dimanche 31 mai 2020

DIX ! Tu es limité à dix ! / Livres qu'on aime

Le rapport n'en est que lointain mais je pense au jeu du facteur qui dépose un foulard dans le dos d'un des enfants assis en cercle. Celui-ci devient facteur à son tour, s'il n'a pas été rattrapé et éliminé. Ici, une amie choisie pour chaque jour publier la couverture d'un livre apprécié, m'a désigné pour en faire autant. Si ça vous dit, postez en commentaire et je partagerai...   

Le confinement fermant nos sentiers battus, ce fut une vraie aventure intellectuelle de faire connaissance avec Cendrars Blaise. Une modernité d'écriture avec des phrases à rallonge garnies qui plus est de digressions multiples. Un style qui vous prend d'autant plus au collet quand on ronronne plutôt avec des auteurs moins originaux. Vraiment une "patte" pour celui qui perdit le bras droit à la guerre, un écrivain marquant du siècle passé pour une invitation au voyage unique.


 Pagnol, incontournable, avec ses collines qui sont le pendant de la Clape, la mer aussi, le port, le bateau. Hier, avec Cendrars je bourlinguais d'escales en escales. Aujourd'hui, avec Fanny, c'est un vapeur qui part, emportant Marius. L'idée du bateau qui part est aussi infinie que la ligne d'horizon toujours plus loin. Elle résonne telle une corne de brume qui insiste puisque dans ma famille on part loin, de l'autre côté des mers. 1953, fin mai, expatriés, nous partions pour le Brésil...




Je suis amoureux et je la cherche même si elle est à côté, dans mes rêveries, ou mes balades en solitaire. Nous sommes les protagonistes principaux du Mas Théotime. Un domaine, une campagne que l'on voudrait douce, car dans le Midi. Mais virant à l'amer, trop cuite sous le soleil. Le sentiment au bout des doigts se fend, comme le sol se crevasse. A l'image du nuage noir pour seulement quelques grosses gouttes, des lèvres ne feront que s'effleurer, légères, irréelles. L'amour ne lèvera pas jusqu'à ne plus lever. Point de non-retour. Mais "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans..." 

La fille du métayer est douce et d'une beauté qu'on ne savait voir, elle sait attendre, elle, et la moisson et les vendanges. Renaissance pour la terre et la femme fécondes. 

Puis parce qu'un virus me confine où s'est endormie ma prime jeunesse, j'ouvre le livre en moquant celui que j'étais "Bien sûr que je croyais seulement être amoureux, bêta que j'étais !". Sauf qu'au fil des pages, elles se font plus difficiles à tourner, plus lourdes de tout ce qui revient en mémoire, clair comme l'eau du puits, au mas Théotime. Au seuil d'une histoire qui n'a pas fleuri, je la cherche même si elle est loin... Est-elle vivante au moins ? Son allure, son visage, son sourire sont là, nets dans mes limbes... On n'est pas plus sérieux à soixante-huit ans... 

Je m'en défends, je me veux raisonnable, je me dis que ce n'est qu'une quête "esthétique". Je m'en vois attendri, pastel comme la couverture du Mas Théotime dans le Livre de Poche et d'ailleurs comme les deux qui précédaient dans cet exercice que j'ai accepté sans savoir qu'il m'emporterait.
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?.." demandait Lamartine à propos de tout ce qui compose sa terre natale. Sans lui faire injure, sous une autre enveloppe, concernant un ouvrage qui compte et sans l'ombre d'un doute, oui il "...s'attache à notre âme et la force d'aimer".

samedi 30 mai 2020

PARTIR (2) / Le train, le train-paquebot.

"Le lundi 1er juin 1953.
Bien chers Parents,
Notre voyage à Paris s'est bien effectué. Dès notre arrivée nous avons mis toutes nos valises dans un taxi (5 dessus, 2 dedans) qui, pour 400 francs nous a emmenés à Saint-Lazare où je les ai mises en consigne... " 


Le coupable revenant sur les lieux de son crime, 67 ans plus tard, bien sûr que je veux mieux comprendre et combler, essayer du moins, tant de flou et d'opaque entre quelques jalons plus sûrs...
Ce devait être le mercredi 27 mai, alors pas de changement d'horaire pour le paquebot comme indiqué sur le télégramme. Sommes-nous arrivés gare de Lyon ou à Austerlitz ? Gare de Lyon, c'est le Béziers-Neussargues-Clermont-Paris mais Narbonne a dû être le point de départ... Donc après Toulouse et Limoges une arrivée à Austerlitz ?
400 Francs le taxi soit 9 € actuels (convertisseur pouvoir d'achat Insee), ce qui pour deux adultes, les bagages et un bouchon de 2 ans et quelques mois, semble raisonnable. Mais toutes ces valises (ma mère dit qu'elle a eu la mauvaise idée d'emporter... un édredon ! Il fallait le faire à destination d'un pays tropical) ! 



"... je suis allé au ministère où l'on m'a remis nos billets et où j'ai rempli une fiche pour être remboursé des 10.806 francs de voyage et des 3.463 francs pour la caisse. Les billets pour Cherbourg étaient pour samedi 9h00, en seconde classe (2.938 f pour chacun)..." 

Les détails y sont... 122,50 euros Narbonne Paris, 79 euros pour la caisse. On ne peut pas dire que la SNCF pourtant nationalisée, pratiquait des prix plébéiens ! 34 euros seulement pourtant pour les 350 kilomètres ensuite pour Cherbourg... 

Film de promotion RATP pour le métro à pneus.

"... Vendredi matin je suis allé à la gare de Paris-Austerlitz pour retirer ma caisse et la faire transporter dans un taxi (il a fallu en trouver un avec une large porte arrière) à Paris-Saint-Lazare (350 f, 80 francs de porteur); j'étais ainsi libéré. Il ne manquait plus qu'à voir Monsieur Blancpain secrétaire général de l'Alliance Française... /... samedi réveil à 7 heures, départ au métro à 8h moins le quart. 8h 20 Saint-Lazare. Nos places étaient louées : voiture 7, places 22 et 24. Il s'agissait du train-paquebot de 9 heures. L'affiche indiquait "ALCANTARA". Je suis allé au wagon-restaurant avec le petit. Menu à 900 fr 80 francs pour une bière, soit 1000 francs. C'est vraiment trop cher bien que le repas soit bon : hors-d’œuvre - poisson aux câpres, filet aux champignons - Pommes de terre nouvelles frites -Glace vanille et chocolat avec gâteau feuilleté-Café..." 

Et maman ? 



"... Après Lisieux, Bayeux, Caen, Mortagne, Valognes, ce fut Cherbourg vers 2 heures et demie. Nous n'avions plus à nous occuper des bagages. La douane ne m'a rien ouvert, ce n'a été qu'une formalité. Le commissariat spécial de police a visé nos passeports..."