dimanche 29 janvier 2017

SINGULIERS PLURIELS.../ Montpellier, Sète, Languedoc...


Est-ce en 1968 ? un ou deux ans après ? Il ne sait plus et puis qu’importe. Il sait seulement que c’est un jour d’été, annoncé par des les virages serrés et criards des martinets, dans un ciel pur, de lumière inondé.  


L’esplanade. Au fond de la perspective, le temple grec gardien des eaux. Les feuilles vernies des marronniers et leurs grandes fleurs qui l’égarent vers une improbable dame aux camélias. Son père l’a déposé à l’entrée de la Promenade. Il est à Montpellier pour une commission qui examine et  rattrapera peut-être des résultats qui pourraient passer. Journée repêchage non seulement pour des bilans ric-rac au bac mais aussi pour des relations père-fils plutôt grippées, d’où le prétexte pour la balade. 

Il a même prévu un itinéraire retour par Sète et le bord de mer. Seraient-ils natifs, ils ne se lassent pas des visages changeants de la Grande Bleue. Le passage par la corniche complète à merveille l’aller avec Molière et Lapointe à Pézenas, les huîtres et les moules de Mèze et Bouzigues sur le Thau. Après le port, les chalutiers à quai, le belcanto des ravaudeurs et ces terrasses de cafés qui chantent le mezzogiorno, le Mont-Saint-Clair expose son cimetière marin vers le soleil et le large, par-delà les criques. Midi l’implacable brûle des feux de l’impatience. Entre le souffle trop léger, trop chaud des terres et les signes d’une brise marine devant tourner sous peu, c’est à peine s’il flotte un air poétique, c’est pourtant là que repose Paul Valéry, l’homme singulier de l’île singulière, revenu au pays, en dernière extrémité.

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !.. »

Vers Agde, en suivant le lido, le souvenir évanescent du poète s’est vite fondu dans les volutes d’air brûlant. On n’est pas sérieux quand on a dix-huit ans et que l’été appelle...

Il a fallu Brassens, sa complainte pour être enterré sur la plage de Sète et surtout, barrant l’espace, la silhouette du Mont Saint-Clair, en pendant des Albères, à l’opposé. Valéry d’un côté, Machado à Collioure, ouvrant ensemble le Golfe du Lion, en éventail, au-delà des "focs qui picorent"... Tant d’années il a fallu, pour que, auprès de ces grands hommes, bourgeonnent des idéaux de conscience, de libertés, si éloignés, foulés aux pieds, même, aujourd'hui, par les dirigeants carriéristes et bestiaux qui, toute honte bue, nous gouvernent... 



crédit photos commons wikimedia : 
1 Château d'eau du Peyrou, Montpellier auteur Christian Ferrer.
2 Promenade du Peyrou auteur Pierre Selim.
3 Sète Le Port auteur Christian Ferrer.
4 Sète cimetière marin auteur Fagairolles34.  
5 Sète cimetière marin tombe de Paul Valéry aut Fagairolles34.  
6 Antonio Machado  
7 Collioure auteur Henning Dippel 

mardi 24 janvier 2017

LE HUBU-HUBU, jolie liane de Mayotte




Elles ressemblent à des petites oranges, verruqueuses, plus ou moins passées, haut perchées dans un arbre. Les locaux disent « hubu-hubu »... Ça ressemble à du kibushi, le parler malgache de Mayotte... Et en shimaoré ?

Alors demande à ta souris de chercher « fruit liane tropicale » et tu te retrouves aussitôt transporté au... Sénégal avec le ou la Saba Senegalensis. 



Wikipedia te dis que son fruit est appelé zaban, malombo, maad et made ou wèda. Ailleurs tu lis que si certains palais plus nordiques les trouvent trop acides, les locaux, eux, apprécient ces petites oranges spéciales. Une nana genre « Out of Africa » trouve qu’avec du miel... Elle ne cueille que les fruits tombés et laisse la production aux singes verts, du moins pour ce qu’ils peuvent attraper... Un proverbe local, peut-être dû à un fabuliste du cru lecteur de La Fontaine, nous répète que le singe vert qui regarde ces maads inaccessibles, se console en disant qu’ils sont trop amers... et certainement bons pour des goujats ! La femme blanche dit encore qu’elle en a beaucoup si Moussa passe. Il sait grimper lui ! Même qu’il raconte que si les branches cassent, ça n’arrive pas à la liane, très solide et qui fait rebondir en amortissant la chute... Il doit savoir de quoi il parle...

Ne me demandez pas comment, avec ma souris, je me suis retrouvé de l’autre côté de l’Afrique avec une espèce locale de la liane, Saba Comorensis localement appelée Tandri hubuhubu (liane hubuhubu (1)). Je suppose que, depuis Madagascar, au Mozambique, au Kenya, on doit la nommer autrement. En Tanzanie, à Pemba ou Zanzibar, vers les marches du royaume de Saba, les langues apparentées au swahili parlent de «bungo» ou «mbungo», pluriel «mabungo».

Wikipedia en anglais précise bien le genre Saba, famille des Apocynaceaes, pour un fruit de la couleur d’une orange mais à la peau coriace renfermant des pépins entourés de pulpe et qui rappelleraient, en petit, le noyau de mangue. Ne serait-ce pas plutôt comme la pomme cannelle ou mieux comme la fève de cacao ?

Quoi qu’il en soit, le jus en serait délicieux, entre la mangue, un agrume et l’ananas, et bien sûr très apprécié. Je vous dirai bientôt... 


On en oublierait presque que si la liane ne fait l’objet que d’une « préoccupation mineure », près de la moitié de la flore originale de Mayotte est menacée de disparition. En cause la disparition des zones naturelles, les défrichages abusifs de la forêt (pression démographique accentuée par la présence nombreuse de clandestins), de la mangrove (les autorités peuvent en être coupables), les cueillettes illégales (plantes, bois précieux), la colonisation par des « pestes » végétales exotiques, la surfréquentation touristique comme en haut du Mont Choungui.

Comment en faire abstraction, même devant un verre de jus aussi sauvage que frais ?    


(1) traduction Mariama.  





photos 1 Saba_senegalensis / commons wikimedia / auteur T.K. Naliaka
2 Saba_comorensis Author Franz Eugen Köhler in Kölher's Medizinal-Pflanzen 
3 Saba_senegalensis / commons wikimedia / author Atamari
4, 5 et 6 Mariama de Mayotte (janvier 2017).