lundi 5 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (8)

 Mercredi 19 juin 2024 (suite… et fin ?) 

Daniel_Balavoine_sur_TF1_en_1980 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Christian D'AUFIN
 

« … Aimer est plus fort que d’être aimé… », titre et paroles de 1985, Daniel Balavoine (1952-1986). Assurément, le plus fort des sentiments vers l’être aimé passe avant les preuves d’amour en retour. Latente, cette chaleur pour une, un autre qui fait tant partie de soi, s’exprime telle la prose de monsieur Jourdain ; toujours elle rayonne sauf qu’elle brûle si la main approche de trop près. Alors, en retour, quelques signes ponctuels suffisent pour savoir qu’on compte aussi, n’en soyons pas le récepteur avide, carbonisé de l’intérieur par une autolâtrie aberrante… Et puis, il faut savoir en estimer les indices seraient-ils insignifiants… ne pas passer à côté des petits bonheurs qu’il faut savoir apprécier, qui peuvent commencer avec le café du matin alors que la vie peut aller.

Plus haut au volant de sa petite maison roulante entre voiture et camion, bien que dormant, secret, il le ressent ce contentement d’y être arrivé : tous ces kilomètres, l’incursion dans l’aéroport, le fils retrouvé, la nuit, la pluie, tous ces phares agressifs. 


Papa avant tout, pas pépé en dépit de l’âge, c’est pourtant ce poids des ans qui le replonge dans ce temps passé trop vite, ce petit accompagné tous les jours en classe et qu’il allait chercher toujours avec un même bonheur… ce chemin d’école si beau pour cette trop bonne raison et aussi parce qu’une nature exaltante ne savait dépeindre que la beauté tranquille d’une île qui console puis impulse pour continuer…

On dit que l’espèce humaine est la seule à s’occuper si longtemps de sa progéniture… Il n’empêche, bébé il y a trois jours, avant-hier petit garçon, ado hier dès qu’il n’a plus voulu qu’on l’accompagne, aujourd’hui, avec la moustache, veille de s’envoler pour des études lointaines, de partir seul sur le chemin de la vie, il n’y est pour rien si, déstabilisé, son père se doit de retrouver un équilibre positif… 

SergeReggiani-1970-Milan-Italie Domaine public. Author Angelo Deligio, Mondadori via Getty Images
 

À propos de chansons, bien que ce soit dans l’ordre des choses, pour le dire banalement, les paroles de « Ma fille » par Serge Reggiani (1922-2004) répondent bien à cette forte émotion :

« …Mon enfant, mon petit
Bonne route... Bonne route
Sur le chemin de la vie
Nos deux cœurs vont changer de pays. »

« Puisque tu pars » (1988), de Goldman, bien que, sauf erreur, dans une conjoncture de rupture, donne aussi à méditer… Aussi, une cassure autre que le cours “ normal ” de la vie chez Sardou « Mes chers parents je pars… »

Pour réagir, aller au-delà du chagrin, l’idée et la réalisation de ce voyage montrent déjà le bon chemin.   

Florian est à côté, compagnon d’un voyage dont il est aussi tenant qu’aboutissant, il partage, lit les cartes plutôt que le téléphone, reste vigilant sur la forme, la fatigue éventuelle du père au volant, se laisse solliciter pour ces photos de route grise sous un ciel gris vers une promesse au levant sinon d’Europe centrale où les seuls signes de vie sont ces poids-lourds de logistique et subsistance…

Il pleut encore. Der-Chantecoq, le lac, c’est râpé !

Saint-Dizier, un coin de Haute-Marne coincé entre la Marne et la Meuse, mais plus peuplé que Chaumont, la préfecture. La ville est marquée par une longue tradition sidérurgique, fonte d’art (fontaines Wallace), machinisme agricole dès 1924, tracteurs. L’usine Mac Cormick était à Saint-Dizier depuis 1950 ; employant près de 3000 ouvriers, elle est à l’origine d’un des premiers grands ensembles en France, le quartier de Vert-Bois. De cessions en rachats, de Mac Cormick à Case puis Fiat, Yto, leader chinois a racheté l’usine de Saint-Dizier en 1911 pour la fermer en 2020 (le site ne comptait plus que 35 employés [223 au moment du rachat]).

Les groupes Hachette et Driout poursuivent l’activité métallurgique.  

La tour de Miko ne signale plus qu’un complexe de cinémas mais les célèbres glaces sont toujours fabriquées à Saint-Dizier.

Parmi les personnalités liées à la ville, sûrement peu parlant pour les jeunes générations, sa mention ne nous rajeunirait-elle pas, le nom de Bernard Noël (1924-1970) au triste destin, né à Sant-Dizier, le touche… Du temps du noir et blanc (1967), étaient à la télé les épisodes de Vidocq, avec, dans le rôle du bagnard devenu policier, Bernard Noël (le rôle fut repris par Claude Brasseur dans « Les Nouvelles Aventures de Vidocq » [1971]). 

Bernard_Noël under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. (mise en 2016 par Gaspard 7).
 

 Ne pleure-t-on que sur soi quand nous pleurons les autres ?

samedi 3 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (7)

Mercredi 19 juin 2024 (suite)

À parler du climat, ici ce serait le climat océanique “ dégradé ”… un souci de précision pour une palette de nuances qui ne comptent que ponctuelles lorsqu’elles ne relèvent pas des microclimats.

7h 30, il pleut toujours. « Openfields » disaient nos professeurs (1) à propos des paysages et des cultures, du blé, du maïs (moins qu’avant), des betteraves (sauf erreur de localisation, dans le secteur, une des deux usines à sucre Tereos vues en France depuis la route, de cette même multinationale, deuxième groupe sucrier mondial, également implantée en Tchéquie ; la cousine y était secrétaire de direction), de l'élevage laitier (fromage de Brie), du vin (vin de Champagne dont l’appellation multiple compte nombre de terroirs, de cépages, sur plus de cent kilomètres du nord au sud). 

Faux-sur-Coole 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Author Hannes

À noter pour cause d’itinéraire, lui-même ne jurant que par la blanquette de LIMOUX… que Dom Pérignon n’a finalement fait qu’importer le procédé donnant l’effervescence, d’une abbaye bénédictine à l’autre, de celle de Saint-Hilaire dans l’Aude à celle de Saint-Pierre-d’Hautvillers, au sud de la Montagne de Reims, où une poignée de moines tirait le diable par la queue ; en découle l’expression usurpée d’une “ méthode champenoise ” qui n’est qu’audoise. 

Sézanne_panorama, 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Diliff

Remettons la au milieu du village, l’église, visible en 1965 dans la traversée de Sézanne avant le déroutement extérieur (tous ces camions, ce devait être infernal) ; entre ses contreforts, des ouvroirs artisanaux ou échoppes, un peu comme chez lui, autour de l’église Saint-Martin, avant la suppression de ces verrues : un détail peut-être mais une caractéristique confirmant que l’Occitanie est française par force, depuis ce temps où l’occident chrétien se couvrit d’un « blanc manteau d'églises » (2). 

Marne Aéroport_de_Vatry 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Auteur  Antoine  FLEURY-GOBERT

Vitry-le-François. De François Ier à la Deuxième Guerre Mondiale, sa position géographique disputée pâtit alors de la part de tous à tour de rôle, tour à tour amis puis ennemis. Ainsi, lorsque ce n’est pas un candidat archevêque que le roi oppose à celui du pape (ce qui lui valut un interdit et une excommunication), sinon une vulgaire histoire de mariage cassé afin qu’une Pétronille (3) amoureuse, soutenue par sa sœur, la reine Aliénor, puisse “ capter ” le mari, la Champagne se retrouve victime collatérale. 

Louis VII, en 1142, n’hésite pas à laisser brûler 1500 habitants pourtant réfugiés dans l’église ! 

1420, ce sont Jean de Luxembourg et ses alliés anglais qui incendient la ville.

1544, dans le cadre des Guerres d’Italie, Charles Quint et les Anglais brûlent et détruisent la ville… pourtant loin de l’Italie : le pays impacté lors des conflits, donc une occurrence ne datant pas d’hier !

1701, encore un incendie mais accidentel.

1794, les révolutionnaires brûlent l’église Saint-Germain.

Passons sur les famines et émeutes de la faim, la peste, des maux dont nous n’avons plus idée (dans un premier dix-neuvième siècle, le choléra causera néanmoins de nombreuses victimes).

1814, Vitry-le-François se retrouve encerclée par Napoléon qui veut en chasser le tsar, le roi de Prusse et le feldmarschall d’Autriche. Sauf que la prise de Paris par la Sixième Coalition provoque la première abdication du « tyran ».

De 1870 à 1872, la ville est occupée par les Prussiens.

11 septembre 1914, la ville est reprise aux Allemands.

16 mai 1940, bombardé par la Luftwaffe, tout un quartier brûle. Le 13 juin, suite aux bombardements, toute la localité s’embrase (destruction à 80 %)…

… le 27 juin 1944 au soir, les Alliés bombardent (destruction à 93 %).

Ah ! les professeurs d’Histoire et de petite histoire ne serait-ce que par respect pour cette France si exposée aux destructions ennemies… et amies.

15 juin 2008 : 60 voitures brûlées, 9 personnes blessées dont deux pompiers et deux policiers… L’Histoire retiendra-t-elle les violence urbaines à propos de la société française contemporaine ?

Ici, pas de contournement mais une déviation évitant le centre eu égard au gros trafic de camions.

Sa priorité étant d’arriver à Paris et de récupérer son fils, si son itinéraire a été arrêté, le voyage n’a pas été spécialement préparé, ce qui laisse tout le plaisir de refaire le trajet une fois revenu surtout que l’informatique permet une curiosité pratiquement sans limites… Et puis, ce n’est pas un voyage, seulement une migration !          

(1) Ah ! les professeurs aimés d’Histoire et de Géo, qui avaient en eux la flamme du partage ! porteurs de l’étincelle première, passeurs du flambeau, si positifs et formateurs pour enfants et ados à la pousse fragile ! Sûrement ceux dont le nom reste… Rougé, Moncouquiol, Sinsollier, Jalaguier… devant on dit « Monsieur », s’il vous plaît, avec la majuscule (comme pour Histoire, faut pas raconter d’histoire) ; l’allure, l’attitude, les traits du visage restent… Il suffit d’un effort pour que les tons de la voix nous reviennent. Réalise-t-on tout ce que nous devons au courant qu’ils ont su transmettre ? 

(2) Nous devons l’expression à Raoul Glaber (945-1047), un drôle de moine errant, rétif, désobéissant, querelleur, instable, au parler cru et sans détours, parfois manipulateur, souvent peu fiable, souvent expulsé ou que les communautés se renvoient d’abbaye en abbaye. Un frère atypique, de mauvaise réputation mais bon témoin de son temps et chroniqueur apprécié des chroniqueurs de l’an mil.

(3) son copain Papaul de Cugnaux, hélas plus de ce monde, ne lui chantait-il pas « Pétronille tu sens la menthe… », en référence, peut-être, à celle qui vécut voilà près de 900 ans en arrière ?