Dans les “ Lettres de mon Moulin ”, Alphonse Daudet a su aussi mêler l’avancée grandiose du delta au tragique des destinées humaines. A Mirèio, à Magali, il associe l’Arlésienne, celle qu’on ne voit jamais alors que tout tourne autour du malheur qu’elle cause.
Daudet a sûrement eu le tort de joindre cette nouvelle à ses Lettres.
|
Celtis_occidentalis 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Agnieszka Kwiecien, Nova |
Aux marges de la Crau, dans un mas aux micocouliers, vit Jan, le fils de maître Estève.
«... Il s’appelait Jan. C’était un admirable paysan de vingt ans, sage comme une fille, solide et le visage ouvert. Comme il était très beau, les femmes le regardaient ; mais lui n’en avait qu’une en tête, ~ une petite Arlésienne, toute en velours et en dentelles, qu'il avait rencontrée sur la Lice d'Arles, une fois. ~ Au mas, on ne vit pas d’abord cette liaison avec plaisir. la fille passait pour coquette, et ses parents n’étaient pas du pays. Mais Jan voulait son Arlésienne à toute force; il disait :
— Je mourrai si on ne me la donne pas. »
|
Arlésienne_1904 Scan old postcard Author Unknown |
Hélas, le jour même où on officialise gaiement sa liaison, un homme demande à voir maître Estève, seul à seul. Le soir venu, le père se doit de dévoiler à Jan ce qu’il lui a appris, que la fille est une coquine, qu’elle a été sa maîtresse pendant deux ans, qu’elle lui était promise mais qu’elle et sa famille lui ont tourné le dos quand le fils de maître Estève s’est intéressé à elle.
« Ce soir-là, maître Estève et son fils s’en allèrent ensemble dans les champs... ». Et quand ils revinrent :
« Femme, dit le ménager, en lui amenant son fils, embrasse-le ! il est malheureux... »
Daudet a eu tort de joindre cette nouvelle à ses Lettres : elle s’inspire directement de la triste fin d’un neveu de Mistral et c’est Mistral lui même qui s’en est confié. La publication d'une intimité à ne pas mettre au grand jour pèse certainement dans le froid à venir entre les deux hommes...
|
Alphonse_Daudet 1840-1897 Domaine public Auteur Nadar - Rue d´ Anjou, 51 Paris. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire