mercredi 27 février 2019

ESPAGNE février 1939 / Les camps de "concentration" français...

En février 1939, près d'un demi-million d'Espagnols (dont une majorité de l'armée républicaine en retraite) doivent passer les Pyrénées. 



Suite à la prise de Barcelone (26 janvier) et malgré la répression qui s'ensuivit (35.000 exécutions), ce n'est que le 27 que nos autorités nationales ont ouvert la frontière, et aux civils seulement, les hommes valides étant systématiquement refoulés (1). 
La valse hésitation qui s'ensuit est symptomatique des tiraillements français, entre élans idéalistes altruistes et replis égoïstes et droitiers. Comme si une armée en débâcle qu'on désarme dès son entrée sur le territoire représentait un danger, comme si d'accueillir des Républicains réputés "rojos" pourrait froisser et fâcher la droite et ceux qui tiennent à dire "monsieur Hitler" (2) mus par une sainte horreur du bolchévisme. 

La France, incapable d'assumer, ferme et rouvre la frontière à deux ou trois reprises avant de finalement regrouper les combattants défaits dans des camps improvisés, comme celui d'Argelès-sur-Mer, sur la plage. 
Du sable seulement, des barbelés et la tramontane glacée de février. 
S'il ne faut pas passer sous silence la compassion, l'accueil solidaire des populations, notamment dans le Sud où la population d'origine espagnole est nombreuse, force est de dire que le regroupement, dans des conditions indignes, des combattants républicains dénote d'un climat xénophobe en France.  La politique de L’État est une politique de défiance, de mise à l'écart avec le désir d'en renvoyer un maximum en Espagne à court terme, et qu'importe que ce soit pour les livrer à Franco ... Parmi les internés, ceux qui ne rejoindront pas la Légion Étrangère seront réquisitionnés pour le travail obligatoire.

Les camps, Argelès, Saint-Cyprien, Le Barcarès, Rivesaltes et plus loin Bram ou Agde pour ne parler que du Languedoc-Roussillon, appelés, entre 1938 et 1946, "centre de séjour surveillé", "centre spécial de rassemblement", "centre de rétention administrative", "camp de concentration"etc. , doivent accueillir des "étrangers indésirables". 
Combien étaient-ils ? Vraisemblablement plus de 200.000 comme le chiffre le journal local "L'Indépendant".

 (Geneviève Dreyfus-Armand parle de 275.000 internés 
https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1994_num_1175_1_2187 ). 

Dans des cahutes de roseaux pour les plus chanceux en attendant les tentes, sinon dans des trous creusés dans le sable, chargés de construire eux-mêmes les baraques des camps, ils sont exposés au froid, à la faim, au manque d'eau, d'hygiène. Victimes d'affaiblissement et d'épidémies ils sont plusieurs dizaines de milliers à succomber durant les premiers mois d'internement.

(1) "... Lors de l’entrée sur le territoire français, les réfugiés sont dépouillés de tout : armes, mais aussi bijoux, argent liquide, etc..." selon la source Wikipedia...    
(2) ces mêmes qui assument avoir déjà lâchement livré la Tchécoslovaquie à l'Allemagne nazie, ceux qui se sont si bien accommodés de la paix de Münich, assurant un bon accueil à Daladier qui aurait alors marmonné "Ah les cons !". Churchill s'adressant à Chamberlain ne s'y était pas trompé "Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre." (1938). 

Photographies de Paul Senn (1901 - 1953) qui a voyagé en Espagne (Valence, Madrid, Barcelone) dans les années 30. Début 1939, il est présent sur la frontière franco-espagnole. Parmi ses photographies conservées au Musée des Beaux Arts de Berne, plus de mille ont été mises à la disposition du Mémorial du Camp de Rivesaltes. A l'occasion de la commémoration des 80 ans de la Retirada, l'exposition y regroupe 150 clichés (de janvier à septembre 2019).

 

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