mercredi 25 décembre 2024

LE TEMPS DE NOËL

C'est vrai que les sites pratiques, s'ils aident à retrouver une minette égarée, lancent la pub sur un acteur économique local ou mettent en avant une propagande politique, ne font pas tout. En complément sinon plus, un Triangle d'Oc apporte à une attente moins terre à terre. En accord avec la charte mise au point par son promoteur et que j'espère définitive, un petit souvenir d'une veille de Noël que je me suis dépêché de boucler... avec juste une image... C'est comme pour « le Bonheur est dans le pré », le poème de Paul Fort : « Cours-y vite... », parce que, même pour une journée appelée à se prolonger, ce 24 décembre va vite passer...     

En pensant à tout ce temps où, pratiquants ou non, croyants ou pas, de force ou de gré, beaucoup se retrouvaient à l'église, lieu de la cohésion villageoise depuis des siècles, je veux vous parler d'une époque pas si lointaine où la religion continuait à compter beaucoup et ce, chez nous comme partout, à Fleury. 

À la messe dominicale, lorsque l'abbé Boyer, psalmodiant tel un grand prêtre, rappelle « En ce premier dimanche de l'Avent, Jésus dit à ses disciples... », malgré le copain facétieux qui derrière enchaîne «... j'ai du bon tabac dans ma tabatière... », malgré madame Julia (l'intendante... la bonne du curé) qui se doit d'intervenir mais ne fait qu'aggraver nos fous-rires, si nos facéties se répètent, l'approche de Noël remet chacun en question. Bientôt dans une des chapelles, les bigotes auront monté la crèche sur fond de papier kraft arrangé pour figurer une grotte abritant une étable. Autour d'un creux seulement rempli de paille, en cercle, les statues de Joseph, de Marie, des bergers, de l'âne et du bœuf qui avec les moutons réchaufferont l'air. 

Chez nous, les adultes de la famille, eux qui n'iront pas, ne manqueront pas de demander si nous avons fait le geste de la voir, cette crèche, après l'office. Un enfant vient sauver le Monde, nous n'avons pas idée de nous questionner sur la virginité de la mère, un état et des mots qui nous sont complètement étrangers. 

Dix jours avant le vingt-cinq, la magie de Noël appelle, toujours depuis l'église : après l'angélus, les cloches sonnent nadalet, le petit Noël. Sans sortir dans la nuit froide, afin d'entendre, les enfants sont invités à pencher la tête sous le manteau de la cheminée. 

Fragon, petit houx, verbouisset... 


Les maisons aussi préparent Noël : avec parfois des santons, la crèche a trouvé refuge sous la branche de pin sinon un jeune arbre coupé, les sapins ne sont pas courants alors. De leurs vadrouilles dans la garrigue, les enfants ont rapporté du verbouisset, du petit houx, vert et rouge, exactement les couleurs d'un second Noël, qui s'est associé à la fête religieuse, celui du grand-père à barbe blanche apportant les cadeaux. À la radio, on entend « Mon beau sapin », « Vive le vent d'hiver », « Douce nuit », et Tino Rossi chante « Petit papa Noël »... 

Il ne manque que la neige, celle qui fait rêver les enfants des pays trop comblés de soleil et de températures plus clémentes. J'ai plus de dix ans mais cette magie demeure : je me souviens d'un vingt-quatre décembre, comme souvent, à faire la navette entre chez moi et la maison des grands-parents, peut-être seulement pour une raison : des flocons voltigent. Je me suis arrêté sous l'auvent de l'épicerie de Jeanne, anciennement la Ruche du Midi des Molveau, les yeux levés vers cette neige qui danse et tourbillonne sous le néon (le village avait remplacé ses ampoules par un éclairage moderne !). Des hommes sortent de l'apéritif, du café plus loin, col relevé, menton baissé, l'un d'eux parle fort pour qu'on l'entende. Ils passent sans me voir, sauf un, Jeannot Tailhan qui s'étonne de ce que je fabrique, ce que pour rien au monde je ne confesserais... 

... Que la neige tienne et pour la messe de minuit ce sont les métayers des « Trois Messes Basses » qui vont monter pour la messe au château. Ils montent comme Fernandel en brave moine vers la terrible auberge rouge sauf qu'eux, comme Garrigou et Don Balaguère, profiteront d'une hospitalité plus catholique, relevée exceptionnellement par les dindes truffées du réveillon. 

Les Noëls Blancs faisaient rêver les enfants du Sud ignorant que dans la fin de cette décennie, ils iraient quand même passer un jour à la neige avec le car...  

lundi 23 décembre 2024

PROVENCE du RHÔNE (24) Aznavour et le copain Antoine.

En mémoire d'Antoine (1950-2020). 

Paradou, un moulin à foulon à l'origine, pour traiter la laine. Sur la fontaine devant la mairie, le buste du poète local Charles Rieu. Marie Mauron a édité un livre sur Charloun Rieu (1846-1924), agriculteur toute sa vie dans les oliviers, poète conteur attendu pour ses chansons dans les villages qu'il parcourait à pied, souvent lors des fêtes liées aux travaux agricoles. 

Charloun_Rieu Domaine public Auteur inconnu du début du 20e siècle.

Auteur d'une traduction en occitan de l'Odyssée, de « Couro la vido ero la vido » (Comment la vie était la vie), Charloun Rieu, majoral du Félibrige, cigale d'or, est plus connu pour « Li Cant dou terraire », 133 chansons populaires en trois tomes sur la vie et l'activité agricole locale.  
Église_de_Mouriès 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Vi..Cult...

Éric_Cantona_à_Namur_pour__UBU_ENCHAINE 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license.Author Michaël Bemelmans



Maussane-les Alpilles et plus encore Mouriès sont des localités réputées pour les olives, l'huile qu'on en tire ainsi que les olives cassées. Mouriès est le pays du bel accent de Cantona (1966-), le footballeur. Charles Aznavour (1924-2018) y résidait dans sa maison des Alpilles « Aigo Claro » ; il portait ses olives au moulin... 

Charles_Aznavour_1963 Nationaal Archiev NL Author Hugovan Gelderen, Anefo



Depuis qu'il explore mentalement cette Provence du Rhône, François le pêcheur de tenilles languissait et appréhendait aussi d'arriver à Mouriès. Pour Charles Aznavour. Pas pour dire qu'il l'avait croisé quelque part, non, rien de croustillant non plus. Ce pourrait être en raison de la grande qualité des paroles et musiques des chansons, ou encore en solidarité avec l'Arménie, petit pays historiquement brutalisé par des voisins bien plus puissants et agressifs. Mais non, plus indirectement, si son émotion au départ jusqu'aux larmes, reste forte, la cause en est un film récent « Monsieur Aznavour », en cause l'acteur principal Tahar Rahim... 
Tahar_Rahim_Cannes_2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Georges Biard

Ouveillan Vue_générale 2022 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Tylwyth Eldar


Tahar Rahim (1981-) : à la vue de son visage, sa forme, l'écartement, la couleur des yeux, le teint de peau, les cheveux, le cœur de François s'est arrêté, son souffle s'est coupé de voir devant lui, plus de cinquante ans plus tard, son copain de classe Antoine, Antoine Alcon d'Ouveillan ! Un détail unique, et encore, déparait, à savoir que l'acteur Tahar a forcément un sourire d'acteur et qu'Antoine, en copain ordinaire, n'avait pas à en jouer pour plaire, faut bien en convenir... Et François, touché, vite coulé tant le choc a pénétré profond... C'est qu'Antoine (1950-2020), est mort, donc, en plein épisode épidémique, à Montbolo, dans les hauteurs d'Amélie-les-Bains, département des P.O.. Antoine de leur complicité de garçons à propos des filles de la classe, Antoine des vains braconnages à l'étang d'Ouveillan, des balades à la grange aux corneilles de Fontcalvy sinon autour des châteaux pinardiers, Antoine à Fleury du temps des mobylettes bleues, du radeau en slip kangourou un lundi de Pâques sur la plage même des tenilles, à Pissevaches, suite à un coup de mer laissant sur le sable une quantité de bois flottés, Antoine le copain auquel un lien aussi indéfectible que secret, sur lequel seul le long terme saurait lever le voile, n'était plus. Le magnifique acteur de « Monsieur Aznavour » lui resservait tout ça en pleine poire, sans crier gare. 
François avait bien essayé de lui téléphoner mais de penser qu'il allait déranger en débarquant ainsi, si longtemps après, l'avait retenu. Peut-être était-il marié  ? Et puis la voix de l'épouse, de la compagne, l'aurait déstabilisé... Enfin cette pudeur mal placée empêchant de dire qu'on aime l'avait dissuadé. Se posant la question de sa résidence à Montbolo, peut-être un établissement de santé, la menace du covid potentiel. Il s'en est voulu apprenant sa mort, il s'en veut encore, il s'en voudra toujours. Il a craqué et pleuré à l'interview de Tahar Rahim ; son émotion reste vive malgré les jours. À côtoyer, notamment ces illustres personnages de cette Provence du Rhône si riche, intégrant que la renommée sinon la gloire ne rabaissent en aucune façon les autres, Hommes ordinaires (1), il n'a plus à en cacher le témoignage. Mais quelle joie ce serait de le savoir vivant...    

(1) Jules Michelet bien que coupable de racisme envers l'accent et les gens du Sud (les grands comme les autres, ont leurs failles) a néanmoins su si bien exprimer que chaque être est une humanité, une histoire universelle... 

Note : François le souhaitait presque, tant il reste fort, ce 23ème volet serait le dernier sur ce Sud qui lui tient à cœur, sur son ressenti particulier à propos d'une Provence du Rhône si liée au Languedoc. Laisserait il Georges Moustaki qui a eu habité Eyguières, devrait il revoir l'article sur Arles dans la cadre de la Camargue, il va devoir s'ébrouer afin de remonter la Durance puis passer dans les vallées occitanes du Piémont italien, avant de revenir