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vendredi 23 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (IV) / Mont de l’AQUAEDUCTUS, mamelon de VÉNUS...


Le soleil cogne. L’heure d’été le devance de deux tours : il est quatorze heures avec la chaleur de midi ! Et ce piémont du plateau en amplifie la portée ! La sécheresse a sévi cette année et les grains de raisins sont secs comme chevrotines. Heureusement que le bord de l’étang est arboré, contrairement à l’aval, vers le grau où la salinité domine. Une maison à gauche, sous les peupliers et les frênes ; un panneau indique « La Foulquière », un nom évocateur pour un rendez-vous de chasseurs. Depuis un moment, nous allons à rebours du chemin vicinal menant à Sainte-Germaine ; il est mal foutu, mal entretenu : tant mieux pour la tranquillité qu’on y gagne. Sur le versant, encore un panneau qui, cette fois, montre où voir ce qui fut un aquaeductus, un aqueduc des Romains. A des lieues du pont du Gard, ces vieilles pierres comptent, néanmoins : elles confortent dans l’idée que le coin, et à plus grande échelle le Languedoc, a toujours été favorable à l’installation humaine. Du temps des Romains, le site devait beaucoup ressembler à ce qu’il est aujourd’hui avec peut-être le grau ouvert sur la mer et un étang de Vendres en lagune saline... Nous suivons le sentier, aussi motivés que ceux qui cueillaient des mûres tout à l’heure. Un figuier dans la montée. Là-haut une pinède et la première maison sur sa parcelle lotie. Entre les deux, les pierres de Rome, un tronçon de canalisation, une forme de réservoir aussi peut-être (1). 


Un terrain de pierre terreuse ou de terre pierreuse, jaunâtre, qui rappelle l’oppidum d’Ensérune. Dans mes partis pris simplistes, j’associe la présence grecque au calcaire blanc : Leucate ( de leukós, λευκός  en grec ancien) (2), et plus loin le site archéologique d’Empuriès. Ne me demandez pas pour Agde au basalte noir (Αγαθή Τύχη (Agathé Tyché) (2)... je vous l’ai dit : la subjectivité dans tout ce qu’elle a de contradictoire...
Cette eau venait-elle du plateau du Crès ? L’aqueduc l’amenait-il au temple ? On le voit ce mamelon qui s’avance dans les roseaux, juste sous le soleil de l’après-midi. L’étang s’ouvre à droite comme un éventail piqueté de paillettes d’argent. Quelques oiseaux fouillent les vases. Quelques cris montent jusqu’à nous. Les cigognes doivent vaquer plus loin. 



Le voici, ce fameux temple mais les indications évoquent plutôt des thermes, le repos du marin, le vin du Crès et plutôt des vénus de carrefour que des offrandes pour une traversée réussie (3).
Personne sinon nous et un troupeau de chèvres en ce jour plutôt frais pour la plage. Dans un canalet qui en automne évacue les déluges venus des collines, nous dérangeons un héron pourpré (4), « oiseau entièrement protégé » disait une indication des ornithologues, plus loin, vers le Chichoulet et « qui ne doit pas être dérangé intentionnellement », précise la loi.   

(1)  trouvé sur http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
«... L'aqueduc a été vraisemblablement édifié à l'époque gallo-romaine. Il conduisait les eaux de la source du Théron située sur le flanc Est du Crès à la ville antique. Au titre de la corvée qui existait en 1725 les habitants de Vendres, sous la conduite de l'ingénieur Monsieur de Clapiès, réaménagèrent le conduit souterrain et jusqu'en 1864, les eaux alimentèrent les fontaines du village...»
(2) wikipedia  
(3) «... Deux fours chauffaient l'air qui arrivait dans trois grandes pièces par les interstices du plancher. Ainsi les valeureux romains pouvaient apprécier les différentes températures des pièces selon qu'ils s'éloignaient de la chambre de chauffe. L'étuve (caldarium) assurait une température élevée, puis la pièce tiède (tépidarium) une douceur plus acceptable puis enfin la pièce froide (frigidarium) permettait d'apprécier le bienfait des bains froids... » 
Pour plus de précisions http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
Merci encore jc34 !
(4) je crois qu’en languedocien de chez nous, nous disons « crac » pour ces grands hérons qui volent le cou rentré (confirmé par le dico cantalausa)
http://www.ieo12.org/d7/recerca-diccionari-cantalausa


photos autorisées wikimedia commons : 
1. Vendres étang auteur Fagairolles 34 (au fond, au sud, le massif de la Clape). 
2. Vendres aqueduc auteur Emeraude. 
3. Vendres étang avec vue sur le temple de Vénus auteur Mairie Vendres (au fond au-delà de l'Aude, le village de Fleury). 
4. Vendres temple de Vénus auteur Mairie Vendres. 
5. Héron pourpré photo Pierre Dalous.

lundi 5 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (III) / STURNUS assidus, CICONIA. Et VÉNUS ? / Fleury en Languedoc.

  
Enième pause pour voir les étourneaux (1), par centaines, loin sur des fils électriques, à la limite du plateau. Aux temps rustiques, mais en hiver, des chasseurs, sinon des braconniers, les canardaient la nuit pour les récupérer à l’épuisette (ou des filets étaient-ils utilisés ?). Les oiseaux trempés se revendaient aussitôt dans les villages alentour : Séraphie et Odette en vendaient au tabac. Un trafic en quelque sorte...
« Tu sais, Florian, les chasseurs les tiraient volontiers, du temps où le gibier apportait un plus. La nourriture était chère. Certains y passaient tout le budget. Et il n’y avait pas le choix d’aujourd’hui.


 Et l’étourneau, revenu dans le sud se gave dans les vignes alors que plus au nord, il va sur le crottin et les bouses... je le tiens de Loulou, un copain d’enfance qui avait sa famille dans le Nord, plus précisément dans le Pas-de-Calais. Enfin, les amateurs disaient bien que les raisins donnaient bon goût, comme pour les grives. Ce qui est sûr est qu’entre la saison des nids et l’automne puis l’hivernage, tout change. Quand on en parlait, en Tchéco, chez tes arrière-grands-parents, ils en étaient choqués. En Bohême, l’étourneau est un oiseau du printemps qui nourrit ses petits d’insectes. Les agriculteurs l’apprécient. Tout le monde l’aime. A présent il a envahi les villes où il salit beaucoup, du moins sous les dortoirs. Sinon, l'étourneau chante bien et si tu voyais les nuages mouvants des vols, quand ils sont peut-être des centaines de milliers, ça ressemble aux bancs de poissons qui espèrent dérouter les prédateurs. » 


Deux promeneurs approchent : ils parlent des mûres à propos des trois qui s’égratignent les jambes sur le coteau.
Et c’est alors que dans le ciel, planant depuis le plateau, un oiseau aux grandes ailes se dirige vers l’étang. « Une cigogne ! » Puis deux puis trois, puis cinq, et autant de photos qui se déclenchent. « Ne t’occupe pas du résultat ! regarde plutôt le vol qui arrive ! » 


Elles sont dix, davantage. on ne compte plus.
« Quand passent les cigognes (2) »... aussitôt le titre du film vient à l’esprit. La ronde des saisons marquée par les oiseaux migrateurs s’affranchit des complications néfastes que l’homme se crée. Le film revient sur la vie, la trahison, la mort entre un soldat contre les nazis et sa fiancée à l’arrière qui ne l’attendra pas, une histoire d’amour, de vie qui continue de concert avec la société toujours en mouvement, entre guerre et paix, entre oppression et révolution. Pourtant, à l’échelle cosmique, comme on se sent petit et insignifiant quand les oiseaux nous rappellent l’inéluctable marche du temps. A la fois pour ne pas se laisser étourdir par ce qui nous dépasse et aussi pour essayer de durer dans des cycles naturels que nous avons mis à mal, enchantons nos vies de ce que la nature a de merveilleux plutôt que de toujours croire que l’homme est le nombril du monde. D’où viennent ces oiseaux magnifiques ? Où vont-ils ? Pourquoi partent-ils si la migration est si risquée ?  


« Mon fils, quels pays ont-elles survolé ? Depuis l’Alsace et peut-être plus au nord, en Allemagne, elles ont passé la trouée de Belfort, longé le Jura. Arrêt buffet en Bresse ou dans les Dombes aux nombreux étangs, aux prairies humides où son long bec attrape des grenouilles et bien d’autres animaux dont des nuisibles. Tu comprends pourquoi les hommes les apprécient ! Ensuite, c’est la vallée du Rhône pour quelques unes, celles qui passent par ici parce qu’un grand nombre coupe à travers le Massif Central  vers l’Aquitaine. Toutes se retrouvent en Andalousie et si certaines restent, d’autres suivent la vieille route migratoire si dangereuse tout du long. Gibraltar, le détroit, une vraie barrière. C’est que les cigognes doivent monter, c’est pour ça que tu les vois tourner : elles cherchent des ascendances. Elles montent avec l’air chaud, s’élèvent avec lui avant de partir droit en planant. Et ces ascendances, on ne les trouve pas au-dessus de la mer. Elles n’ont qu’à battre des ailes, tu me diras, sauf que c’est plus facile à dire qu’à faire. Essoufflées, elles volent, le bec ouvert, perdant de l’altitude et si les pulsations cardiaques dépassent la zone rouge, telles un sportif planté, elles tombent et se noient... Quand tu auras mon âge, on dit qu'avec le réchauffement, les oiseaux ne migreront plus. Quand on sait que sept sur dix ne reviennent pas, ce n'est pas plus mal !
Allons ! Bois un coup, mange un morceau qu'il faut lever le camp si nous voulons le voir aujourd'hui, ce temple de Vénus ! » 

(1) l’étourneau sansonnet, Sturnus vulgaris, est un oiseau social (jusqu’à 1 million d’individus), présent partout sauf en Antarctique, capable de migrer sur 1500 kilomètres. Son régime alimentaire est insectivore et frugivore. l’étourneau siffle, gazouille et a des dons d’imitation.
Source et pour plus de précisions :
 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tourneau_sansonnet
(2) Летят журавли = elles volent les grues ? film soviétique de Mikhaïl Kalatozov, palme d’or à Cannes en 1958. Pourquoi les traducteurs d’alors ont-ils craint qu’on ricane à l’idée de femmes faciles ou de prostituées faisant le trottoir ? Les grues sont devenues des cigognes. Les dirigeants tant politiques qu’intellectuels ont toujours affecté de grands airs paternalistes et condescendants à l’égard du peuple... Sous d’autres formes, cette propension reste d’actualité...  

photos autorisées commons wikimedia 
1. étourneaux auteur lamiot. 
2. étourneau sansonnet auteur Tusco.
3. nuée d'étourneaux auteur Oronbb.  
4. Cigogne_blanche_ichkeul© aut Elgollimoh. 
5. Cigogne auteur Mucki   

vendredi 26 août 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (II) / ATTAGUS, CERCIUS, vers VÉNUS (avec le clin d’oeil d’Hibernatus) / Fleury en Languedoc.

Aude, n. f., fleuve de France, né dans le massif du Carlitte et qui rejoint la Méditerranée : 220 km. Elle passe à Quillan, Limoux et Carcassonne. 
Le Petit Larousse ne parle ni de Fleury ni des Cabanes. Tant mieux ! trop de monde l'été ! Et si le Petit Robert en parle au masculin, l’Aude, "la rivière" pour les locaux, "se jette" dans le Golfe du Lion par un estuaire qui, par le passé, a pu être la branche naturelle d’un delta fermé à l’époque par une digue romaine à hauteur de Sallèles (1).
Une écluse et une échelle à poissons permettent de passer le barrage anti-sel. Depuis le tablier, l’approche de la mer se fait solennelle : large, apaisé après le sursaut ultime imposé par les hommes, le fleuve n’est pas sans rappeler la force tranquille d’un naturel fougueux (2). 


Depuis au moins deux milliers d’années (3), "la rivière" qu’on rapproche à tort aussi de la Belle Aude, la fiancée de Roland, a tout d’un macho brutal. A choisir, disons plutôt "IL" pour ce celte appelé Atacos (4) puis Atax puis Attagus dans sa forme la plus latinisée (VIème siècle). Ses rives, avec les tamaris, les pontons, les bateaux, les pêcheurs, évoquent aussi Galabru et de Funès au Chichoulet, la campagne en face des Cabanes, dans le Petit Baigneur. Grâce au film, pour que ça fasse beau, le hameau, les bords de l’Aude avaient blanchi à la chaux leurs tons ternes et pas recherchés pour un rayonnement, méditerranéen certes, mais de carte postale.   


Au Grau de Vendres, jadis Grau de Fleury, après le nouveau port de plaisance, si la route borde les nombreux campings du bord de mer, un chemin dans la pinède (5) permet de rejoindre la tranquillité des bords de l’étang. Un affût pacifique permet d’observer les oiseaux ; une allemande et sa fille, venues aussi à vélo, sortent les jumelles et pointent une pièce d'eau visiblement désertée.
A vélo, pour éviter la fringale, il faut boire avant d’avoir soif et manger avant d’avoir faim. En dessert puis régulièrement, des dattes en guise de carburant. Énergivores que nous sommes alors que dans le désert, les bédouins tiennent deux jours avec quatre de ces fruits ! Quoique... à dix-huit ans, pour une fille, plus loin encore, sans rien dans le ventre je pédalais ! Une bordure de saladelles accompagne un gentil chemin sableux : ce sont ces fleurs et non les dattes qui me rappellent ces petits rendez-vous. Alors je fredonne « A Bicyclette », la si jolie chanson de Montand même si j’ai du mal à faire rimer Lysiane plutôt que Paulette... J'ai Louisette aussi mais c'était sur l'Orbieu...   


Le vent est frais mais à la rage du soleil, sur le coteau exposé, ils sont étranges, les trois, dont une femme, à soulever les pieds dans les friches épineuses... Pour quelle conjonction ? Et quelle conjoncture ? 

Imperceptiblement, nous sommes passés du milieu salin à l’eau douce sans rien remarquer du saumâtre. Les carabènes, l’églantier dont les gratte-culs ont déjà tourné à l’orangé, le gros peuplier blanc, vénérable, en témoignent. Au pied de l’arbre, à l’ombre, un banc public dit aussi combien cette promenade, depuis le village de Vendres, est appréciée.
   
(1) afin de détourner l’eau vers Narbo Martius, alors port romain accessible par l’étang lagunaire aujourd’hui de Bages et de Sigean. Son cours est celui du Canal de la Robine que des raisons aussi économiques ont fait déboucher par un passé récent à Port-la-Nouvelle (péniches jusqu’en 1970 en gros).
(2) le barrage anti-sel ferme avant tout le fond où l’eau salée, plus lourde, remonte surtout lorsque Cercius, le vent de terre d’ouest-nord-ouest, souffle, et de quelle manière !
(3) En ont parlé : Strabon géographe grec (vers - 64 / vers 21-25), Pline l’Ancien (23-79), Ptolémée (90-168).
(4) du gaulois "at-" = très, excès et "acu" = rapide, fougueux.
http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/atax-atacos-aude-808.htm 
(5) Nous y voyons notre premier apuput, une huppe fasciée. 

photos : 1, 3 personnelles août 2016
2. François Dedieu 1967.