Tiens Arte veut nous parler d’un certain Tomi Ungerer.
Pourquoi pas ?
De grande taille, une belle gueule, sûrement reçue en héritage ?
Surrection ponctuelle et intemporelle de la géologie de sa terre… Une voix
chaude, un accent qui sort aussi d’un terroir, germanique. Il parle allemand on
dirait. L’homme sort une petite boîte de survie, bougie, ciseaux, allumettes, fil, fil électrique, un tube de
colle forte, vis, miroir mais pas aux alouettes, pour envoyer des signaux à l’avion qui le cherche… et
sa rosette de commandeur des arts et lettres…
Dans la cave, avec les clous, les outils et les bottes d’oignons
suspendues, j’avais « trouvé » l’étoile d’un rouge grenat si
particulier aux pays satellisés par l’URSS. Tonton m’avait sommé de remettre
avec les clous sa décoration de soldat. Deux ans de service militaire.
Un aventurier, l’homme qui parle en allemand… Le pourquoi de
L’homme sur son île, le titre d’Arte.
Pour voir, ne changeons pas de chaîne…
Il sort. Surtitre : « Irlande, Irland ». Celte ?
Saxon plutôt qu’Anglo ? Murets de pierre… c’est bien la verte Erin. Chants
d’oiseaux… Il dit montrant le ciel « Lerchen », les alouettes. C’est
traduit.
Et sur mon île à moi, où on parle de brousse alors que la
saison des pluies fait surgir une vraie jungle qui nécessite de se couvrir
entièrement pour éviter piqûres et irritations, une éruption me submerge :
l’Etang de Fleury, fin février, derrière le terrain de rugby. Il y a Rolland, Max,
José. Sous un soleil déjà printanier, nous courons par les vieux ponts de
pierre qui passent les fossés que nous longeons. Par dizaines, les alouettes
montent dans le bleu du ciel, si musiciennes et s’il vous plait avec l’accent
car l’alouette apprend ses morceaux des adultes. Depuis quand n’ai-je plus
entendu les trilles des alouettes ?
Murs de pierre, enclos à moutons. Des bottes au bout de ses longues
jambes et sur les lèvres « Alouette gentille alouette, je te plumerai le
bec… Quelle vilaine chanson, s’en prendre à un oiseau. C’est curieux les
Français ont les chansons les plus cruelles "En passant par la Lorraine…
on m’a traitée de vilaine avec mes sabots"… on insulte une jeune fille… on tue
un chat parce qu’il a bu le lait et ron ronron petit patapon… j’ai fait une liste
des chansons populaires françaises… d’une méchanceté… » Étrange cette vision de la France depuis les
criques au-delà de Cork.
Les premières orchidées, le milkwort… il parle anglais à
présent pour cette plante favorisant la lactation des vaches, une rare plante
dont la fleur ne compte que trois pétales et le lousewort on en bourrait les
matelas contre les poux.
Suivre son ombre, trouver le Nord, son esprit toujours
vagabonde.
Faire le portrait de son île, faire le portrait de sa femme.
Surréalisme et réalisme chez Tomi Ungerer qu’il dessine ou trimballe ses
ferrailles, une chaîne à gros maillons dans le creux de sa main, illustrant un cerveau
après décollation, siège des souvenirs qui ne sont que des chaînes dans nos
têtes…
Des passoires au tamis métallique pour faire des grenouilles ou des
seins de femme… Les métaux récupérés lui font évoquer les tsiganes ferrailleurs d’Alsace « Peaux
de lapins, vieux papiers… » « Peilharot, pel de lapi… », ils
passaient aussi à Fleury avec un autre accent, une autre langue mais les mêmes ils étaient… Un clou merveilleux forgé à la main… Éclat des
incandescences du fer, odeurs de la corne brûlée d'un cheval de trait, autour du forgeron-maréchal ferrant
de Fleury, en haut de la route de Béziers, en bas de la porte dans les remparts…
Des grenouilles, aux oiseaux de fer, une musique jazzie, Django
guitare. Transition. Mais brutale.
« Je suis fier d’être
Alsacien et je suis fier de mon accent…. C’est un pays de bonté, un pays à l’esprit
un peu étroit mais tout de même bon… » Le Rhin qui n’est pas une frontière
entre les bateaux qui véhiculent les marchandises mais aussi la culture
rhénane, les ponts entre les deux pays… « Nous préférons être les
laborieux Allemands de France plutôt que les joyeux Français de l’Allemagne… c’est
un thème récurrent dans mes dessins. Nous sommes coincés entre les bottes
allemandes et les pantoufles françaises… En dialecte alsacien on appelle les
Français des lièvres parce qu’ils détalent quand les Allemands arrivent… Ce qui
est exagéré et historiquement incorrect. »
A suivre...
Les illustrations sont des captures d'écran à partir de l'émission d'Arte
https://www.arte.tv/fr/videos/036915-000-A/l-homme-sur-son-ile/