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dimanche 3 octobre 2021

MAYOTTE, CARTES POSTALES... Le douanier Rousseau

Au fond, quelque part derrière le rideau de verdure, loin de la plage prisée de M'tsanyuni dite aussi "Tahiti Plage".

 "GAUGUIN ET LE DOUANIER ROUSSEAU 

  L'heure du farniente sur une plage de la Baie de Boueni. Un chaos de blocs noirs borde un croissant de sable doré. L'étale de basse mer. pas un chant d'oiseau, pas un cri de roussette, juste un ruisseau qui gazouille son cours et couvre les vaguelettes du lagon. Il ne sait pas pourquoi il reste allongé, à plat ventre sur le sable : cela ne lui ressemble pas. 

Un bruissement dans la brousse épaisse, en amont de la rivière. Un faisceau de hautes herbes qui plient, s'écartent sur un passage furtif pour reboucher aussitôt la trouée. Il épie, il piste la trace au bruit, immobile sous les lobes protecteurs d'un badamier. Un drageon brutalement libéré cingle la verdure proche... Puis, rien... Le silence retombe sur un monde plombéqui, dans l'attente d'une fraîcheur espérée, ménage le souffle vital... Ça bouge à nouveau, des galets qui choquent... un clapotis intermittent à présent : quelqu'un avance à contre courant... Puis, de l'eau qu'on écope, de l'eau qui ruisselle... Des gouttes qui cloquent... Plus rien... la présence est discrète, prudente... Quelques mots fredonnés... une voix de femme... Il se lève sur les mains... Un bras relevé, replié, une épaule pleine et cuivrée : une femme au bain... La verdure cache le reste. 

Et s'il se levait ? réflexe de voyeur. Pour brusquer la baigneuse et tout gâcher ? Il se remet sur les coudes, les joues dans les paumes, méditation en esthétisme et fantasmes majeurs. l'imagination galope d'autant plus que la pulsion est bridée. Femme au bain et secret de la plastique d'un sein qu'il ne saurait voir... juste le temps d'en frémir que le film défile déjà à l'envers : un clapotis dans l'eau, plus fuyant, avec le courant, des galets s'entrechoquent, un drageon fouette l'air, les hautes herbes s'ouvrent, se referment. La nature retient son souffle. Il fait trop chaud. Soupir. Il a rêvé... 

L'instinct frustré se rendort mais la pensée vagabonde encore ; elle agrémente l'instant d'un décor de glaives, de palmes, de dentelures... Puis des tons de salade tendre panachent la végétation d'une grasse verdeur. Les tropiques se griment d'une luxuriance trompeuse, trois calices rouges, une panicule rose. Le douanier Rousseau a offert ce rideau exotique qui cache, dans la pénombre, le geste lascif d'une femme au bain, une forme chaude et galbée... un cadeau des îles signé Gauguin. 

Une risée sur la baie qui danse le réveille. Les vaguelettes du flux remontent et couvrent le murmure du ruisseau. Les oiseaux s'ébrouent, les roussettes à la toilette émergent de la torpeur. Une relative fraîcheur arrive du large. la canicule n'est plus qu'un souvenir. Ce ne fut qu'un moment suspendu par un dimanche après-midi sur la Terre."

Pourquoi ce souvenir tout à coup ?  


 Hier, une plage jadis paradisiaque aujourd'hui envahie par une flopée de bagnoles et des relents de musique mondialiste sans reliefs. Pourtant, infatigables, des jeunes tapent sur des tambours de bois et de peaux, de toutes tailles, msindrio, fumba, dori (en partant du plus grand) ; plus loin, de la cabane bambou guinguette dont la palissade doit cacher le collé-serré des danseurs, sortent des rythmes illustrant la prétendue liberté de mœurs des tropiques... et c'est vrai que je ne pouvais refouler ces lambeaux de la vie d'avant. 

Comme j'en ai bavé (je ne vaux pas grand chose et ce n'est plus de mon âge...) pour revenir de cette plage de Sohoa avec 8% de dénivelé en moyenne dont des raidillons à 33%... le sommeil m'a vite assommé sauf qu'à trois heures du matin, l'horloge interne m'a fait lever...

Le café, le gâteau à la citrouille, être bien, se sentir vivant... Ne rien demander de plus or voilà que fb me donne à admirer "Le Rêve" d'Henri Rousseau, un tableau inconnu de moi à ce jour. Hasard, coïncidence... Mon cœur a aussitôt fait boum ! Un dimanche après-midi de 1995, sur une île tropicale du Canal de "Moçambique", dans la moiteur d'une saison des pluies finissante, convaincu d'évoquer ingénument, je m'imaginais entrant dans une toile mais sans me douter qu'en 1910, un incomparable coup de pinceau avait déjà prédit ce qui devait advenir ! 

Henri Rousseau - Le Rêve - Google Art Project wikimedia commons Domaine public Author LwEt57AOdD6SGA at Google Arts & Culture

  Palpitant, sur les livres de Jules Verne et Louis Pergaud, dans un fort carton d'encyclopédie en disquettes dépassée, il attend qu'on lui donne vie ou que je meure pour y parvenir (quelle prétention !), le tapuscrit "Mayotte, cartes postales". L'épisode ne figure pas sur la table mais je sais que c'est dans le chapitre "Tourisme et géographie" que ça palpite... Page 55, bingo ! 

Sous le croissant de lune qui pâlit alors que l'aube blanchit le ciel, j'avais quand même oublié que Paul Gauguin avait remplacé la femme du douanier Rousseau par une de ses filles des îles...