vendredi 27 octobre 2023

DAUDET, Ode au delta, Lettres de mon Moulin, mardi 11 avril 2017.

Dans les “ Lettres de mon Moulin ”, Alphonse Daudet a su aussi mêler l’avancée grandiose du delta au tragique des destinées humaines. A Mirèio, à Magali, il associe l’Arlésienne, celle qu’on ne voit jamais alors que tout tourne autour du malheur qu’elle cause.

Daudet a peut-être eu le tort de joindre cette nouvelle à ses Lettres. 

Celtis_occidentalis 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Agnieszka Kwiecien, Nova

Aux marges de la Crau, dans un mas aux micocouliers, vit Jan, le fils de maître Estève.

«... Il s’appelait Jan. C’était un admirable paysan de vingt ans, sage comme une fille, solide et le visage ouvert. Comme il était très beau, les femmes le regardaient ; mais lui n’en avait qu’une en tête, ~ une petite Arlésienne, toute en velours et en dentelles, qu'il avait rencontrée sur la Lice d'Arles, une fois. ~ Au mas, on ne vit pas d’abord cette liaison avec plaisir. la fille passait pour coquette, et ses parents n’étaient pas du pays. Mais Jan voulait son Arlésienne à toute force; il disait : 

 Je mourrai si on ne me la donne pas. » 

Arlésienne_1904 Scan old postcard Author Unknown

Hélas, le jour même où on officialise gaiement sa liaison, un homme demande à voir maître Estève, seul à seul. Le soir venu, le père se doit de dévoiler à Jan ce qu’il lui a appris, que la fille est une coquine, qu’elle a été sa maîtresse pendant deux ans, qu’elle lui était promise mais qu’elle et sa famille lui ont tourné le dos quand le fils de maître Estève s’est intéressé à elle.

« Ce soir-là, maître Estève et son fils s’en allèrent ensemble dans les champs... ». Et quand ils revinrent : 


«   Femme, dit le ménager, en lui amenant son fils, embrasse-le ! il est malheureux... »   

Daudet a eu tort de joindre cette nouvelle à ses Lettres : elle s’inspire directement de la triste fin d’un neveu de Mistral et c’est Mistral lui même qui s’en est confié. La publication d'une intimité à ne pas mettre au grand jour pèse certainement dans le froid à venir entre les deux hommes... 

Alphonse_Daudet 1840-1897 Domaine public Auteur Nadar - Rue d´ Anjou, 51 Paris.


jeudi 26 octobre 2023

6. THAU des HUÎTRES.

Une série d'articles de septembre 2014 confrontant clovisses et palourdes concernait la pêche et la conchyliculture de l'Étang de Thau. Ce sixième article avec pour sujet les huîtres, apporte un complément intéressant... 

Étang_de_Thau  2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported L'extrémité est de l'étang de Thau depuis le mont Saint-Clair à Sète, Hérault, France. Au premier plan, une partie de la commune de Frontignan et sur la gauche une partie de celle de Balaruc-les-Bains, et derrière les deux la Montagne de la Gardiole. Auteur Christian Ferrer

Une histoire vieille de 160 ans ! Vers 1865, dans un parc à proximité de Roquerols, des pieds de cheval de Méditerranée ainsi que des huîtres d’Arcachon grossirent mais sans se reproduire.

En 1889, il s’est dit qu’on avait trouvé de belles huîtres le long du remblai du chemin de fer entre Cette et Balaruc, ce qui incita à des essais. Les huîtres d’Arcachon doublèrent de taille en été pour être idéales, grosses et de très bon goût, dès l’hiver. Monsieur Lafite de Cette, auteur de cette expérience, en lança l’élevage suite à la réussite de monsieur Vidal obtenteur sur des tuiles, à Agde, de naissains de 150 à 200 individus (des piles de tuiles chaulées ont fait partie du décor du film « Le Petit Baigneur » pour des scènes tournées aux Cabanes-de-Fleury). Malheureusement, dès la deuxième année, une algue verte étouffa les jeunes huîtres et on se contenta d’élever des huîtres importées d’Arcachon dans les canaux de Cette. 

Sète_from_Loupian,_Hérault 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Le Mont Saint-Clair (commune de Sète) et l'étang de Thau avec ses parc à huîtres depuis la commune de Loupian Author Christian Ferrer

Filière de coquillages 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Selmoval

En 1900, surprise : des bancs naturels étranges apparaissent dans le bassin de Thau, étranges car la variété n’est pas plus celle d’Arcachon que la pied de cheval, non, c’est l’huître des Romains, accueillie fraîchement par les pêcheurs de clovisses. Il n’empêche que cette nouvelle filière est prometteuse : ces huîtres grossissent plus vite, frayent deux fois l’an et pondent plus qu’à l’océan. Mais cette manne va vite se retrouver compromise par l’inconduite, le manque de réflexion : on se met à draguer excessivement, la densité dans les caisses d’affinage est trop forte dans des eaux peu profondes à la qualité douteuse, l’expédition se fait en sacs, en vrac...

S’ensuivirent des intoxications, des fièvres typhoïdes. Le commerce des coquillages s’en ressentit : l’Océan se ligua contre Thau pour que les huîtres méditerranéennes soient destinées à l’élevage et non à la commercialisation. Heureusement, et contrairement aux pêcheurs, les délégués sudistes firent des propositions toutes de finesse. D’abord en délimitant dans l’étang, les zones saines de celles à éviter ; ensuite, en autorisant la vente du 15 septembre au 15 avril, en dehors des périodes chaudes, seulement suite à une stabulation dans des eaux pures strictement contrôlées ; enfin, il faudra émerger périodiquement les huîtres pour les habituer à se fermer, ce que les mouvements de marée assurent dans l’Atlantique et la Manche...

Note 1 : Cet effet de flux et reflux est actuellement pratiqué par certains ostréiculteurs dans l’Étang de Thau. 

Huîtres_de_Bouzigues étang_de_Thau 2004 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Auteur INRA DIST

Note 2 : Cet article s’inspire de l’œuvre de Jacques Captier (pas de dates) « Les Marins-Pêcheurs du Languedoc » Paris, 1909.