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vendredi 1 juin 2018

MAYOTTE TREMBLE ! / Que se passe-t-il au fond de l'eau ?

Pour couper court à des on-dit par ailleurs globalement acceptables, critiquerait-on encore la non-déclaration de catastrophe naturelle, il serait exagéré de toujours accabler la France sur la question de la crise sismique à Mayotte. Ainsi, les explorations sous-marines ne répondent pas toujours à des logiques de profit. En 2004, un profil bathymétrique complet de Mayotte a été effectué par le Marion Dufresne 2, navire océanographique. Cette campagne et l'analyse qui en a été faite par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) apporterait-elle quelques éléments sur les séismes actuellement ressentis à Mayotte ?

https://hal-brgm.archives-ouvertes.fr/hal-00870100/document

Pour ceux qui n'auraient ni l'intention ni le temps de lire, une synthèse sans garantie aucune !  

Bathymay: la structure sous-marine de Mayotte révélée par l’imagerie multifaisceaux. (version de juillet 2006).

" Résumé
La campagne BATHYMAY, effectuée en 2004 à bord du N/O Marion Dufresne 2, a permis de réaliser le premier levé bathymétrique complet de la pente insulaire de Mayotte.
L’analyse préliminaire de la morphologie révèle l’existence de nombreux canyons, de vastes déstabilisations de flancs et d’édifices volcaniques sous-marins. Des falaises abruptes, dont certaines semblent guidées par des failles, limitent de vastes plateaux sous-marins.
La campagne Bathymay a mis en évidence deux mécanismes de déstabilisation du volcan de Mayotte: la déstabilisation lente, issue de l’effondrement gravitaire de l'édifice pendant le stade bouclier, puis la déstabilisation catastrophique des flancs du volcan au stade post-bouclier..."

L’archipel volcanique des Comores provient de la dérive de la plaque somalienne au dessus d'un point chaud [12, 26], dont on retrouve la trace depuis l’atoll des Glorieuses à 250 km au Nord-Est de Mayotte, jusqu’au volcan actif de Grande-Comore à 250 km au Nord-Ouest de Mayotte (Figure 1a)

hypothèse du point chaud. 


NDLR : sans être invalidée, l’hypothèse du point chaud est remise en question. En cause, l’île de Mohéli, plus vieille qu’Anjouan et pourtant plus à l’Ouest.

Si l’activité sismique était classée comme « modérée » (séismes de 5 et 5.2 en 1993, de 4.1 en 2001), avec les essaims de séismes de mai 2018 atteignant près de 6 sur l’échelle de Richter, ce classement est sous-évalué. (NDLR : ce matin du 1er juin, entre 6h 30 et 8h 30, déjà 5 secousses significatives : meubles hauts qui branlent, cahots pour les tableaux accrochés aux murs !).
De même, si les épicentres étaient situés au Nord et à l’Ouest, la série actuelle proviendrait de l’Est, à une distance comprise entre 40 et 60 kilomètres (NDLR : une paire de points apparaissent, sur certaines cartes, plus proches de la côte, au large de Bandrélé notamment... N'en fait-on pas mention par souci d'apaisement ?

« … Par contre, les flancs de l’édifice volcanique à l’extérieur du lagon restaient peu connus. Des profils topographiques et des études sédimentologiques ont été réalisées à partir de campagnes de plongées en submersible entre 1998 et 2003…/…Il s’agissait en effet, pour la DAF de disposer de levés bathymétriques fins pour le développement de la pêche hauturière à Mayotte… » 

NDLR : relevons entre parenthèses dans quelle mesure ces relevés n’ont en rien donné lieu à une pêche désormais monopolisée par les armateurs européens, seychellois… 

« … Les levés ont été effectués du 7 au 12 janvier 2004 à bord du navire océanographique Marion-Dufresne2 (Figure 2a). Ils représentent 750 miles de levés en mode mixte (bathymétrie, sondeur à sédiment, gravimétrie et magnétisme) et 230 miles en mode simple (sondeur à sédiment) à la vitesse moyenne de 13 nœuds. Au total, la superficie de la zone cartographiée dépasse 8750 km²… »
« … La cartographie d’ensemble du relief sous-marin montre que l’embase de l’archipel de Mayotte dépasse 110 km de diamètre sur le plancher océanique, pour une superficie de 10500 km² : cela implique que seulement 4% de la surface de Mayotte sont émergés (Figure 2b). Les profondeurs insonifiées s'étendent de - 44m (relief à l’Est de Petite-Terre) jusqu’à - 3767 m(à l’Ouest de Grande-Terre), ce qui confère à Mayotte une altitude d’au moins 4400 m au-dessus de la plaine abyssale. Les pentes se situent en majorité entre 4° et 20°avec des valeurs maximales à 88° au niveau de falaises situées dans l’Ouest de Mayotte (Figure 2b). Au Nord et à l’Est, la barrière récifale borde des pentes continues jusqu’à 1000m de profondeur, alors qu’au Sud et à l’Ouest, la barrière se raccorde à la plaine abyssale par l’intermédiaire de deux plateaux sous-marins… »




« … Plus de 200 reliefs coniques de petites dimensions (2 à 3 km de diamètre ) ont pu être recensés sur la pente insulaire de l’île (Figure 3). Leur densité est particulièrement élevée à partir de 2000 m de profondeur au Nord-Ouest (V1) et dès 600 m de profondeur à l’Est (V2) et au Sud-Est (V3). Ces reliefs coniques s’élèvent de 100 à 500 m environ au dessus de la pente insulaire, altitudes comparables aux reliefs volcaniques observés à terre; ils sont en majorité isolés mais quelque-uns apparaissent coalescents. On note aussi que certains présentent un sommet tronqué. Au pied de l’escarpement sub-circulaire au Sud-Est de l’île (S3), deux cônes de plus de 400 m de hauteur sont observés à 600 m de profondeur (V3)… »
« … Les reliefs «rugueux» ou «fripés» sont interprétés comme le résultat de déstabilisations de flancs ou de glissements sous-marins de grande ampleur (S1 et S2). Ce sont des avalanches de débris dont l’aspect est similaire, par exemple, aux «hummoky surfaces» des glissements observés à Hawaii [18] ou en Polynésie [6]. Les matériaux, issus des bordures des plateaux ou de la pente externe, se déposent sur la plaine abyssale. Ces glissements sont particulièrement abondants en pied de pente insulaire au Nord-Est et à l’aval de la plate-forme effondrée au Sud-Ouest… »
« … Les vastes avalanches de débris peuvent également générer, selon les conditions de mises en place, des séismes (séismes hawaiiens de 1868 et 1975) ou bien des raz-de-marée [18, 19]. À Mayotte, des indices existent en faveur de ces deux types de phénomènes, mais les liens de cause à effet ne sont pas encore établis : on observe par exemple (Figure 3) que les épicentres des séismes de 1936, 1941 (précision faible), 1993 et 2001 (précision bonne) sont situés non loin de glissements (S1 et S2) ou de failles présumées actives (F1 et F2). De même, des transcriptions de l’histoire orale de Mayotte font état de raz-de-marée qui auraient détruit des villages du sud de l’île vers le XVIIème siècle [13].
La morphologie concave (S3) observée dans le Sud-Est de Mayotte (Figure3) est interprétée comme la trace d’un effondrement gravitaire de la totalité du versant (récif-barrière et flanc). Les deux édifices de 400 m de hauteur observés au centre de la loupe d’arrachement sont probablement d’origine volcanique et pourraient marquer le début de déstabilisation de ce secteur. De tels écroulements catastrophiques liées à l’intrusion du magma dans des flancs pentus sont en effet décrits dans d’autres volcans pour expliquer l’origine de glissements.
…/… Les nombreux reliefs isolés de forme sub-circulaire sont interprétés comme des édifices volcaniques attestant d’une activité magmatique récente sur la pente insulaire. Ces reliefs coniques présentent parfois une forme évasée au sommet, interprétée comme un effondrement du toit de l’intrusion, car la présence de cratères est peu probable à ces profondeurs.

Discussion : À l’inverse des canyons observés sur toute la pente insulaire, les zones de déstabilisation sont préférentiellement situées au Nord-Est et au Sud-Ouest, alors que les «champs» de reliefs volcaniques sont répartis au Nord-Ouest et au Sud-Est.  »

« …/… La partie Sud-Est de l’île se distingue à la fois par la présence de très nombreux édifices volcaniques et par le glissement concave (S3) qui interrompt la morphologie générale convexe de la pente insulaire. Sur Petite-Terre, des maars pyroclastiques et des cônes stromboliens quaternaires à sub-actuels ont percé le récif barrière [7, 27, 32]. La partie Est-Sud-Est de l’île représente donc le domaine le plus actif et le plus récent de Mayotte.
La décompression brutale, marquée par les failles normales au Nord-Ouest et les effondrements au Sud-Est, a probablement participé à la concentration de l’activité éruptive récente dans ces secteurs bien localisés, à terre (dykes etc.) et en mer (essaims d’intrusions), comme cela est observé aux Canaries ou bien sur les flancs du volcan Kilauea à Hawaii [1, 19]… »
 
NOTES tirées du document : 

* Ennoiement progressif du lagon depuis 11600 ans.

* Mayotte s’enfonce en moyenne de 0,19 mm /an… 10.500 ans pour que le centre de Sada (2 m ; d’altitude) soit atteint…

* La partie Ouest du lagon est plus profonde, 60 mètres en moyenne contre 30 à l’Est.