mercredi 31 juillet 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (4)

Mardi 18 juin 2024.  

144.377 km, 2h du matin/ 383 km en 7h (54 km/h en moyenne). Un parking, vaste. Récupération. Un camping-car à côté. Incertitudes de la nuit. De ne pas savoir à quoi ressemble l'environnement déstabilise : avant de s'endormir, l'enfant languit demain, le jour lèvera le voile sur les alentours ; l'adulte qui n'en dit rien ressent pourtant la même chose. 
Demain... Matin. C'est l'aire du Bourbonnais. Beaucoup de poids-lourds stationnés. 
Un fourgon s'arrête à côté, de location. Un couple en plein déménagement on dirait. Après la pause à la cafèt, ils en profitent pour changer de chauffeur, madame prend le volant. 
8 heures, des municipaux viennent nettoyer les quelques herbes rétives libérées des écorces au sol ; à y être, ils rafraîchissent les bordures végétalisées.  
Le frigo ne veut plus se rallumer. 
8h 45, départ.  

Bec_d'Allier 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Skymatt

Le Bec d’Allier, avant Nevers, le confluent d'une rivière sauvage et d'un fleuve encore libre, la Loire ; un site nature puissance deux mais il faut poursuivre la route et ce n'est pas la pensée que par le passé, journaliers et valets signaient pour ne manger du saumon que six jours sur sept qui va retarder... Un compte à rebours est en cours : il faut arriver à Roissy quitte à attendre là-bas, à portée, une fois le but atteint. Ses déplacements s'apparentent plus à des migrations qu'à des pérégrinations, pas la question de vie et de mort des oiseaux, des trajets néanmoins moralement vitaux puisque le cœur, le sentiment, commandent de rejoindre, de retrouver ceux qu'on aime, loin, qui manquent depuis toujours et trop longtemps. Joli paysage vert relevé par des lignes de peupliers (c'est plus flagrant quand on vient d'un Sud déjà sec de par sa situation). La N7 en travaux, des aménagements pour mieux rouler...
Aire de Pouilly, 10h 30, vingt minutes de pause. 
Cosne-Cours-sur-Loire, achat d’une bouteille de gaz au supermarché 42 €. 1. Choisir la bouteille. 2. Introduire la carte de paiement et payer 3. Sortir la bouteille pleine. 4. Introduire la vide sans quoi le prix de la consigne sera aussi facturé. 5. les feux, le frigo fonctionnent. Une première fois, ce n'est jamais facile, cela prend du temps. Plein du véhicule 144.505 km 61.08 l, 101,33 € 1.65 €/l
Il croyait qu'en 1965, à la nuit tombée, c'était ici qu'ils avaient monté la Cabanon ; non, à Neuvy-sur-Loire, 14 kilomètres plus loin, pas à Cosne, disent les notes de voyage. Et ce petit camping rustique semble ne plus exister au bord de la Loire. Près de soixante années se sont évanouies... Est-ce possible ?
À droite, un panneau indique « Saint-Fargeau » dans l'Yonne), peut-être un village, au moins un château, liés à Jean d'Ormesson (1925-2017). 
On approche de la Beauce, quelques tracteurs et une moissonneuse-batteuse en convoi exceptionnel. Repas léger sur un parking-camion, un de ceux où nombre de ces fourgons surtout polonais ou lithuaniens, complémentaires ou en concurrence avec les semis, stationnent pour récupérer (ont-ils les mêmes contraintes que les chauffeurs poids-lourds ?). Jeu des 1000 euros à la radio. 
Montargis : bel exemple d'une France métissée plus visible qu'en province… Que ce soit à cause des départements et territoires d'Outre-Mer, de notre histoire coloniale certes, du vieillissement de la population, mais autant bien choisir, sélectionner les migrants bienvenus, nécessaires... l’islam par sa dimension politique et la pratique intégriste des fanatiques ne doit pas submerger l'identité profonde du pays… L'interprétation rigoureuse de cet islam-là n’est pas compatible avec la République et s’il arrivait à dominer, les croyants aussi inoffensifs que ceux d'une chrétienté d'Europe jugulée seraient obligés de suivre, d'obéir. Ne rechignent-ils pas déjà à accabler les terroristes, puisque finalement, la solidarité religieuse joue, en dépit du sang versé ? De la nationale, les maisons à colombages ne sont pas visibles. 

Grand pont de Nemours 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Calips / La nationale traverse un centre-ville aux constructions remarquables sauf qu'en ne faisant que passer, l'attention oublie beaucoup ce qui s'offre à elle, monument, bâtiment ou château. Ne restent que ce pont, cette église sur la route de Paris.  


lundi 29 juillet 2024

Vieil INDIEN, vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (3)

Mais là, ce chaînage logique qui implose, ce maillon qui saute, cette inquiétante éclipse d'entendement, cette tournure incontrôlée des choses, en roue libre, ce fil d'Ariane sectionné, que la conscience, la mémoire, ne sont pas capables de reconstruire, de remonter. Soit, un trou noir angoissant, une menace potentielle, épée de Damoclès à jamais au-dessus de sa tête. Alzheimer. Concrètement, le bouchon du vase d'expansion perdu, le moteur qui agonise ; des objets donc, mais qui auraient failli afin de prévenir des ennuis autrement plus graves, de santé ?

17 juin 2024. Est-ce une fatalité ? c’est dans la descente vers la vallée, au même endroit, alors qu'il laisse la file de voitures passer, que la seconde se met à craquer. Millau : c’est toujours beau de voir le Tarn au sortir de ses gorges. L'ancienne capitale du gant met à disposition des trottinettes et que voit-il, à son encontre, sur la voie dédiée, Saroman, le magicien noir du Seigneur des Anneaux… mais non, seulement cette barbe poivre et sel, roide, sinon, pardon, ce visage aussi sec que spectral lui rappelle Serge, le copain du village, un peu barde et asocial, mort chez sa mère à la soixantaine, pour n’avoir pas voulu soigner son diabète... sur les rives du Tarn, un spectre solitaire pour l'an passé ? Tout comme ce dernier rond-point qui fait grimper sèchement vers l’autoroute, là où, l’an passé, il avait condamné à mort sa machine ; il en demande pardon au camion… “ Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui… ”. Ce camion, le moyen de ne pas se couper du pays, de moins peser sur la famille qu'on vient visiter... Ce camion, une petite maison, un refuge pour son fils des îles, afin de lui inoculer le virus du vieux continent, cher à son père... À chacun de se partager, de se déchirer pour n'être qu'un... 

Aguessac_viaduc ferrovaire 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Père Igor
 

Pas question, cette fois, de remonter au Golgotha, ce « lieu du crâne » dit Wiki ; pas de doute, de prise de tête. Tout clochait, décidément, ce 14 juillet 2023 ! un an après, plutôt reprendre un itinéraire plus plaisant, vers Aguessac, là où les caténaires en voûte à peine brisée de la voie unique apprivoisent le train, vers la vallée des cerisiers et même s’il faut monter ensuite, ce sera moins raide, rien à voir avec la côte de la mort. « Aire des gens du voyage » : rare ce type de campement habilité ou presque il irait, raccordant en sa tête les roulottes, les chevaux, « tambours [...] cerceaux dorés (1) »  de ces gens du cirque de presque soixante-dix ans en arrière… 
Sur la route quasi désertée, crépusculaire, un genre de voyageuse que la rudesse de l’époque a effacé des bas-côtés, une auto-stoppeuse et son pauvre sourire… Comment prendre quelqu’un en confiance, de nos jours ? Et un homme seul qui s’arrête pour une fille n’a-t-il que l'altruisme en tête ? 
144.035 km L'A 75 qu'ils rattrapent mais sans retrouver l’endroit du naufrage 2023. Tant mieux. Plutôt affronter ce qui fâche et travaille, plutôt conjurer le signe indien, plutôt passer délibérément de l’autre côté du miroir. 
 
Aire-de-la-Lozere-été 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Sancta floris
 

Chaque kilomètre gagné l'exorcise ce signe indien sauf que la direction tire à droite… pour voir si à l’aire de la Lozère (144.150 km 21h 40), le gonfleur serait en fonction : il ne s’agit pas de perdre de la pression parce qu’il manque l’embout ou parce que le compresseur n’est pas en état surtout que pour 4,5 à 4,7 kilos, il faut plus de sollicitation et de temps. Le gonfleur fonctionnait. 

144.256 km 23h 47 avant Clermont-Ferrand : faute de voir le numéro de sortie (la fatigue aussi), il sort par erreur à droite (direction Lempdes). Ensuite, la traversée bien en tête, ça roule même si les Clermontois circulent encore... Riom, Aigueperse, Gannat, Saint-Pourçain-sur-Sioule, toujours plus loin jusqu’aux abords de Moulins préfecture de l’Allier. 

 

Rester vigilant, la boisson à 32 doses de caféine a bien aidé, mais là, le flou gagne, il faut stopper les machines. 

144.377 km. 2h du matin, bilan positif, 383 kilomètres parcourus. 

(1) Les Saltimbanques Guillaume Apollinaire