Les photos proviennent du fonds André Cros aux archives Municipales de Toulouse. A ce propos, voir le précédent article sur les travailleurs temporaires espagnols : VENDEMIOS…
VENDIMIAS, vendimiadores / Les vendangeurs espagnols.
A
QUELLES CONDITIONS viennent-ils, ces vendangeurs ?
Un
migrant, temporaire ou définitif, accédant à un autre pays, subvient mieux à
ses besoins mais gagne moins que les nationaux si les montants légaux horaires
ne donnent pas à s’appliquer, en cas de travail dissimulé notamment.
En
1966 le salaire est de 3,5 Francs de l’heure avec 3 litres de vin pour les travaux
d’hommes (soit 36,34 euros de 2017 + 3,60 € de vin sur la base du vrac à la
coopérative) et de 2,75 Francs pour un travail de femme avec 2 l de vin (soit
28,55€ + 2,40€ de vin). Pour info, le kilo de pain est à 0,76F soit 0.99 € de
2017.
En
2018, avec 30 % de plus par rapport à l’Espagne (9,88 €/h au lieu de 6,54 €) et
des heures supplémentaires mieux payées, le travail en France reste
intéressant.
1966 –
2018, difficile de comparer l’INSEE étant complètement à la botte du pouvoir…
Juste pour nous donner à réfléchir… un comparateur d’inflation dit crument que
les 78,80 € de 2018 ne correspondent qu’à 9 € de 1966… Les vendangeurs
d’aujourd’hui seraient 4 fois moins payés qu’en 1966 ? N’en faisons pas
une vérité même si la tendance est plausible avec la mondialisation, la planète
se déclinant seulement par le fric qu’elle rapporte, qu’elle rapportait plutôt
puisque nous avons entamé le capital début août cette année et que ce sera en
juillet en 2019…
Bénéficiant
de salaires encadrés par la loi, une majorité satisfaite de vendangeurs passant
les Pyrénées souhaite revenir travailler dans les vignobles français, d’après
le syndicat UGT FICA. Mais combien viennent encore sans la protection apportée
par des contrats en bonne et due forme ? En 1998, cette main-d’œuvre
représentait encore le tiers des effectifs : sans contrat, sans Sécurité
sociale, exclus des congés payés, ils se retrouvaient, qui plus est, sous-payés
par des patrons malhonnêtes et sans scrupules ! La façon de les loger
participe aussi des conditions qui leur sont faites.
DANS QUELLES CONDITIONS SONT-ILS HÉBERGÉS ?
Dans les
années soixante, comme pour nous, une ampoule électrique blafarde et l’eau
froide au robinet étaient la norme. Beaucoup se lavaient au puits et allaient
chercher l’eau potable aux fontaines publiques.
Dans Le Carignan j’avais noté « Les
vendangeurs, parfois logés à la rude, dans la paille », ce qui était le cas
pour ceux de notre voisin d’alors, par ailleurs un brave homme.
Dans Caboujolette, mon père avait
précisé :
« …
Ce jour-là, le voisin préparait la paille pour ses vendangeurs. Il la montait à
l’étage, portaillère grande ouverte. J’ai raconté cela à mon père (mon
grand-père donc), qui l’a vivement
critiqué :
« Traton lo mounde como de bèstios. Nosautris
b’avem pas jamai fait. Los vendemiaires cochabon à l’ostal e manjabon amé nosautris. »
(« Ils traitent les gens comme des bêtes. Nous autres, n’avons jamais fait
ça. Les vendangeurs dormaient à la maison et mangeaient avec nous. »)
Quand on se conduit comme il faut, on peut
demander du bon travail… »
A
Fontcouverte, chez le docteur Lignières (2013), des petites maisons
individuelles jouxtent le château et chaque semaine, la patronne leur fournit
un surplus de nourriture : riz, pommes de terre mais aussi poisson et
viande…
A
Rivesaltes, en 2014, un propriétaire souligne les complications contractuelles
qui l’obligent, pour se protéger, à mentionner sur le contrat qu’il est
interdit de vendanger pieds nus et de dormir à l’ombre sous le tracteur, et
même qu’il ne faut pas mettre ses doigts entre les lames du sécateur. Il ajoute
qu’aujourd’hui, si on logeait les vendangeurs comme dans les années 60, ce
serait pour finir au tribunal tant les conditions devenues excessives contreviennent
à de nombreux articles du Code du Travail ! Il finit en disant que tout
doit être désormais cadré et que parallèlement on a perdu le bonheur des
vendanges, qu’on ne chante plus dans les vignes, qu’on ne caponne plus les filles
qui ont oublié un raisin (un garçon que l’usage autorisait à embrasser, lui
barbouillait le visage avec la grappe qui devait compter un nombre minimum de
grains !).
Le
puissant syndicat UGT FICA conclut en définitive en critiquant l’agriculture en
Espagne où des conditions indignes « étaient » faites aux
travailleurs ! Aucun respect des conventions collectives, avec des
contrats non valables, trop d’heures au rabais et certainement pire encore
concernant la main-d’œuvre clandestine.
Nos
vendangeurs viennent d’Espagne alors qu’à l’époque de Zapatero premier ministre
(vers 2010), c’étaient des Bulgares et des Roumains qui récoltaient en Castilla
la Mancha, dans ce qui est désormais considéré comme le plus grand vignoble du
monde. Grâce à Zapatero justement, des
amendes sont tombées contre les gros propriétaires, ces caciques influents, ces
exploiteurs continuant à recruter leur personnel au noir le matin sur la plaza,
laissant les indociles sur le carreau dans un même mépris cynique que celui
perpétué par la clique franquiste !