samedi 14 octobre 2023

LE GARDIAN (1).

Aussi présent que les troupeaux, l’élevage représentant la seule économie du delta avant la gestion des eaux grâce aux digues, aux roubines, au pompage, à l’immersion pour le riz, le gardian, à l’origine, était appelé “ egatié ”, “ gardian d’ego ”, de juments ; après la période des mises bas, il coupait les crinières pour, en hiver, tresser des sedens, cordes de travail ou de parade.

En équipe, il est chargé de marquer au fer les poulains de deux ans, de castrer ceux de trois (il s’agit de comprimer les conduits séminaux). Traditionnellement, cette besogne avait ses spécialistes piémontais, béarnais ou gardians eux-mêmes... Notons que pour les taureaux, ce retournement contre nature se faisait devant tous les bovins mais pas en ce qui concerne les chevaux. 

Camargue_-_A_bull_with_its_'gardian'_-_panoramio 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Numenor

Afin d’assurer la conduite et la garde du troupeau, le gardian sélectionne et forme un cheval de quatre ans jusqu’à ce qu’il sache se placer, rassembler dans un rôle de chien de berger. Il y faut douceur, patience, expérience, malice aussi puisque l’Homme joue sur la gourmandise pour amener à lui le Camargue ne résistant pas à l’avoine. Un bon cheval est rare, ils sont peu nombreux à avoir le sens du taureau ; suite au débourrage qui dévoile les qualités du cheval (il prend alors un nom en rapport avec son caractère, ses aptitudes), la formation demande deux, trois ans, à faire que le cheval accepte avant tout ce passage de la liberté à la domestication, de l’indépendance à la servitude consentie, qu’il en arrive, suite aux exercices répétés à la longe dans le manège, à supporter la bride, le caveçon, la selle et enfin le cavalier jusqu’à ce que ce dernier fasse corps avec l’animal (1), dans une complicité de travail bien fait, de sentiments extrêmes. Le bon gardian saura le ménager, lui éviter les efforts inutiles, surveiller sa santé. Entre eux deux, une amitié exclusive, intense souvent, qui finira avec une grande émotion, par la retraite, le repos bien mérité, le retour aux sources au sein d’une harde, jouant de la tête, de la queue, n’arrêtant que pour avoir l’œil sur l’intrus venu déranger la quiétude des maremmes seulement animées par les troupeaux et les oiseaux. 

Gardian Cabern du mas de l'Aamarée années 1900 Carte postale ancienne Author B. F.

L’hiver encore, si le gel saisit les étangs, le gardian devra casser la glace pour les bovins qui, contrairement aux chevaux, ne savent pas libérer un trou d’eau pour boire.

Toujours l’hiver qui correspond aussi à la période de fabrication des sonnailles, du salabre (dans un autre sens, un synonyme d’épuisette) des poulains, un dispositif garni de pointes destinées à piquer le ventre de la mère qui du coup n’accepte plus le nourrir, des mourraus (de mourre, museau), du même principe pour les veaux, une pièce de bois l’empêchant de téter mais non de brouter. (à suivre)

(1)  en 1995, la monte gardianne a été reconnue par la Fédération Française d’Équitation.

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