lundi 1 octobre 2018

ÉCHO DE VENDANGES : Coquet, cheval d'Ariège / Fleury d'Aude en Languedoc.

Préalable : à Isa, ma cousine. Sois gentille si tu repiques une ou des photos, de mentionner la source "François Dedieu". Tu peux aussi "JF Dedieu" même si ma modestie en pâtit... je compte sur toi.

Encore une chronique de papa (Pages de vie à Fleury II, "Caboujolette", chapitre "Les Vendanges", pages 277 - 278). 


Retour de vendanges. 1934. 

"... Coquet. Le petit et vaillant cheval noir répondait au nom de « Coquet ». C'était un Mérens, petit cheval d'Ariège (le GDEL écrit même « race fçse de poneys (!) ») vaillant comme pas un. Un jour, racontait mon père, il avait fait quatre gros voyages de comportes (sans doute seize ou dix-huit chaque fois) de la Pointe de Vignard (notre vigne la plus éloignée, à quatre kilomètres du village), ce qui lui totalisait 32 kilomètres dont seize à pleine charge, avec les côtes de Liesse et de Fleury. Il a tenu le coup, mais en arrivant le soir, trop fatigué, il s'est couché au lieu de manger. Papé Jean racontait cela avec une admiration non dissimulée. J'ai connu ce cheval à l'écurie jusqu'en 1935 à peu près. 
Nous l'avons sur des photos de vendanges. 

Cheval Merens commons wikimedia Author PANDA 81

 Race française… originaire des montagnes ariégeoises. Le mérens a une robe noire. Puissant dans son encolure, il se distingue par un chanfrein droit, un dos long, une croupe ronde et des membres solides. Rustique et résistant, il est encore apprécié pour certains travaux agricoles et convient au tourisme équestre en montagne. (GDEL passim)
Puis il avait fait son temps : il fallut bien le changer. L'oncle Pierre et son neveu (mon père) allèrent à Narbonne choisir un cheval chez le maquignon. 

Le mérens fait preuve "... d'un tempérament robuste, une santé à toute épreuve, une ardeur infatigable. C'est le bénéfice d'une existence indépendante, plus sauvage que domestique. On n'apprécie bien les chevaux de l'Ariège qu'après en avoir usé; mais alors on est étonné de la dépense d'énergie dont ils sont capables, de la dureté qu'ils montrent au travail le plus fatigant et le plus durable..."
 Jules Trousset, Grande Encyclopédie Illustrée d'économie domestique (cité par Wikipedia).

La Larousse Agricole de 1952 ne mentionne même pas le mérens. Il faut dire que depuis 1946, l'armée ne l'élève plus comme cheval d'artillerie en montagne et qu'après les transports, c'est la mécanisation de l'agriculture qui va le faire pratiquement disparaître. Un temps il est engraissé, alourdi comme animal de boucherie. Il ne sera sauvé que de justesse, en particulier, grâce au mouvement de retour à la terre des années 70, ensuite en tant que cheval de loisir d'où sa qualification de poney, ce qui, bien sûr a irrité et pu sembler déshonorant pour mon père.    

Combe de Caboujolette / Carrière de monsieur Sanchon. 1934. Depuis, avec les pins la végétation typique à la garrigue, la nature a repris ses droits, les petites vignes ont disparu.

jeudi 27 septembre 2018

VENDANGES, AMBIANCE… / Fleury-d'Aude en Languedoc


De gauche à droite, mes grands-parents Ernestine et Jean Dedieu, Céline et Noé Andrieu (grand-oncle) Photo François Dedieu.


Papa raconte que la bonne humeur est de mise, on rit beaucoup, on chante aussi dans les vignes. Les mains sur les reins, les vendangeurs se redressent pour honorer et applaudir un morceau plébiscité du répertoire familial, comme au dessert d’un menu de fête. On n'est pas à la pièce ! 
L’oncle Noé se fait prier avant d’entonner « Michaëla », l’histoire d’Antonio le pêcheur, éperdu d’amour mais pour qui tout s’écroule en un instant… 

(de g. à d.) Mamé Ernestine sous sa "galino", mon parrain Norbert, l'oncle Noé, tati Marcelle, papé Jean, maman (Jiřina francisé en Georgette... on francisait beaucoup à l'époque...), tonton Jojo. Photo François Dedieu.
Entre pudicité et réserve, les grands, qui, pour parler entre adultes, permettent de se lever de table, manière de ménager les chastes oreilles en envoyant les enfants jouer dehors, lèvent aussi un coin du voile au détour d’un couplet égrillard ou sensuel.

La mémoire retient :
« … Quelques paroles (j’ignore la suite) de Michaëla  (et non Manuela, premier succès de Julio Iglesias).

« … Quel est donc ce billet                       
Entre tes seins caché                                  
Michaëla ?                                                  
Et, pâle de fureur,                                     
Antonio le pécheur                                    
LUT  ce mot  
Qui lui brisa le cœur :
« Michaëla la brune,
Ce soir au clair de lune,
Comme par le passé,
Nous irons nous griser
De baisers… »
   (Pages de vie à Fleury-d’Aude / p. 296-297 / Caboujolette / 2008 / François Dedieu)

Ce pigeonnant balconnet que nous ne saurions voir ferait-il venir de coupables pensées aux tartuffes ? Non, non ! Chez l’oncle Noé, comme de bien entendu, c’est la diction très personnelle qui doit attirer l’attention lorsqu’il prononce « LUT ce mot » comme il le ferait pour le luth, l’instrument !
Quant à la chanson, de quand date-t-elle ? Qui sont son ou ses auteurs ? Par qui a-t-elle été créée ? Mystère… Il y a bien quelques demandes, quelques bribes sur les forums mais la piste se perd vite. A long terme, néanmoins, à l’occasion d’une nouvelle tentative, on peut trouver.  
 
Et s’il n’est pas possible d’entendre la chanson, et si l’oncle n’a pas eu l’opportunité de nous dire d’où il la tenait, nous en savons désormais d’autant plus, qu’avec la partition, la mélodie ne tient plus du secret  :

https://www.partitionsdechansons.com/pdf/15911/F.L.-Benech-Leo-Daniderff-Micaella-Mia.html

Micaëlla mia, chanson napolitaine  1910, paroles F.L. Benech / musique Léo Daniderff,

Bonsoir Micaëlla jolie,
Comment, n'es-tu pas endormie ?
- Pour te voir en secret,
Comme maman dormait,
Antonio, ce soir, je suis sortie !
Sur la mer la nuit est plus belle,
Partons tous deux dans ma nacelle »
Et sur le flot berceur,
Antonio le pêcheur
Dit bientôt à l'élue de son cœur :

REFRAIN :
« Micaëlla ma brune,
Ce soir au clair de lune,
Viens avec moi comme aux beaux jours passés,
Te griser
De baisers !
Tu m'as juré, ma mie,
De m'aimer pour la vie,
Moi je t'adore
Bien plus encore
Micaëlla mia !

Mais en la prenant par la taille
Antonio tout à coup tressaille
« Quel est donc ce papier entre tes seins cachés ? »

Compromettant, ce papier ? Alors c’est qu’elle n'a pas d'idée, Micaëlla !
Allons ne gâchons pas le sentimental de la chose, le romantisme tournant à l’aigre, au drame peut-être, parce qu’Antonio, qu’il soit napolitain, calabrais ou corse ou encore de Castille, languedocien voire catalan... a le sang vif, chaud, exotique et méditerranéen… 

Mamé Ernestine avec son grand tablier à escargots, souvent proche d'un oncle Noé treufet e aïssablé ! (moqueur, faisant des niches). Photo François Dedieu.

 PS : à Isa, ma cousine. Sois gentille si tu repiques une ou des photos, de mentionner la source "François Dedieu". Ou si tu veux "JF Dedieu"... je compte sur toi.