mercredi 15 novembre 2023

L'ÉTANG JADIS "Des Noëls Blancs aux choses de la vie"

 .../...Ils chantent, habités par la foi, heureux aussi du réveillon traditionnel promis dans les cuisines. La magie de la chapelle émane de son cœur chaleureux perdu sur la montagne alors que la neige tombe... les Noëls Blancs. Pour les enfants d’alors, le rêve a des chances de se réaliser puisque ces histoires ont existé, puisque Daudet raconte... Le cinéma aussi, au village, vous a accompagnés ; entre tous, des films formidables, dont les “ Lettres de mon Moulin ”, trois seulement mais bien rendues, une réussite pour Pagnol, quelques années avant qu’il ne nous livre ses souvenirs d’enfance... Ah ! l’élixir des pères blancs, avec Rellys, un rôle de moine, avant Paul Préboist, addict à la gnôle. 

Élixir_du révérend père_Gaucher Carte Postale ancienne années 1930 Domaine Public


Adolescent, ta personnalité se retrouve à l’étroit dans le carcan sociétal, le corset familial. Les contrariétés et autres insatisfactions fulminent comme les boutons d’acnée. Comment conjurer le marasme ? Les études ? il y faut de la foi. Le sport ? à condition de s’y donner à fond. Les bêtises ? la bêtise est de s’y laisser entraîner.

Les études ? avec l’apprentissage, il n’y a pas de troisième option. À moins d’être bon élève ou assez motivé pour s’en tirer, pas facile si on n’en voit pas la finalité. 

Uva_Italia 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Solfano at Italian Wikipedia

Le sport ? se défouler, au moins. Des années, avec ton copain proche, dans un bois du château, une boucle de 400 m malgré un virage à 180 degrés... Vous teniez un cahier, non ? Se battre contre soi-même avec un seul ami, unique soutien... Un joli coin, aux oiseaux, aux écureuils, le renard une fois ; en bas de grands pins, des chênes centenaires bien que modestes sous ce climat... 

Inconscients ! Empiéter ainsi sur le sacro-saint droit de propriété, d’autant plus, qu’une fois, bande de voleurs ! parce qu’elles étaient trop belles, cachées au milieu de plus ordinaires, deux grappes aux gros grains, de ceux, à l’alcool, qu’on sert au Nouvel An. Ce raisin, on l’appelait “ pende ”, ou “ pande ”... tu peux toujours chercher, le Web n’en sait rien (1)... 

Bois de Marmorières avec la Cresse au loin. Diapositive François Dedieu 1967. 

Avec les choses qui fâchent, tu es réticent, pas fier, ça t’embête... Assume, regarde les choses en face... La forme physique incitant à la bêtise, vous étiez trois lascars à la carabine, croquants en chasse sur les terres du comte. Une détonation a suffi pour lancer le garde sur vos traces... Cachés, vous l’avez entendu souffler dans la côte... une chance, il est passé à côté sauf que vous l’avez provoqué, sifflé en détalant dans la descente tels des lapins. Et toi, même seul, tu as trouvé moyen de faire le couillon. Pour une plume de paon, tu t’es introduit dans le parc... Tu t’es pris pour le Grand Meaulnes non ? N’empêche, avec le gazon du tennis, ne manquait qu’une fille à l’ombrelle, en organdi. À parler de fille, aux vendanges, celle du couple, bien roulée et en chair, qui piaulait d’amour, lors de la pause de mi-journée, elle t’a fait fantasmer, hé ? à t'en donner envie, pas vrai ? (à suivre)

(1) Entre parenthèses et sans la couper, pour ne pas froisser celle qui me suit mieux que mon ombre :

— à propos du raisin volé, le copain Max pense qu'il s'agit du Servant (ou Servan), un cépage blanc aussi, aux grappes tardives pouvant se garder jusqu'à Noël voire jusqu'à Pâques si on trempe dans l'eau le bout de sarment coupé avec... Malgré ses baies oblongues, ce raisin a quelque chose de la variété Italia, aux grandes grappes et gros grains, tardive aussi et se prêtant à ce mode de conservation. 

J’en étais là quand Luc, le copain d’enfance m’a remis sur la piste du raisin pendu tenant au moins jusqu’à Noël, d’après lui de variétés indifférentes, à gros grains avant tout (pour nous faire voyager il a cité le Dattier de Beyrouth !). Une image lui reste, vue dans une série d’après Jean d’Ormesson, celle de sarments trempant dans des bocaux, peut-être de ces raisins qui tiennent jusqu’à Pâques. Donc nous dirons “ pende ” et non “ pande ”. Je rappelle, à y être, que mamé Ernestine suspendait des grappes couplées de raisin blanc, se faisant contre-poids de part et d’autre d’une carabène, dans une pièce peu ouverte, obscure et fraîche... tout un art de pendre les moissines...  

mardi 14 novembre 2023

L'ÉTANG JADIS " Enfants des campagnes "

“ Campagnes ” tu disais, “ enfants des campagnes ”, quelques camarades de classe, descendant le matin à l’école du “ Tub Citroën ”, la panière d’osier à la main, le cartable dans l’autre... Pas encore de cantine même si ce service n’allait pas tarder pour les vendanges, mais déjà, près de soixante-dix ans en arrière, un service de ramassage scolaire ! “ Enfant des campagnes ”, Manu t’a raconté, lui, venu de la Mancha, comment il continuait d’imaginer, sur son horizon fermé par les collines, le moulin de Don Quijote cachant notre village, derrière, dans sa cuvette... une vision magnifique qui t’a ravi et te plaît depuis, toujours autant. 


“ Campagne ”, ton grand-père aussi, enfant, venait d’une campagne, plus loin encore, donnant sur la mer. Lui, avait huit kilomètres à parcourir et autant pour le retour, à travers vignes et garrigues, avec la nuit je suppose, l’hiver. Tu scrutes, tu devines sa trace qui coupe la large trajectoire du terrible incendie. Tu le cherches, en bas, le long des vignes, des fossés, à la moitié de son chemin d’école... Tu le vois, tu n’arrêtes pas de rester sur ta faim à toujours sonder même si tu admets le désamour, la relation privilégiée qui n’a pas existé entre vous, grand-père et petit-fils... 

La Cresse sur sa partie épargnée depuis la vigne du Courtal Crémat. 

Il passe, proche de ce qui sera une de ses vignes, le Courtal Cremat, une bergerie brûlée à l’origine, une ruine que des figuiers vigoureux tiennent debout, une terre comme il la qualifiait lui-même, de “ pico-talent ”, littéralement “ donnant faim ”, excitant seulement l’appétit... L’endroit te trouble, d’un autre appétit, un besoin encore à assouvir mais j’attendrai pour t’embêter avec ça : une chronique se doit de ne pas mélanger les époques, on ne s’y retrouverait plus.

Carte postale ancienne par les bons soins de Josette... certainement dans le Domaine Public

L’autre château, plus château encore, avec ses tours chapeautées encadrant trois niveaux aux nombreuses fenêtres, tourné au sud, réchauffe depuis longtemps l’héritier en titre, comte de son état, énième génération. Justement, il regarde la Cresse, d’où l’incendie est parti... Tu le sais tout ça et je te vois inquiet sinon préoccupé. À cause des moulins ruinés ? Ou alors, le pigeonnier ? Ah oui, les pigeons réservés aux nobles... partie la semence des pauvres bougres toujours plus dans la misère... On te connaît à toujours pointer du doigt l’Ancien Régime... ton réquisitoire contre les privilèges et à présent les milliards qui filent, l’évasion fiscale... Psst, psst, là, en pleine garrigue, je vois ce qui t’intrigue : une réalisation symbolique de la quintessence humaine. Je ne te refais pas le topo : l’Europe aux racines certaines, religieuses, chrétiennes, la France fille aînée de l’Église... c’est vrai que vers 7-9 ans, outre le catéchisme, fallait encore aller aux vêpres en plus de la messe dominicale... et là, tu as beau t’en défendre, cette chapelle perdue, loin du monde, te remet en tête tant de choses. Relent ? Nostalgie de la vie d’avant ? Elle te rappelle, encore dans “ Les Lettres de mon Moulin ”, la nouvelle “ Les Trois Messes Basses ”. Si, si, et si tu ne peux t’empêcher de revenir vers les années 60, Daudet, lui, nous téléporte dans les années 1600, avec, concernant les enfants que vous étiez, plus que la gourmandise du révérend avec les deux dindes bourrées de truffes, sans parler de la suite, l’ambiance de la nuit de Noël, les cloches qui carillonnent, la messe de minuit, les familles des métayers qui grimpent vers la chapelle du château, le chef de famille éclairant le chemin. (à suivre)