samedi 24 juin 2023

SÈTE 9, Un quinze juillet

 Pour être venue sans qu’on eût à faire référence aux Celtes, aux Ligures, aux Ibères, aux Grecs, aux Romains, ce qui fut une île et qui devint Sète, attire et attache tant elle est singulière... « L’île singulière », on devrait l’appellation à Paul Valéry pour une ville à la génétique particulière et qui, de ce fait, a engendré sa palette de célébrités à part, aux destins atypiques.

SÈTE, un 15 JUILLET 

Qui, mieux que Paul Valéry, et avec quelle modestie, sut insister sur la grande influence des origines géographiques dans la convergence des forces qui comme par l’effet d’une chimie magique et inexplicable, arrive à précipiter le génie, l’art et l’esprit dans une enveloppe humaine ? C’est plus primaire et prosaïque avec les imbéciles heureux de Brassens... heureux, malheureux, les imbéciles sont forcément nés d’un quelque part n’y étant pour rien... Revenons à plus de rêve...  

Comment ne pas imaginer le poète, depuis le Mont-Saint-Clair, adressant sa soumission et sa révolte d’Homme à la Mer tant aimée, un jour de Grec et de marinade (vent de NE avec embruns)... 

Ce ne sont pas les éclats de Stentor mais la voix est sûre, charpentée, bien que soumise aux forces d’une nature faisant si peu de cas de notre espèce, mais mue aussi par une énergie propre à arrêter la vague au moment où sa transcendance ne peut que déferler... Je veux croire que la tessiture n’est pas plus emphatique que datée... Ce n’est pas le ton affecté de la culture, travaillé pour se fondre dans un milieu de précieux, riches et oisifs, de conserve avec un monde définissant non sans prétention un who's who des arts et des lettres à son image. Ce n’est pas le débit haché, souvent coupé par la toux (il roulait ses cigarettes), de l’écrivain devant travailler pour vivre, mal à l’aise parmi les rentiers.
Sa voix est celle de la nature, de la naissance dans une famille modeste, méridionale avant tout. L’accent n’a pas encore trahi le Sud, ne dépareillant pas au berceau méditerranéen : le père est corse, la mère génoise, ils vivent à Sète... Et puis, quelle sincérité peut-on exprimer si on parle parisien à la Mer originelle, matrice de civilisations ? Aussi, c’est sûrement par rancœur que Paris continue de dévorer la province afin de l’assimiler. A moins que ce ne soit l’amertume refoulée d’un esprit trop rebelle et indépendant qui me fait digresser à ce point... On se veut comme les autres mais différent, sociable mais solitaire... et on ne fait qu’imiter Valéry qui eut l’occasion de se définir ainsi... 

Sète Môle_Saint_Louis 2017  the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

Il n‘empêche, l’autre jour à Sète (mercredi 2 août 2017), face au môle Saint-Louis, au pied du cimetière marin où il repose, c’est un pays, un Sétois, un Paul Valéry proche, loin de la pompe de la capitale qui nous accueille. Au milieu du rond-point, les mots, le ton intime, à l’opposé d’autres, somptueux mais d’une froideur de pierre tombale, témoignent de l’amour insondable d’un enfant bien de « l’île singulière » pour notre mer glorieuse : 

« ...je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par son premier chaînon à quelqu'un de ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L'autre bout est dans mon cœur... » A lire, relire, méditer en laissant tout notre être s’en imprégner. 
Rond_point_Paul_Valéry 2018 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Houss 2020


mardi 20 juin 2023

SÉTE 8. Jouteurs et massacre au micro.


Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu

À boire et à manger... Avant de donner à voir et à entendre, du moins, « Les marchés de Provence » de Bécaud complètement massacrés quand la ferveur amassée jusque dans les coquilles de noix serrées au bord et tolérées, contamine l’animateur qui n’arrive plus qu’à interpréter l’indécence criarde d’une ivresse, du moins d’une liesse non contrôlée, discordant avec un protocole harmonieux loin d’empeser l’ambiance, honorant tant les présents que le passé. J’ai vite arrêté la vidéo, une inconvenance que la mairie devrait remplacer. Que dirait-on si le rameur soucieux jusque du ruban autour du canotier, ne se satisfaisait pas que de la perfection de l’image donnée ? Que dirait-on si le règlement des joutes se relâchait par démagogie ? Non, ne tombons pas dans ce travers sociétal confondant un état comateux avec une ambiance festive ! Et, entre nous, à pousser le bouchon, ne serait-ce pas, avec le grippage démocratique, un des signes de la chute de l’empire ? de la mort d’une civilisation ? Non, j’exagère, je le pousse trop loin, ce bouchon... Il n’empêche, c’est vraiment moche ce moment braillard...

Joutes_sétoises 2006 permission CC-BY-SA-2.5 Author Clio64

Allons, ne contrarions pas tout ce que la joute languedocienne a d’honorable et de champions à Sète, dans la catégorie reine, celle des lourds : Audibert « L’Esperança », huit victoires entre 1846 et 1857, Martin « Lou Gauche » (gaucher ? Est-ce possible ?), neuf victoires entre 1858 et 1877, Louis Vaillé « Lou moutou », dix titres entre 1904 et 1923. Chapeau pour la longévité, dix-neuf ans pour Martin et Vaillé ! Les caïds actuels, Aprile (2009, 2013, 2015, 2016), Arnau (2014 et 2022) seront-ils à la hauteur. ? Et comment oublier Aurélien Évangélisti, sept succès entre 2001 et 2012, encore en lice en 2016 mais qui, exaspéré suite aux coups bas de tous ceux qui, faute de le battre, ont voulu le faire perdre, a jeté sa lance sur l’adversaire déjà à l’eau (Marseillan) ? Bien qu’il ait regretté sa conduite inacceptable, une lourde sanction de huit tournois de suspension est tombée. Dégoûté mais peut-être davantage par ce qu’il y a de plus lâche et sournois chez les humains, le champion a même déclaré que même en spectateur, préférant se consacrer à sa famille et à son bateau, il n’irait plus jamais aux joutes de la Saint-Louis... 

Sète Saint_Louis 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic uploader Clio64 at French wikipedia

Enfin parce qu’il n’y a pas que les Sétois qui gagnent et en la circonstance, parce qu’ils portent le même nom qu’André, dit « Tarzan », le courageux qui essaya en plein mois de novembre, de sauver les marins du Roger-Juliette, citons Alain Massias, grand vainqueur en 1986, Claude Massias, en 1991, 1993, 1997, également de Frontignan.

Me concernant, plutôt que de rapporter ce que les autres ont vécu, avec le risque d’en répercuter des erreurs, les joutes de la Saint-Louis, je les inscris dans un agenda à venir.