vendredi 12 janvier 2018

LE CINEMA (fin) / mon village en Languedoc...



Le dessin animé entretient les ardeurs et malheur si à la place, ils passent un documentaire aussitôt hué, conspué parce que trop cérébral, intellectuel ! Par contre, Félix le chat, Mickey, Donald, Pluto, Dingo, Duffy Duck, Tom et Jerry, Bugs Bunny, le petit pic-vert, Droopy déjà cité, Bip-Bip et le coyote, et Speedy Gonzalès sont des copains depuis toujours ! 
 

Le genre de film aussi est familier : les péplums,  les westerns, les opérettes avec Mariano, Dassary, Bourvil, les films de guerre, les épopées de cape et d’épée avec Jean Marais, le cinéma français plus psychologique que d’action  n’étant pas de nos âges. 
 
 Après Cartouche (Ah Belmondo !), dont j’ai raté et le tournage à Pézenas pour cause de vacances scolaires (été 1961) et la dernière rediffusion d’arte, le Capitan était au programme. Quand pour diverses raisons et surtout parce qu’on veut garder ce que l’enfance a de merveilleux, après avoir  hésité tant la crainte d’en ressortir déçu et triste est latente, on regarde pourtant un vieux film, quel plaisir de constater que le réalisme obligé du monde des grands n’a pas entamé la magie des jeunes années ! 
 
Même si bon nombre d’acteurs ne sont plus, la vie l’emporte, les montrant beaux et jeunes, dans un sentiment qui se renforce lorsque l’Internet livre un nom absent pour un visage pourtant si connu. Je veux parler de Guy Delorme (1929 – 2005), ce grand second rôle jouant toujours les méchants, œil vif et barbe pointue, si énergique l’épée en main. Et le nain Piéral (1923 – 2003), et Marcel Pérès (1898 -1974) l’aubergiste attitré, et Paul Préboist (1927 – 1997) en voleur à la tire « coupe-bourse » ! Et Jean Marais (1913 – 1998) en François de Crémazingues de Capestang ! Et Bourvil (1917 – 1970) et la belle italienne de service Elsa Martinelli (1935 – 2017)…
Il nous reste Pierrette Bruno (1928) et Dominique Paturel (1931), « non crédité » pour son apparition dans ce film. Demeure surtout ce pan de la vie au village, bien délitée avec nos localités devenues dortoirs parce que les terrains, les maisons y sont plus abordables. Aujourd’hui la mondialisation déborde jusque dans nos campagnes sans demander la permission ; dans le monde d’alors c’est le village qui s’ouvrait au monde notamment grâce au cinéma. 

Et nos acteurs alors, nos compatriotes ? Le patron, monsieur Balayé, appelé Droopy une fois par la bande du fond, ce qui nous fit bien rire, l'obscurité aidant. Il me faudrait évoquer madame Calavera qui, à l’entracte proposait ses cacahuètes (on disait alors « pistaches ») et des réglisses roulées… Je ne savais pas alors qu'elle vivait avec monsieur Pantazi, de nationalité russe bien que moldave, ancien légionnaire. Il me faudrait citer aussi l’Amicale Laïque, présidée par Louis Robert, le cousin directeur d’école, qui présentait des films le mercredi soir (pas classe alors le jeudi !). Inoubliable « L’Auberge Rouge » avec Fernandel en moine et les congères dues à la Burle d’Ardèche ! Le « Comte de Monte-Cristo » aussi, en deux parties ! Me revient en mémoire pour nous qui n’avions pas comme en ville, le passage de « Connaissance du monde », le film du père Barthe, missionnaire chez les Papous anthropophages, avec cette fleur géante qui sent la viande pourrie dont on croyait avoir retenu le nom de là-bas « tsiriparapara » (Rafflesia arnoldii)… 


Et dire que je n’ai rien dit de Charlot, des Marx Brothers, de Max Linder, de Laurel et Hardy, des   débuts de Louis de Funès, le braconnier Blaireau dans « Ni vu ni connu », de tout ce qui est oublié d’un passé pour le moins formidable qui voyait venir à nous des films dont certains de première catégorie…

jeudi 11 janvier 2018

LE CINEMA (1) / mon village en Languedoc...




Au village, les grands cafés (il ne sont plus que deux dans les années 60) rythment aussi les saisons et les jours. C’est encore plus marqué en fin de semaine avec, du samedi soir au dimanche, les trois séances de cinéma. Le même film qui passe. Hier, parce que c’est tout ce qui me reste de ces années,  j’ai regardé le Capitan sur arte et la magie a joué même si ce n’est que du cinéma... 

Le samedi, jour encore travaillé à l’époque, l’affiche est apposée sur les grandes vitres des deux cafés. Si le journal, très diffusé alors, annonce peut-être le programme, c’est cette image qui dit tout… Rien d’étonnant si les affiches, d’un genre artistique certain, font l’objet de collections (difficile d'en disposer pour illustrer cet article !). Ne dirait-elle rien, cette image, que même pour un nanar, l’essentiel est d’aller au cinéma. Le bouche à oreille a, en effet, bien du mal à assurer la cote d’un film et les acteurs connus le sont parce qu’ils apparaissent sur l’écran. Les autres, le réalisateur, la musique, c’est bon pour les puristes. 

Aller au cinéma, voilà ce qui compte… La vie se passe surtout au village ; en dehors des grandes occasions, les fêtes surtout, on ne va pas souvent en ville. Il y a bien le car comme il y eut le petit train mais la voiture, encore objet de luxe, ne permet pas encore de se déplacer à volonté. 

Qui va au cinéma ? Les jeunes, dont, plus nombreux, ceux déjà versés dans la vie active. L’école n’étant obligatoire que jusqu’à 14 ans, les apprentis sont légion. Les enfants aussi, qui paient moins cher (70 F, le prix d'une flûte de pain...) mais doivent se serrer sur les bancs des premiers rangs, à droite de l’allée centrale. 

Le cinéma ? Le local fait penser à une remise aménagée, grande, peut-être deux cents mètres carrés, avec des poutres massives au-dessus… peut-être aussi que derrière l’écran il doit y avoir une certaine surface, un ancien garage avec,  au-dessus du portail, la réclame Castrol ou Energol sinon Yacco. 
Le cinéma, c’est d’abord une odeur car il a une odeur, comme l’église ou les cafés, un peu de celle de l’école à la rentrée, un mélange poussière mouches desséchées ou plus spéciale encore, indéfinissable, mais à ne pas s'y tromper si elle venait à flotter à nouveau devant le nez… Il y a bien un sas un guichet mais la dame du patron préfère rester dans la salle, spectatrice en même temps. Pour les retardataires, elle allume sa lampe électrique à pile plate. Wonder ou Leclanché ? 


Le cinéma, c’est toute une ambiance derrière les portes battantes. Le technicien qui installe les bobines derrière les lucarnes de la cabine. Les jeunes au fond, encore ados (séance en matinée), qui chahutent et au comble de l’excitation, quand la lumière s’éteint, que l'écran s'allume, que le cliquetis étouffé de la machine s'ébranle, qui font claquer le contreplaqué moulé des assises ! Des chiffres défilent avec des croix, des hachures intercalées comme des coups de fusain de dessinateur pressé. Monsieur Balayé, le patron qui nous gendarme parfois avec son long bambou, doit aller rétablir l’ordre. Nous, les enfants, endimanchés, devant, comme des petits pingouins, on tortille d’impatience sur nos bancs de bois. Le calme revient à peu près avec les actualités fanfaronnantes et cet accent encore très parigot des speakers, comme avant guerre. Ensuite les réclames, la jeune femme en robe vichy, la ceinture large, pour une Renault Ondine ou Caravelle, Jean Mineur, le galibot qui lance son pic dans la cible et fait encore brailler la salle avec "Balzac 001, Fleury" pour ne pas dire "Paris" !  

photos autorisées commons wikimedia : 
1. film Quo Vadis (1951) Author employé(e)s MGM. 
2. réclame Wonder / photo prise en 2013 quelque part en France Author Alf van Beem.