lundi 5 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (III) / STURNUS assidus, CICONIA. Et VÉNUS ? / Fleury en Languedoc.

  
Enième pause pour voir les étourneaux (1), par centaines, loin sur des fils électriques, à la limite du plateau. Aux temps rustiques, mais en hiver, des chasseurs, sinon des braconniers, les canardaient la nuit pour les récupérer à l’épuisette (ou des filets étaient-ils utilisés ?). Les oiseaux trempés se revendaient aussitôt dans les villages alentour : Séraphie et Odette en vendaient au tabac. Un trafic en quelque sorte...
« Tu sais, Florian, les chasseurs les tiraient volontiers, du temps où le gibier apportait un plus. La nourriture était chère. Certains y passaient tout le budget. Et il n’y avait pas le choix d’aujourd’hui.


 Et l’étourneau, revenu dans le sud se gave dans les vignes alors que plus au nord, il va sur le crottin et les bouses... je le tiens de Loulou, un copain d’enfance qui avait sa famille dans le Nord, plus précisément dans le Pas-de-Calais. Enfin, les amateurs disaient bien que les raisins donnaient bon goût, comme pour les grives. Ce qui est sûr est qu’entre la saison des nids et l’automne puis l’hivernage, tout change. Quand on en parlait, en Tchéco, chez tes arrière-grands-parents, ils en étaient choqués. En Bohême, l’étourneau est un oiseau du printemps qui nourrit ses petits d’insectes. Les agriculteurs l’apprécient. Tout le monde l’aime. A présent il a envahi les villes où il salit beaucoup, du moins sous les dortoirs. Sinon, l'étourneau chante bien et si tu voyais les nuages mouvants des vols, quand ils sont peut-être des centaines de milliers, ça ressemble aux bancs de poissons qui espèrent dérouter les prédateurs. » 


Deux promeneurs approchent : ils parlent des mûres à propos des trois qui s’égratignent les jambes sur le coteau.
Et c’est alors que dans le ciel, planant depuis le plateau, un oiseau aux grandes ailes se dirige vers l’étang. « Une cigogne ! » Puis deux puis trois, puis cinq, et autant de photos qui se déclenchent. « Ne t’occupe pas du résultat ! regarde plutôt le vol qui arrive ! » 


Elles sont dix, davantage. on ne compte plus.
« Quand passent les cigognes (2) »... aussitôt le titre du film vient à l’esprit. La ronde des saisons marquée par les oiseaux migrateurs s’affranchit des complications néfastes que l’homme se crée. Le film revient sur la vie, la trahison, la mort entre un soldat contre les nazis et sa fiancée à l’arrière qui ne l’attendra pas, une histoire d’amour, de vie qui continue de concert avec la société toujours en mouvement, entre guerre et paix, entre oppression et révolution. Pourtant, à l’échelle cosmique, comme on se sent petit et insignifiant quand les oiseaux nous rappellent l’inéluctable marche du temps. A la fois pour ne pas se laisser étourdir par ce qui nous dépasse et aussi pour essayer de durer dans des cycles naturels que nous avons mis à mal, enchantons nos vies de ce que la nature a de merveilleux plutôt que de toujours croire que l’homme est le nombril du monde. D’où viennent ces oiseaux magnifiques ? Où vont-ils ? Pourquoi partent-ils si la migration est si risquée ?  


« Mon fils, quels pays ont-elles survolé ? Depuis l’Alsace et peut-être plus au nord, en Allemagne, elles ont passé la trouée de Belfort, longé le Jura. Arrêt buffet en Bresse ou dans les Dombes aux nombreux étangs, aux prairies humides où son long bec attrape des grenouilles et bien d’autres animaux dont des nuisibles. Tu comprends pourquoi les hommes les apprécient ! Ensuite, c’est la vallée du Rhône pour quelques unes, celles qui passent par ici parce qu’un grand nombre coupe à travers le Massif Central  vers l’Aquitaine. Toutes se retrouvent en Andalousie et si certaines restent, d’autres suivent la vieille route migratoire si dangereuse tout du long. Gibraltar, le détroit, une vraie barrière. C’est que les cigognes doivent monter, c’est pour ça que tu les vois tourner : elles cherchent des ascendances. Elles montent avec l’air chaud, s’élèvent avec lui avant de partir droit en planant. Et ces ascendances, on ne les trouve pas au-dessus de la mer. Elles n’ont qu’à battre des ailes, tu me diras, sauf que c’est plus facile à dire qu’à faire. Essoufflées, elles volent, le bec ouvert, perdant de l’altitude et si les pulsations cardiaques dépassent la zone rouge, telles un sportif planté, elles tombent et se noient... Quand tu auras mon âge, on dit qu'avec le réchauffement, les oiseaux ne migreront plus. Quand on sait que sept sur dix ne reviennent pas, ce n'est pas plus mal !
Allons ! Bois un coup, mange un morceau qu'il faut lever le camp si nous voulons le voir aujourd'hui, ce temple de Vénus ! » 

(1) l’étourneau sansonnet, Sturnus vulgaris, est un oiseau social (jusqu’à 1 million d’individus), présent partout sauf en Antarctique, capable de migrer sur 1500 kilomètres. Son régime alimentaire est insectivore et frugivore. l’étourneau siffle, gazouille et a des dons d’imitation.
Source et pour plus de précisions :
 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tourneau_sansonnet
(2) Летят журавли = elles volent les grues ? film soviétique de Mikhaïl Kalatozov, palme d’or à Cannes en 1958. Pourquoi les traducteurs d’alors ont-ils craint qu’on ricane à l’idée de femmes faciles ou de prostituées faisant le trottoir ? Les grues sont devenues des cigognes. Les dirigeants tant politiques qu’intellectuels ont toujours affecté de grands airs paternalistes et condescendants à l’égard du peuple... Sous d’autres formes, cette propension reste d’actualité...  

photos autorisées commons wikimedia 
1. étourneaux auteur lamiot. 
2. étourneau sansonnet auteur Tusco.
3. nuée d'étourneaux auteur Oronbb.  
4. Cigogne_blanche_ichkeul© aut Elgollimoh. 
5. Cigogne auteur Mucki   

vendredi 2 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (II) / Béziers-Donzère

Les hommes se sèment, se plantent, se déterrent, se transplantent, continuent ou non pour, de toute façon, mourir. Arrachés aux leurs, emportés au loin, certains ne veulent rien voir des paysages qui défilent pas plus que des semblables qu’ils croisent. Pourtant, la grégarité n’est pas forcément moutonnière et l’enfermement sur soi est aussi potentiellement destructeur que régénérateur. L’acceptation des autres, l’ouverture, l’empathie, seraient-elles dues à la promiscuité, ont, il me semble, la capacité de déverrouiller le cadenas d’une mélancolie potentiellement, virtuellement nocive.
Certains proches se demandent pourquoi un départ programmé peut se faire avec autant de stress, en laissant derrière soi tant de choses oubliées, en catastrophe presque. Que répondre sinon que pour les bonheurs et les malheurs, si on peut comprendre, on ne peut se mettre à la place de. Et chacun a ses faiblesses suivant les circonstances.
A la gare de Béziers, visiblement, ce 22 août, la sécurité n’est plus celle affichée le 14. Le ciel est magnifique, un vrai temps de mer et pourtant, ils sont nombreux, à tirer leurs bagages sur le quai. Certains n’hésitent pas à quitter l’ombre de la marquise pour braver le cagnard vers les repères d’embarquement U, V, W. Deux amoureux restent collés, indifférents au soleil. Menus, de petite taille, ils se sont bien trouvés ces deux là. On dirait encore des enfants. Le train est en retard de dix minutes : les hobbits ne s’en plaindront pas. Sauf que ça ne va pas s’arranger : avant Vias il se traîne. Je cherche le vieux village mais il y a tant de nouveaux lotissements que j'ai du mal à imaginer mon professeur, Maurice Puel, écrivant « Farinette jadis » (1) (un Belge a dit à Naguy qu’un bungalow à Farinette-Plage ferait son bonheur, s’il gagnait au jeu). Dans les gares, le tortillard met un temps fou à repartir et l’annonce de la fermeture des portes tombe toujours à plat sans que rien ne bouge : il s’est mué en omnibus, ce coursier des grands espaces ! L’Étang de Thau, la mer depuis le lido entre Agde et Sète : comment ne pas être touché par les derniers éclats de la Grande Bleue ?
Montpellier. 20 minutes de retard. La gare a le don de m’irriter... Je lui fais payer pour le ballonnement excessif de la ville au fil des décennies, moi qui, dans les années 70, traversais à peu près commodément en passant, en plein centre, devant le bar "La Babote" ! Je lui fais payer, c’est lié, pour Frêche, qui, dans sa mégalomanie populiste et séditieuse, a réussi, auprès des Montpelliérains, à favoriser le culte de sa personnalité (1) ! 


Je lui fais payer pour ses parkings longtemps interdits. Je lui fais payer pour l’ambiance glauque et longtemps obscure au niveau des voies, contrastant complètement avec la luminosité du premier étage !


Je lui aurais bien fait payer d’autres tracas dont le manque d’infos concernant la correspondance et parce qu’une cheminote pourtant chapeautée aux couleurs de la compagnie, nous a fait comprendre qu’elle ne faisait que passer. Heureusement, l’agent avec qui elle bavardait a su nous dire, lui, après consultation de son "phone", que le 5029 de 14h 57 partirait de la voie A. Rien non plus contre l’ascenseur qui a bien fonctionné. Rien encore contre le contrôleur qui nous a aiguillés presto vers la voiture 11 pourtant bien devant la numéro 1 (combien de rames ce TGV ?). Presque rien, aussi, cette fois, contre la clim qui ne nous a causés qu’une frayeur sur tout le trajet ! Et un bon point néanmoins : les 13 euros seulement de supplément en 1ère classe ! Je suis râleur, je sais, mais à hauteur des 361 euros (avec un enfant) de l’aller-retour entre Roissy et Béziers !
Dans le Gard, les caisses empilées au bord des vergers ne disent pas que la saison fut mauvaise pour les fruits et légumes. Au débouché du sillon rhôdanien, on croit passer le Petit Rhône mais c’est déjà le lit unique, au-dessus de Châteauneuf-du-Pape, bien en amont d’Arles, où le delta se matérialise. Une mami toujours jeune change de côté, le temps de montrer le crâne pelé du Ventoux aux petits enfants qu’elle vient de récupérer. Sur mon erreur, je crois passer le Grand Rhône alors qu’on le repasse avant de le trépasser. Au moins avec les berges rectilignes du Canal de Donzère, le risque de se tromper est moindre. 


(1) http://dedieujeanfrancois.blogspot.com/search?updated-max=2016-07-18T08:35:00-07:00&max-results=7&start=7&by-date=false
(2) le Président du Languedoc Roussillon voulait changer le nom de la région en « Septimanie » mais sa septicémie n’a heureusement pas pu contaminer le "reste" de la région ! Et que penser, en sus, de la place des Grands Hommes avec les statues des dix qui ont marqué le XXème siècle et où il ne manque que celle du onzième, Frêche lui-même ! 

Photos autorisées commons wikimedia 
1. Montpellier rappelant Bucarest auteur NatFolk34.
2. Montpellier gare auteur TouN. 
3. Le Rhône à Vallabrègues avec le Ventoux au fond (Vallabrègues / archives communales)