dimanche 14 septembre 2014

Fleury sur le golfe du Lion / DES PALOURDES ET DES CLOVISSES, QUELLE HISTOIRE ! (4).


Quelles sont les descriptions, les notes, les renseignements qui entretiennent la confusion ?

Nous pouvons lire, par exemple, sur  http://www.saveursdethau.com/les-specialites-locales/coquillages.html
« A Sète, la clovisse désigne une palourde de petite taille. On la consomme rarement crue, quoiqu'il soit tout à fait possible de le faire.
On la réserve plus particulièrement aux préparations à base de pâtes.
La palourde, quant à elle, trône toujours au sommet d'un plateau de coquillage digne de ce nom.»

Impardonnable, par contre, cette fiche promotionnelle publiée par http://www.cotebleue.org/palourde.html, parce que « Côte Bleue » est une appellation ancienne sur l’étang de Thau... alors, si la piste des erreurs remonte à la source (1)!
http://www.cotebleue.org/palourde.html
« Très connue également sous le nom de Clovisse, sa coloration est  variable et elle mesure de 6 à 7 cm à l'âge adulte. La Palourde vit enfouie dans le sable jusqu'à 10 cm de profondeur...»

Les références au sens linguistique des mots (semio-linguistique) égarent aussi si elles sont approximatives, ainsi palourde se dirait "clovisse" en « patois » (?). Cela reste d’autant plus flou qu’il ne faut pas oublier la connotation péjorative du mot « patois », surtout lorsqu’il est employé au nom du jacobinisme français dominant au détriment des langues régionales. L’occasion, cependant, de considérer l’apport de l’occitan dans ses déclinaisons provençale et languedocienne.

Ainsi « clausissa », « clauvissa », (du genre masculin en Provence, féminin en Languedoc) : la clovisse, avec l’idée de fermée, close (« clausissa » signifiant aussi « boîte fermable », mais rien sur la palourde ! On pourrait en déduire qu’elle n’existait pas, sauf qu’en français le mot « palourde » date de 1540, sinon 1484, alors que la « clovisse » n’arrive qu’en 1611 !
Toujours sur http://www.panoccitan.org/diccionari.aspx, figure un « arcèli », « coquilha » du genre vénus (« arcèlli » dans le dictionnaire provençal-français « Trésor dòu Felibrige »). Et cet arcéli vient rappeler l’évocation de l’arseilhère, cet engin de pêche utilisé dans l’étang de Thau.  

Dans l’étymologie occitane, http://www.etymologie-occitane.fr/2011/09/arseilhera-2/, (encore un site des plus enrichissants !), nous trouvons une recherche sur l’arseilhera mais qui ne résout rien de notre énigme.

Autant aller directement sur les bords de l’étang de Thau respirer l’iode de la Méditerranée, cela nous changera de l’atmosphère confinée des bibliothèques !

(1) en parlant de source, il en existe une, sous-marine, d’un grand débit, dans l’étang de Thau.



samedi 13 septembre 2014

Fleury sur le Golfe du Lion / CLOVISSES OU PALOURDES ? QUELLE AFFAIRE ! (3).

Et ce ne sont pas les dictionnaires qui nous feront progresser. Le Larousse indique « nom méditerranéen de la palourde », Hachette donne nos coquillages comme synonymes et seul le Quillet mentionne à l’entrée clovisse : « du provençal "clauvisso", coquillage bivalve comestible ». Sur le Quid, si précieux à l’âge "préinternet", la clovisse et la palourde sont classées, mais séparément, dans les lamellibranches ou bivalves. Quant au dico de l’Académie Française, rien d’immortel avec : « appellation méridionale de la palourde » (1986) (cette année, ils en seraient à la lettre « R »). Wikipedia déçoit aussi : « Le nom de la palourde en Provence est la clovisse » (si quelqu’un a le courage d’aller corriger...). Un clic de plus et le lexique provençal de Marius dans lequel, entre parenthèses, ne figure pas le mot carabène que j’aime tant, livre : « coquillage comestible voisin de la palourde de l’océan »... Et pourquoi pas de la Grande Bleue ? Autant ne pas s’égarer sur la piste des définitions.
En mot-clé, « clovisse » nous mène vers quelques centaines de sites et si l’impatience ne nous fait pas abandonner à la deuxième page, quelques portes viennent encore stimuler et nos neurones et nos papilles :

http://saveurs-de-montpellier.jimdo.com/2008/10/17/faire-le-march%C3%A9-%C3%A0-montpellier
(Si agréable à lire que je cite in extenso)
« Aujourd'hui je voulais cuisiner des"clovisses aux épinards" ; une des recettes de Montpellier. C'est au marché dit du "bas" (halles Laissac) que se trouve la meilleure adresse "le Grand Bleu" pêcheur producteur de coquillages.
La patronne est d'ailleurs très sympathique.
Aujourd'hui, pas de clovisses ! On m'explique qu'on n'en trouve pratiquement plus dans nos étangs. L'augmentation de la salinité, de la température de l'eau et ce maudit réchauffement climatique ainsi que - sans doute - la pollution, sont les causes de ce tarissement, en passe de mettre fin à cette fameuse recette.La meilleure saison pour en trouver est de mai à octobre.
La marchande me propose des palourdes pour les remplacer. C'est sûr, c'est encore meilleur. Mais le prix est aussi le double, voire le triple suivant la grosseur de ces belles striées, aux couleurs chamarrées.
J'avais tellement l'eau à la bouche que j'ai pris mes palourdes ».  



                     Palourde / photo autorisée... merci wikipedia !
 
Ainsi, si les clovisses n’y sont plus, elles se trouvaient néanmoins dans les étangs proches de Montpellier. Un article de La Dépêche, en date du 6 juillet 2013, sur une marchande de coquillages de Mèze qui va vendre loin, à Castres,  confirme pour les huîtres dont la consommation s’est démocratisée, et à propos des clovisses disparues :

http://www.ladepeche.fr/article/2013/07/06/1666263-castres-depuis-50-ans-vient-marche-vendre-huitres.html
« ... Il est bien loin le temps où Michel Jacquet, l’époux d’Yvette, pêchait la clovisse, un fruit de mer aujourd’hui disparu, pour revendre sa récolte sauvage localement...»

Néanmoins, notre clovisse a bien existé et ne procède pas d’une vue de l’esprit. Comment se fait-il, alors, qu’on la confonde si souvent avec la palourde ? Ou n’est-elle qu’une variété moins chère du fait de son abondance ?