mercredi 6 mai 2020

LA BELLE AUDE / L'argentique d'Henri & Claude Fagedet

Carnaval, les élections, la mi-carême et le carême, la sauvageonne, Pâques et pâquette, l'Henri des faubourgs avec les premières hirondelles, le 1er avril, l'âge d'or fêté avec la blanquette de Limoux et toujours des articles de journaux, des lettres, des photos, des cassettes encore audibles, des cours en trente exemplaires sur la subordonnée ou le devoir surveillé de latin... à distribuer demain aux potaches du lycée-caserne Victor Hugo ! 

Encore la carte amoureuse d'Ernestine à Jean, loin d'imaginer qu'ils seraient un jour mamé et papé et aujourd'hui un ouvrage dédié "à la gloire du pays audois"... imprimé à Angers certes (juin 1953), mais remarquable par ses huit dizaines de photos et autant d'extraits d'auteurs dont la veine et la transcendance enrayent le chauvinisme primaire de quelques pédants ou ignares. 

Pommetée de douze pièces d'or, notre croix occitane parraine fort discrètement ce recueil remarquable. Toujours en couverture, une jeune femme drôlement coiffée. 

        
Il est mentionné au verso que la photo ainsi que la composition de la page sont de "Henry Fagedet, studio Henry, à Narbonne. Lettre de W. Landelle"   

Henry Fagedet ! Un nom connu de tout le Narbonnais ! Le studio Henry justement (on trouve aussi "Henri") ! Pour ce qui est du renom, l'ordi avantage son fils, Claude (1928-2017), trois fois médaillé d'argent au concours du meilleur ouvrier de France (le "Poulidor de Narbonne" Wikipedia). 
Photographe de presse et d'expositions, il participe à des clubs amateurs et intervient comme historien auprès de l'Académie du Temps Libre.
Parmi ses ouvrages outre Gruissan, Fontfroide, "L'Histoire de Narbonne racontée à mes filles" (2004). Parmi ses expositions et conférences, en plus de Narbonne en 1930 ou 1940, le Guatemala, les minorités du sud-ouest de la Chine et "l'Aude, un fleuve fantasque" (2010) ! 

Ce n'est qu'en troisième de couverture que la mystérieuse jeune femme de couverture se dévoile : 


réf. http://www.cabotages.fr/les-chalets-de-gruissan/  

Un autre Narbonnais à l'honneur, le docteur Paul Duplessis de Pouzilhac : 
https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1997x031x003_4/HSMx1997x031x003_4x0277.pdf

mardi 5 mai 2020

LES PAPIERS GARDÉS, déjà des archives...



Chaque année, vers février ou début mars, la mairie offre le repas de l'âge d'or, du troisième âge, des seniors, des vieux comme il est dit souvent peu charitablement et qu'on croit entendre presque distinctement en ce temps de coronavirus. Le sens commun sinon la perfidie peuvent insinuer que ces dépenses pèsent pour le pot commun. Ce n'est pas être contre que de dire que certains, souvent les mêmes, exagèrent. Et puis, cette invitation plutôt fin février, comme par hasard, veille de l'élection municipale, serait-ce tous les six ans... 

Mais en 2002, un an après le scrutin, le menu proposé n'a rien de la subordination. "Il ne s'est pas foutu de nous !"... il me semble entendre les convives d'alors, tout à leurs nourritures terrestres. 



Périgourdine l'assiette !.. foies, gésiers ? aiguillette ? magret de canard ? jusqu'au foie gras peut-être et truffé qui plus est !  

Bellevue la langouste !.. pochée dans un bouillon et habillée d'une gelée transparente (ça sert le Net). 

Le Trou Normand ou trou du milieu avec le cognac ou plus au sud l'armagnac. Normand, c'est le calvados sur un sorbet de pomme, dans sa version moderne.  

Le magret grillé sauce aux cèpes, un classique. 
Les fromages, l'assiette gourmande, le café... rien à dire. 
Les vins, eux, déclinent un drapeau nouveau, original... blanc, rosé, rouge ! 



Question pétulance, c'est la "Blanquette", rien que de très naturel pour des Audois ! Pardonnez-moi un anachronisme plus qu'honorable Le confinement m'ayant amené à lire plus que de coutume, quelle ne fut ma surprise de trouver dans "Bourlinguer" (1948), de Blaise Cendrars, à la page "Brest cocotte en papier buvard", une dédicace à Paul Desfeuilles, bibliothécaire, général à Berlin, auvergnat, heureux propriétaire-paysan, "parfait convive à table, grand amateur de blanquette de Limoux...". Qu'un écrivain de la trempe de Cendrars en vienne à parler, en bien, d'une des premières AOC en France (1938), ça me pétille encore entre les badigoinces, la langue et le palais ! 

Digestif et musique... 

Le Vieux Pressoir, le restaurant de Marc Albert, le chef de cuisine à qui l'on doit ce menu, n'est plus mais l'orchestre Pierre Lebrun propose toujours ses services. 
Plus pathétique encore, la signature "Robert Brasillach" après la citation finale ! Un collabo ! Certes mais condamné à mort pour l'exemple, par un avocat-général lui-même aux ordres de Vichy peu auparavant, après un procès expéditif (six heures dont vingt minutes seulement de délibération) qui ne nous fait pas honneur. 

En avait-il conscience, le scribe communal ou l'esprit chargé de culture et  préposé à l'édition de ce menu ? Quoi qu'il en soit, adressée aux seniors, la citation de 2002 répond magnifiquement au cynisme latent qui, en ces temps exacerbés par un virus inédit et mortel, tend à considérer les "vieux" comme des inutiles : 


Un menu soigné et gourmand mais à y regarder de plus près, ne se limitant pas aux nourritures terrestres...