lundi 6 octobre 2014

Fleury d'Aude en Languedoc / O SOLE MIO...


Vendredi, il ne fallait pas rater Thalassa... même si ce n'est plus la musique d'origine, même si trop souvent les sujets ont un rapport plus ou moins distant avec la mer. Cette fois, pas question de louper Sète et l’Étang de Thau, surtout que nous en parlions voici peu.

La Lagune, le bassin de Thau, peu importe comment on le nomme, se dévoile avec ce pêcheur de Bouzigues qui rapporte des palourdes, des escargots pointus, des oursins, sans trop plonger au même endroit de peur de signaler ses coins. "E hisso !" comme il le dit lui-même ! Plus loin, il nous promène au rocher de Roquerols, celui des "Copains d'abord" "dans la grand mare des canards", chers à l'ami Georges.
La pêche encore avec Robert, natif de la Pointe Courte (Sète), qui affole les dorades autour des tables à naissain. Il évoque son grand-père qui l'emmenait en nacelle ; il parle des barques jadis nombreuses à manier l'arseilhère...
Mais l’Étang vit aussi avec son siècle et s'il eut, comme Brassens, mauvaise réputation, c'est du passé depuis que les sirènes veillent : oui, ces balises, ces bouées partout sur le bassin, les ruisseaux qui affluent, les canaux, dotées de capteurs, prêtes à détecter la moindre pollution. Les conchyliculteurs peuvent immerger leurs cordes. Est-ce pour cela que la maison Tarbouriech a su élever une huître d'exception exportée désormais en Chine, en Russie, en Thaïlande ? (1)


  
Avec Sète, "L'Île singulière" de Valéry encore surnommée la "Venise languedocienne" (2), le Pérignanais que je reste ne pouvait que vibrer en entendant parler des lamparos, des catalanes du thon rouge et des poissons bleus, des baraquettes du Mont-Saint-Clair, du temps des dimanches à la bonne franquette.
Sète où les vieux loups de mer ravaudent encore les filets en chantant le bel canto parce qu'ils n'ont pas oublié Cetara, la cité-mère, au sud de l'Italie. Dans les entrailles du Théâtre de la Mer, d'ailleurs, un peu comme là-bas, des grottes marines se visitent en barque.
Et puis, au levant, cette Méditerranée qui est la nôtre, aux couleurs reconnaissables entre toutes, sous son soleil à part...

Aussi, quand j'ai vu ce New-yorkais qui gobait des huîtres dans un restaurant du lido en disant "Magnifique", je me suis instinctivement demandé ce que je fais moi, si loin...   

(1) et dire que sur la pression des États-uniens qui ne l'autorisent pas chez eux (rien d'étonnant quand on sait le sagan qu'ils font pour le Roquefort !), ce coquillage doit être interdit aujourd'hui en Russie !  
(2) Martigues, entre l’Étang de Berre et la mer, connue en tant que "Venise provençale" si chère à Vincent Scotto...  

http://www.france3.fr/emissions/thalassa/diffusions/03-10-2014_260591

Photos autorisées : merci Wikimedia, merci flickr. 

vendredi 3 octobre 2014

Fleury d'Aude en Languedoc / AGAPES FAMILIALES.

    Nous parlions de ces repas de famille qui nous regroupaient, suivant les saisons, à l’occasion de réjouissances locales ou liées à la destinée de chacun au sein des familles. Le dimanche, les grands-parents réunissaient enfants et petits-enfants. A l’échelle du village, du terroir, du pays, plus espacées dans le temps, les fêtes laïques, chrétiennes, voire païennes, de même que des aubaines fortuites, comme un gros lot à la tombola ou au loto... piòta, romb clavelat o lop (2), sinon un sanglier à la chasse (rares à l’époque), rassemblaient un cercle élargi aux oncles et tantes (3) d’un cousinage moins direct. 




Jusque là, tout se passait, en principe, à la maison. Pour les étapes plus solennelles de la vie de chacun : baptêmes, communions, mariages, noces d’or, parents et alliés de loin étaient invités, du moins ceux avec lesquels, justement, par le biais de ces fêtes-là, on n’avait pas coupé. Ces réjouissances pouvaient se passer chez soi, quitte à embaucher des cordons bleus du voisinage, à installer des plateaux et tréteaux à la cave... Néanmoins, à cause du nombre de convives, de la tournure moins rustique des « repas » (étrange cette façon modeste et banale de parler de festins !) (4), de l’usage aussi, plus fréquent, de l’argent liquide, avec le temps, le menu de ces réjouissances fut plus souvent négocié au restaurant (5). 
    Ces fêtes qui avaient le grand mérite de resserrer les liens, de situer chacun dans la généalogie des aïeux, favorisaient des apartés sur l’itinéraire, le devenir des uns et des autres, soit autant de confidences et indiscrétions appelées à être divulguées, dès le lundi, dans chaque clan. Force commentaires aussi fleurissaient sur le menu, la finesse, la succulence des recettes, comme en réponse au plaisir escompté, rebattu entre tous, des jours et des semaines avant l’événement. Tous devaient revenir aussi, même si, avec l’érosion des jours qui passent, ne restent que les souvenirs singuliers, remarquables, les tirades les plus épiques, sur les scènes, les bons mots, les rebondissements que la réunion de famille faisait éclore. Et comme nombreux étaient ceux qui avaient retenu des banquets passés, l’air d’un tel, la voix d’un second, la gouaille de tel autre, le talent de conteur d’un quatrième, un florilège de morceaux de bravoure (6) apportait un bouquet final au repas.     

Et ce samedi 2 août 2014, celui de la bouillabaisse, pardon, de l’anniversaire du patriarche, ce qui revient au même puisque c’est lui qui régalait, d’instinct sinon consciemment de sa part, grâce à lui en tout cas, après une plaisante histoire de bicyclette, un supplément d’âme est venu sublimer les plaisirs de la table. Toujours en vers, avec la déclaration d’amour de Vincèn à Mirèio, les inflexions de notre langue occitane vinrent renouveler le fil indéfectible qui nous lie aux aïeux, à notre terre, à notre ciel... (7) (8)         
   
(1) à Fleury, dans les années 60 : la sardo (graphie Mistral) à la fin des vendanges, la fête du village pour la saint-Martin, à Noël, au mardi-gras, à Pâques, au 14 juillet, et accessoirement au 15 août. 
(2) dinde, turbot ou loup (bar des côtes atlantiques).
(3) ce qui correspond aux grands-oncles et grands-tantes, les parents des cousins étant les tontons et tatis.
(4) Concernant le nombre de personnes invitées, il semble qu’il n’atteigne plus, au milieu du XXème siècle, l’importance qu’il avait cent ans plus tôt quand le sens de la famille concernait un cercle plus large, ce qui mériterait une analyse plus pointue.  Pour une fête marquant les annales, un des critères reste néanmoins le décompte des convives. Pour ces "repas", on disait aussi « faire la bombe », « faire bombance ».
(5) d’abord locaux puis plus éloignés grâce à la démocratisation de l’automobile.
(6) Très appréciés même par les plus réservés, les plus bourrus de l’assistance... comme quoi, l’équilibre entre la faconde des uns et la retenue d’autres participe aussi de ces liesses en partage.
(7) « ... Es lou fial d’or que nous estaco
             A nostro terro, a nostre cèl ! » Merci Jean Camp de Salles pour ton inoubliable Doublidaïre.
(8) nous n’en étions pas aux libations qui font chanter chacun à tour de rôle mais après son grand-père, Florian nous a récité deux jolis poèmes... en attendant que je lui apprenne quelques chansons... en occitan !