mercredi 8 mai 2024

JFK (8) Sous les jupes des filles ?

Vendredi 19 avril 2024, déjà trois jours que tu me tiens compagnie.

Je ne sais pas si le parallèle avec le tarot est valable mais tu prenais souvent à la légère, par optimisme, je dirais, un peu à l’image de ton irréalisme politique. Autant revivre la bonne humeur des joueurs de cartes, notre curiosité ludique pour les questions aux champions, le lien avec les “ instuteurs ” locaux, à manger le fruit à pain au feu, les bananes vertes et le manioc du voulé (1), la grillade traditionnelle ; le lien pour les tiens, tu parlais de rendre visite à ta famille en Alsace mais au plus proche, rien sur tes enfants, ta vie sentimentale... Alors l'Alsace, laisse-moi ouvrir Géoportail pour retrouver cette vallée... voilà Lièpvre je crois... tu vois, aimer la géographie ça va avec aimer les gens. Vallée de la Lièpvrette, oh ! presque un terme grivois, toi, si prude, réservé. Une vallée refuge d'amishs, de ménnonites (2) du moins... mais non c'est juste à titre de curiosité, sans faire de parallèle avec qui tu étais... 

Lièpvre depuis le Hoimbach  2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Bernard Chenal

Une fois nous avions pris deux jeunes femmes en stop, tu te souviens, nous les avons alléchées... Enfin, moins cérébral, j’étais l’instigateur de cette préméditation potentiellement coquine, déjà à les amener à la case, oh ! de prime abord par goût de compagnie galante. Je les ai invitées à grimper dans le goyavier plein de fruits. Oh ! ne m’accable pas, c’est la faute à Brassens (1921-1981), un peu, goyaves, amandes... 

« ...Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier,
J’ faisais pousser des amandes :
Le beau, le joli métier !... » L’Amandier, 1957, G. Brassens. 

Et Souchon (1944), il y serait pour rien, lui qui chantait : 

« ... les garçons ont les yeux qui brillent
Pour un jeu de dupes
Voir sous les jupes des filles... » ?

Non JF, tu n’accablais pas, si agréable à vivre, ouvert aux autres et aux locaux, cet épisode souriant t’avait fait beaucoup rire mais va savoir ? ton éducation, qui sait ? ta retenue pour un rapport aux femmes des plus sérieux, une approche mennonite, va savoir ? Tu n’es pas venu sous l’arbre avec moi...

« ...Elles dans l'suave
La faiblesse des hommes elles savent
Que la seule chose qui tourne sur terre
C'est leurs robes légères... » Sous les jupes des filles, 1993, A. Souchon.

Avec les années, Abdou et Thomas, les copains du voulé au-dessus de la baie de Sada, le lagon aux éclats diamant, n’ont plus demandé après toi ; lucides, comme tous les locaux, ils concluent qu’il ne faut pas compter sur tous ceux qui, meurtris au moment du partir, promettent de parler de Mayotte, de la défendre, d’écrire à ceux qui restent. Jamais, à l’instar du JFK historique (1917-1963) disant à ses concitoyens que plutôt de demander ce que le pays pouvait faire pour eux, c’est la proposition inverse qu’il faut considérer, eux  ne parlent d’écrire, de contacter. celui qui part doit donner des nouvelles. Vers 2011, en tant que revenant, je leur ai appris que tu n’étais plus de ce monde. Moi, ça dure toujours avec Mayotte et avec une des belles rieuses qui nous moquaient si joliment en mangeant les goyaves. En 2006 alors que tu divorçais de ta mésalliance avec le PS, nous naissait Florian... Qu’est-ce qu’ils me rendent heureux, avec sa mère ! qu’est-ce qu’il m’a rendu heureux, ce petit, sur le chemin de l’école, dans les bambous, entre cocotiers et manguiers... à réciter « L’entendez-vous, l’entendez-vous, le menu flot sur les cailloux ? ». Qu’y-a-t-il de plus beau que les mots chantés en poésie : « Mélusine, Et les putois et les fouines Et les souris et les mulots » sur les lèvres d’un petit garçon dans un paysage encore épargné ? J’aurais tant aimé connaître le Jean-François intime, ta nichée, ton nid, ta conception du bonheur... La politique ? je l'abomine !

Ce sont mes dernières grandes vacances, j’écris, pas que pour moi, j’espère être publié mais sans en faire une maladie, l'autoédition me suffit aussi. Beaucoup de ceux rencontrés sur le chemin de la vie me tiennent à cœur sans que, comme avec toi, et c’est généralement le cas, je ne sois demandeur de rien en échange. Le 22 décembre 2011 nous avons perdu Saïndou, vingt ans, en 2015 mon oncle Staňa, papa en 2017... tant de copains d’enfance, de gens de ma communauté villageoise et des endroits qui m’ont accueilli, le lot de tout un chacun... de quoi, dans l’ordre naturel des choses, apprivoiser la mort mais c’est à côtoyer la vie qu’on se sent vivant. J’ai aimé que ton copain Mottard cite Albert Cohen... avec ce qui nous attend, soyons tendres les uns avec les autres... mennonites un peu...  

(1) Avec la vie plus facile, la viande, les ailes de poulet en premier, les brochettes de bœuf ou de poisson, ont enrichi la grillade initiale. 

(2) mouvement chrétien prônant l'interdiction de l'utilisation d'armes contre les humains, donc antimilitariste, contre les guerres. par contre une autre indication précise qu'au sein de leur Église, le taux d'abus sexuels est comparable à ce qu'il représente dans la population.   

mardi 7 mai 2024

JFK (7) « Pauvre type, va ! »

 Tu n’auras pas connu l’explosion en vol des grosses écuries institutionnelles, PSUMP (ça pète plus que UMPS de le lire comme ça!). Elles ont implosé, se sont désagrégées de l’intérieur, la désaffection des électeurs ayant seulement suivi et certifié le désastre. À nouveau, comme chez La Fontaine, c’est le troisième Macron qui a tiré les marrons du feu (2017).

En ce moment (2024) un dicton chinois se répète à l’envi « c’est par la tête que le poisson pourrit ». Pourrie de l’intérieur, cette politicaillerie ! seule une désaffection marquée des citoyens pourrait la faire enfin tomber, une peur de l’abstention que les parasites qui en croquent craignent plus que tout... Qu’est-ce qu’ils peuvent être mauvais français... ceux qui s’abstiennent ! 

18 avril 2007, dix-sept ans aujourd’hui... ton cœur lâche. C’est là que s’arrête ton chemin. 19 avril : tout le monde te pleure, tous se lâchent, même ceux qui au fond d’eux, restent secs ; un répit, une trêve, une affliction sans nom pour les plus touchés, quant aux autres... (Pas moi, les salopards, même morts je continue à leur en vouloir !) 

La famille a demandé le témoignage ultime à Patrick Mottard (Picard écolo, Mottard radical... la sincérité, seules les chapelles inoffensives en sont capables, et le PS égal à lui-même). C’est vrai qu’il a la plume alerte et sensible, Mottard. Il note une trêve politique factice à l’image des compliments vrais-faux déversés pour mieux passer avec les larmes. Ton ami souligne qu’avant de te trouver vilipendé, dangereusement menacé, ce furent critiques, railleries... n’est-ce pas Peyrat, le politicard multicartes, qui t’a traité de « pauvre type », dépité que tu sois fermé aux concessions, aux tentations matérialistes, fou jaloux de l’inaccessible richesse que tu affichais à marcher droit sous le soleil ou à rester toujours disponible et dévoué sur ton scooter rouge. Un mot important apparaît, le nom « notable », car la différence entre ceux qui le sont et les autres est importante : tu n’étais pas un notable ! À l’opposé de toi, un notable ne se salit pas les mains à bâtir sa maison, à l’opposé de toi un notable envoie sa participation et délègue dans le cas d’une participation humanitaire en Afrique, à l’opposé de toi, un notable, servi par une garde rapprochée de flagornerie intéressée, se montre d’autant plus arrogant que le glacis dont il s'entoure attaque pour protéger le chef d'escadrille... En Languedoc, fallait voir la floppée d'affidés serviteurs parlant bas à l'office du petit déjeuner de monsieur Frêche épluchant les unes des journaux du jour... et qui se filment tant ils sont hors-sol, un manque de dignité plus flagrant qu'avec une rascasse ou des bartavelles (v. Marcel Pagnol)... 

Revenons à ton copain concernant une approche que je ne peux cautionner, qui plus est, contradictoire, abâtardie entre idéal et singerie : “ ...malgré sa silhouette dégingandée et son élégance approximative... ”... ainsi si pour un progressiste, l’habit continue à faire le moine, étiquette et décorum, je préfère continuer à te voir nature au milieu des siens et non de la caste du paraître qui, afin de prospérer, pour le dire aimablement, suit la mode, se garde de choquer... À Mayotte, JF allait souvent pieds nus (1), ce qui est plus à louer qu’à moquer. « ...Il n’avait rien d’un Don Quichotte... » : pour ne pas dire tout et son contraire, monsieur Mottard, nous ne devons pas moins en accepter les nuances. Certes il ne se battait pas contre des fléaux imaginaires mais n’était-il pas en croisade contre la nature profonde de la politique voyant les intérêts personnels prendre le pas sur le bien commun ? La suite, d’ailleurs, confirme, puisqu’il cherchait la perfectibilité de l’Homme. Merci pourtant, monsieur Mottard, pour la conclusion, dans ce qu’elle a de général. Quel que soit le décalage entre le combat politique et celui contre l’antisémitisme, ce que vous citez d’Albert Cohen (1895-1981) (2), manqueriez-vous, à titre personnel, de tendreté :  

« ...Que cette épouvantable aventure des humains qui arrivent, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, que cette catastrophe qui les attend ne les rende pas tendres et pitoyables les uns pour les autres, cela est incroyable... » ALBERT COHEN, O vous, frères humains, 1972.

demeure  aussi universel que poignant,... Je veux bien avoir été mauvais prof mais pour avoir considéré vingt-quatre heures sur vingt-quatre que les enfants à moi confiés étaient sacrés et à aimer, la confrontation entre l’innocence ouverte du petit Albert de dix ans et la haine viscérale, préméditée du camelot pourtant si  beau parleur m’horrifient ! Et dire que “ ça ” continue... Allez lire, ce n’est pas long, ça en dit long...   

Site : ALBERT COHEN o vous frères humains groupement 5 textes (doczz.fr)       

Belle conclusion, elle prolonge, élargit le débat donc l’esprit, le petit prof savoure... une image classique revient le conforter : 

 « ... L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur... »

Saison des semailles, Les Chansons des rues et des bois, (1865) Victor Hugo (1802-1885).  

Le_semeur_(1888)_by_Dutch_painter_Vincent_van_Gogh Domaine public Collection Villa Flora

(1) Néanmoins, dans les îles, c’est afficher son dénuement, se présenter inférieur... les clichés sont universels, les moines en seraient-ils absents...

 (2) Contemporain et ami de Marcel Pagnol, Cohen, plutôt d’une extraction persécutée, a pourtant commis des paroles imbéciles à propos des femmes...