lundi 8 août 2022

Ariège de mes racines (suite & fin).

Le Salat à Saint-Girons en 2020 / wikimedia commons / Auteur Olybrius. 
 

Pour rentrer de l'argent, on travaille parallèlement dans la petite industrie encore épargnée par la concurrence : drap à Lavelanet, papier à Saint-Girons, verre au Mas-d'Azil, clous de la vallée de l'Arget dans des forges catalanes actionnées par les torrents et dévoreuses de charbon de bois. Dans un même but, les Ariégeois rayonnent, depuis leurs montagnes, tant en France qu'en Andorre et en Espagne une première fois pour la fenaison, une deuxième pour la moisson, le décalage climatique leur permettant ensuite d'assurer ces mêmes travaux chez eux. En hiver aussi on descend se louer pour l'entretien des grands domaines, pour les olives... Des hommes travaillent dans les ports, des équipes œuvrent aussi comme forgerons... 

Vers 1850, les montagnes vont connaître un mouvement inverse et commencer à se vider. En plus d'une évolution humaine avec plus d'interdépendances, la fin des petites industries, des printemps pluvieux et des étés pourris provoquent de mauvaises récoltes céréalières et le mildiou détruit la quasi-totalité de celle de pommes de terre. La vie chère, le dénuement, le chômage, la disette provoquent encore des révoltes et les autorités doivent faire donner la troupe. 

La misère et le désespoir amènent l'exode et une baisse de la natalité. En 1854, la situation empire à cause des dégâts du choléra dans une population vivant à l'étroit au fond des vallées. Par la suite, alors qu'une normalisation des conditions rééquilibre les tensions, les Ariégeois continuent de se louer pour les moissons dans les plaines, les Mountagnols offrent leurs bras pour la vendange puis, le reste de l'année, pour les autres travaux nécessaires à la vigne. Dans le bas-pays, le développement du chemin de fer et le bâtiment emploient aussi de nombreux travailleurs. 

C'est aussi l'époque des montreurs d'ours jusqu'en Amérique et des colporteurs jusqu'en Bretagne : pierres à faux, objets de piété, eau de Lourdes, vanille ! 
Esplas-de-Sérou 2011

Esplas-de-Sérou 2011


Après 1886, c'est une véritable hémorragie, l'exode sans retour pour fuir la misère. Les jeunes sont les plus portés à franchir le pas. Mes arrière-grands-parents en étaient, partis de Montagagne, d'Esplas et Sentenac-de-Sérou (canton de La Bastide-de-Sérou), et peut-être même la génération précédente dont les parents d'un arrière-grand-oncle Pierre, né en 1872 (mobilisé à 42 ans en Alsace, blessé en 1915 par un éclat d'obus)... Les articles "Chemin d'école" les ont, ici même, déjà évoqués. 

Montagagne / avril 1968. L'école au second plan ; au fond à gauche, l'église et le cimetière.  



Alors, avec un respect aussi profond que viscéral pour la diversité de mes semblables, qu'on ne vienne pas me stigmatiser pour des pages sombres de l'Histoire, surtout de la part de ceux qui se présentent en tant qu'indigènes et qui, niant une évolution positive bien qu'imparfaite et inachevée, retournent un même racialisme contre des descendants qui n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé. Quant à ces familles de Bordeaux, Nantes, la Rochelle, Saint-Malo etc, si des héritages les lient à la traite d'esclaves, dans quelle mesure peut-on demander réparation ? La question reste entière...     

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