condamnations à mort, 59 à perpétuité, 175 à l’exil. 

Depuis deux siècles et l’unité victorieuse contre Napoléon, l’Espagne n’en finissait pas de toucher le fond avec de brefs sursauts progressistes qui ne pouvaient durer tant que les nobles et l’Église maintenaient une domination féodale archaïque (la « sainte inquisition » n’a été abolie qu’en 1834 avec encore un instituteur pendu à Valence en 1826 !).

Liées aux circonstances politiques, des causes économiques ont poussé quatre millions d’Espagnols à émigrer entre 1890 et 1930. 

Photo autorisée fourche de houx hubertm L'Air du Bois

On part pour ne plus vivre dans une hutte au sol de terre battue, pour ne plus faire la corvée d'eau avec l'âne, pour ne plus labourer avec une mauvaise charrue, pour avoir de bons outils en fer et non du tiers-monde comme ces fourches en bois qui, plus tard, décoreront si bien les intérieurs, ou ces dents de silex des herses pour briser les mottes de terre. On part parce qu'on n'a pas pu faire la révolution contre les nobles latifundiaires. Cette situation était la norme à la veille de la guerre civile ; les occupations des terres ont durement été réprimées par l'extrême-droite franquiste (350 journaliers exécutés à Palma del Rio et pour dire combien la pression des riches spéculateurs est forte, aucun des sites qui mentionnent ce massacre n'ose dire le nom du coupable dont les descendants ont hérité...). 

A partir de 1956, Franco qui bloquait les frontières les ouvre pour diminuer le chômage, alléger le budget public, faire rentrer des devises. 

Nombre d'information proviennent d'un rapport gratuit sur la présence espagnole à Mauguio, des circonstances historiques de l'immigration, des fêtes, votive, camarguaise, espagnole, mais rien sur l'auteur sinon :  

"... Mes parents sont arrivés dans les années 1960, avec les grands parents. Ils venaient de Lorca. Les grands parents venaient pour fuir la dictature.../... Ils ont rejeté l’Espagne. La première chose que ma mère a entendue était « espagnole de merde ». Mes parents parlent français sans accent espagnol. Ils disaient : « devenez plus français que les français »." 

Un grand merci pour ce partage ! 

Vendanges_en_Corbières_(1975) Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International


Politiques migratoires espagnoles et françaises – Projet de fin d'etudes (rapport-gratuit.com)

safara10ean187.pdf (mcours.net)