samedi 23 avril 2022

LESPIGNAN tous azimuts (3)

carte IGN Vue d'ensemble

Vue des abords sud du village avec les détails évoqués ici et dans les deux articles précédents. 

En liminaire ma reconnaissance à l'égard de l'IGN dont les cartes aident à situer et traiter le sujet. Merci également au fonds de documents libres de wikimedia commons, en l'occurrence aux maquettes très explicatives d'André Lopez, contribuant à donner corps à ce volet, pour l'histoire et les paysages bordant l'ancien golfe marin des Romains. Merci aussi à ma petite sœur sur sa poussette. 


Sept petits kilomètres nous séparent de Lespignan et sans encore aborder la localité, la plaine de l'Aude, les zones humides, les grenouilles, la Dame Blanche, les bergers et la pastresse nous ont bien fait commenter sinon jaser (c'est ça, montrez-moi du doigt !). 

Lespignan carrière La Cambrasse-Les Escaliers Author LOPEZ André

Lespignan ex source Valère-carrières Gouldeau Wikimedia commons Auteur LOPEZ André

Et il y aurait encore à dire à propos des alentours : au bord de la garrigue, les vestiges d'une villa romaine au lieu-dit Vivios, fouillée par l'abbé Giry ; toujours sur ce rebord, tracés au cordeau, les fronts de taille des carrières vieilles de deux millénaires, formant les marches géantes d'un coin "Les Escaliers". En suivant vers le levant ce seuil de garrigue où arbres et plantent profitent d'une eau latente, Gouldeau, une autre carrière, a barre sur l'entrée de l'étang de Vendres, là où les grues s'offrirent à mon enchantement. Reste à imaginer un quai et des bateaux de charge emmenant les blocs, qui sait, jusqu'à Narbo Martius, fille aînée de Rome hors l'Italie. 

Les pruniers morts ou quasiment (non renouvelés ? Il y a bien 30 ans qu'ils y sont... )

Au bord de la rivière, les vergers à pruneaux, des arbres pour changer des vignes mais un peu comme les poires de La Bâtisse, plus loin en aval, cinquante ans en arrière, pour un temps seulement, pourtant sur les riches alluvions apportées par le fleuve, qui ont comblé les avancées de la mer... La Clape, non loin, en face, était une île ! 



Ce chemin au bord de la rivière, à vélo : un plaisir.  Un cabanon, une borio carrément, une petite ferme permettant certainement un séjour de plusieurs jours pour la vigne et les foins, une borio aux acacias (des robiniers en réalité) et aux volets troués où nichaient des chouettes. 



A deux pas, avec la même possibilité d'habiter que précédemment, un îlot d'arbres vénérables, des peupliers blancs, sauf erreur, si imposants que dessous, le toit de la métairie abandonnée n'en voit pas le soleil. Des gens du genre peu recommandable ont dégueulassé au moins l'intérieur. Dommage ! Comment s'appelle cet endroit, là où aboutit le chemin des Lintostes ? La carte ne le dit pas, un Lespignanot nous le dira. 



mardi 19 avril 2022

LESPIGNAN, étang de la MATTE (2)

Avec la pluie de grenouilles qui va impressionner les enfants, on peut encore leur raconter la pêche miraculeuse d'Adrien qui, sous le pontil, à l'aide d'une comporte, faucha des dizaines de muges. Ce qui suit, par contre, n'est pas pour eux, ça les perturberait... 

En hiver, un brouillard couvrait parfois la plaine, plus mystérieuse encore avec, sur le tronçon en "S", le long des hauts murs du parc de Clotinières, le domaine à cheval sur la plaine et les garrigues, l'apparition fantomatique de la Dame Blanche (ah si elle avait traîné plus loin, cette fois là, pour protéger papa !). Floue de ses longs voiles mais bienfaitrice, d'après ceux qui s'affichent en témoins directs pour y avoir échappé, elle alerte le voyageur sur un possible accident. Aussi, une flopée d'oreilles plus ou moins perméables à l'occultisme relaient la rencontre brumeuse... Les gens de nos villages en ont entendu parler. 
Pour ceux qui croient aux pouvoirs surnaturels, dans le village même de Lespignan, en contrebas de la tour du château, quelque part aux abords de la brèche percée par la route de Béziers dans les remparts de jadis, en haut de la côte, toujours une dizaine d' autos garées, dès l'aurore, pour une consultation chez un sorcier, un mage, rebouteux peut-être, réputé, qui, à force d'endosser les mauvais sorts, en mourut pas vieux encore... 

C'est quelque chose, cette route de Lespignan ! Avec les années, on apprend que les trois dos d'âne passent sur des canaux, quoique, pour le premier, je me demande, le deuxième par contre, est appelé canal des Lintostes et rejoint l'Aude, le troisième, canal de la Matte, part de l'étang éponyme et va jusqu'à celui de Vendres. Avec celui de Capestang, ces trois marais plus ou moins étendus, écrêtent relativement les crues de l'Aude et relèvent aussi d'un équilibre biologique incluant une protection du milieu tenant compte des activités humaines. 

Etang_de_la_Matte Lespignan wikimedia commons Auteur JYB Devot

Pour cette eau qui remplit les trop-pleins en hiver et garantit la survie de la roselière et des prairies humides, il faut curer les prises d'eau à Aude, les fossés. Au printemps il faut graduellement assécher, ce qui permet d'accéder aux vignes auparavant submergées et aussi aux prairies où les moutons seraient utiles pour éviter un ensauvagement broussailleux. Il faudra bien aussi légiférer pour canaliser les intrusions anarchiques, de motos furieuses, de camping-cars, de fouineurs aussi même nos gentils promeneurs et photographes qui peuvent déranger des animaux de plus en plus rares. Et puis ne faut-il pas contrôler et même éliminer ce que la quête sans fin du profit a amené collatéralement : les ragondins, les écrevisses par exemple, parmi les végétaux, le lippia canescens (1), pas consommé par le bétail, particulièrement invasif dans la basse vallée de l'Aude, la jussie, amenée dans le Lez (abords de Montpellier) au XIXe, qui envahit et étouffe toute biodiversité (il faut arracher plusieurs années durant). Et ces espèces liées aux changements tant climatiques que d'occupation par l'homme du milieu : sangliers, goélands leucophées ou autres ibis sacrés... 



Dans ce monde qu'on dit seulement de progrès et bien être, pauvres de nous qui n'avons plus que quelques bribes de la sensualité rustique de Brassens aux lèvres, nostalgie des narcisses du pont de la Muscade dont on voudrait continuer à respirer le nom à plein nez avec le souvenir d'une qu'on a aimée. Et puisque nous sommes à Lespignan pour ses espaces naturels, à l'autre bout du canal de la Matte, à l'entrée de l'étang de Vendres, plein de poésie aussi avec les prés qui le disputent aux vignes descendant des coteaux, un pont des Pâtres, au nom apparemment banal et bucolique mais plein de la curiosité gauloise et sudiste des hommes pour une pastresse, sur cette rive ou l'autre de la rivière, qui, à l'insu ou non du berger, en aurait affriolé et peut-être contenté plus d'un... Aucun rapport avec un couple de migrantes, les grues cendrées que j'y surpris en fin d'après-midi, un jour de route buissonnière après le boulot... 

Et dire que le beau film russe "Летят журавли" (letiat jouravli), parlant des grues qui volent a été pudibondement traduit par "Quand passent les cigognes" ! L'auteur de la traduction pensait-il qu'une grue ne peut être qu'une cocotte ?