dimanche 17 mars 2019

ÉLEVEURS CONTRE CULTIVATEURS / Paysans en Espagne

Peut-être depuis onze millénaires, certainement au néolithique, les conflits sont inévitables entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires, les seconds voulant empêcher les premiers de pénétrer et de saccager des cultures trop tentantes pour le bétail. 

En Espagne, cette opposition prévalait déjà à l’époque des Wisigoths :

« … Le soin tout spécial qu’ils donnaient (les Goths) à l’éducation des troupeaux, en maintenant sans culture les vastes et fertiles déserts affectés encore aujourd’hui au pâturage… »  
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

Plus de mille ans plus tard, un court extrait de 1832 confirme :  

« … Ces troupeaux nomades, groupés par dix-mille sont dirigés par un mayoral, cinquante bergers et autant de chiens. Ils dévastent impunément en hivernant en Estrémadure… »
 « Le sol est balayé comme par un nuage de sauterelles. Aucun arbre ne croît dans ces plaines désolées, qui appartiennent plus aux troupeaux qu’aux cultivateurs. Les bergers, en passant par des endroits habités, ont le droit de cueillir, pour faire du feu, une branche de chaque arbre qu’ils rencontrent. Si le chemin des troupeaux les amène vers un champ cultivé, il faut leur frayer un passage, qu’on rétrécit autant que possible, mais où, pressés par les chiens, ils foulent aux pieds tout ce qu’ils ne dévorent pas. » (A year in Spain, by an American, 1832)

"... Mais la richesse de l’Espagne, ce sont ses troupeaux de moutons, richesse dévorante qui appauvrit le sol qu’elle pourrait féconder. D’immenses terrains, propres à la culture, sont laissés en friche pour nourrir ces bandes, non moins dévastatrices que celles es Goths et des Vandales, et qui se promènent d’un bout de l’Espagne à l’autre, sous la conduite de leurs bergers, plus redoutés des paysans que les voleurs eux-mêmes…/…"
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

jeudi 14 mars 2019

LES MOTS DE FLEURY, TOUJOURS… / Lou four de caous, Fleury d'Aude

Suite et fin du post du dimanche 10 mars : LES ÉCHOS, LES MOTS DE FLEURY, TOUJOURS… / Fleury d'Aude en Languedoc. 

Etienne des Karantes, gendarme à Tassin-la-Demi-Lune :

"...Étienne prend lui aussi, comme les autres gendarmes qu’il dirige, son tour de garde, et il connaît, lui aussi, ses heures d’astreinte. Tout dernièrement, vers une heure du matin, un chauffeur de trolleybus s’est présenté au poste : il voulait , après une journée bien remplie, garer son véhicule au dépôt voisin des « Trois-Renards »… et un énergumène pris de boisson refusait obstinément de descendre et de quitter les lieux. Etienne attache le chien à sa laisse (il l’écoutera peut-être pour ce petit service) et les voilà en direction du dernier trolley. L’individu est toujours là et lance ses menaces d’ivrogne : « C’est pas ton képi qui va me faire descendre. Je veux rester là ! » Un signe : « Azor, fais-le partir d’ici. » L’homme s’est levé, empêtré dans ses jurons. La bête est passée derrière lui et lui mordille les fesses d’une manière convaincante. Étonnement, un peu de peur, pas de résistance possible, il faut avancer. Allez, allez, plus vite !… Et le tour est joué. Le chauffeur remercie, il pourra enfin aller dormir chez lui. Quant au clochard, il ira jusqu’à l’aube cuver son alcool  sur le banc du poste, sans bouger d’un iota, surveillé de près par Azor qui grogne méchamment au moindre mouvement de son prisonnier, lorsque le patron s’est absenté dans son appartement du premier pour boire un café bien mérité.

            Ce jour-là, Étienne règle un peu la circulation sur cette route alors importante qui traverse la localité. Les camions se suivent, avec leurs charges diverses. On a demandé, pour la forme, à certains conducteurs, « papiers du véhicule » et « documents » précisant la nature et le poids du contenu. Soudain, un long camion-citerne immatriculé dans l’Aude : le 11 apparaît en fin de plaque.
            Notre cousin gendarme de faction fait le signe habituel : le gros véhicule, en provenance de Narbonne, s’est bien garé sur la droite.
            Après les premiers propos d’usage, le conducteur se voit demander son permis de conduire. Nom : SIRVEN ; Prénom : René , Lieu de naissance : Fleury-d’Aude (Aude). Et une petite conversation s’engage. – Vous venez d’où ? – De Narbonne – Et comme ça, vous allez jusqu’à Lille, livrer tout cet alcool ? – Oui, comme cela m’arrive assez régulièrement. Il m’arrive aussi de transporter du vin, avec un autre camion et pour d’autres destinations. Je roule beaucoup et je sillonne pas mal de régions. – Bon, tout est en règle. Et dites-moi, vous êtes de Narbonne ? – Oui. – De Narbonne même ? – Non, un village voisin, Fleury, où je me suis marié. – C’est juste à côté ? – Oui, oui, Narbonne est notre chef-lieu d’arrondissement, avec la sous-préfecture.
-         Mais entre Fleury et Narbonne, vous avez d’autres villages, non ?
Ah ! il faut passer par Coursan, c’est le canton. – Et entre Coursan et Fleury, rien ?
Et mon Sirven de se dire : voilà un gendarme bizarre et plutôt curieux : s’attacher à ces détails !! 
– Si, bien sûr, nous avons Salles, mais les deux villages se touchent presque, ils sont à peine séparés d’un kilomètre.
-          Ah ! ça se touche ? Alors entre Salles et Fleury,…
-          Là, vraiment, nous n’avons rien.


Est-ce un four à chaux dans la garrigue ? Il y a une carrière à côté. Une épaisse forêt de pins a poussé mais plutôt récente. Le four à chaux entre les villages de Fleury et de Salles était beaucoup plus important (pas de photo disponible). 
-         Et lou four dé caous ?
-         Oh ! mais vous connaissez bien les parages !
-         Je suis né aux Karantes, vous connaissez sans doute ? Et mon école, à partir de huit ans, c’était à Fleury. On y allait à pied à travers la garrigue,  avec mon cousin Jean, Jean Dedieu, vous devez le connaître.
-         Naturellement ! Dans un village, on se connaît pratiquement tous, vous savez.

Stupéfaction de l’ami René. La conversation continuera quelque temps devant le pot de l’amitié, consommé – avec modération – dans le voisinage.

Ces deux petites histoires me furent racontées par Étienne lui-même, toujours attaché à ses racines… et à son enfance..." 

Lou four de caous, une chronique de François Dedieu.