"... habités par des gens qui regardent Le reste avec mépris du haut de leurs remparts, La race des chauvins, des porteurs de cocardes, Des imbéciles heureux qui sont nés quelque part..." |
"... Maudits soient ces enfants de leur mère-patrie Empalés une fois pour tout's sur leur clocher..." |
"... Qui vous montrent leurs tours..." |
Hola, en quel honneur cette entrée cavalière ? Si, si, je sais, il suffit de remonter dans mes chroniques : les petits oiseaux, le chemin d'école du grand-père, la garrigue, la fête de la Saint-Martin, les vendanges, Saint-Pierre-la-Mer, la plage, l'étang, la rivière... je ne suis que l'imbécile heureux né quelque part, et à y être, le demeuré, le ravi du Midi !
Brassens_TNP_1966 BNF wikimedia commons Author Roger Pic (1920-2001) |
Mon pauvre Georges, en dépit de tout ce que tu as attaqué avec cette chanson, défendre ceux qui sont nés quelque part ce n'est pas plus pour les vanter que pour les montrer, juste pour ce qu'ils sont, ce qu'ils ont en commun... Malheureux ! sinon ils nous ont bien assez envahis comme ça, les gens nés nulle part, ils sont même plus nombreux que nous, nous, les indigènes en minorité... c'est comme ça, on n'a rien contre... ce sont des gens bien, en majorité... Maintenant cela doit-il nous interdire de dire qui nous sommes, d'un terroir, du cru comme tu le dis, avec un passé, une vie à partager, des fondements à rejoindre puisque eux viennent de partout... Ensuite, pour le futur, on verra bien ce que deviendra l'âme du pays, le présent n'a pas la main dessus et de toute façon, cela ne saurait en changer le passé... Au nom de tout ce qui précède, crois-tu que de ton endroit cosmopolite, il était aimable de tous nous traiter de jobards ? Aurait-ce à voir avec ceux qui te collaient aux basques, t'interdisant, célébrité oblige, de flâner à Sète, t'obligeant à chercher refuge dans les cabanes à Lolo, loin, à Balaruc ?
Je savais que je devais t'aganter* un de ces quatre, sans savoir que je tomberais sur toi ce jour. Et dire que je voulais refaire la piste, depuis Saint-Pierre au pied de la garrigue, vers Les-Cabanes, par les sables vaseux de Pissevaches, les sansouires des Terres Salées, là où une pointe d'imagination suffit pour découvrir une vraie petite Camargue avec, vers midi, les découpures dansantes, les prismes colorés déjà cubistes de Cézanne, la silhouette de Mireille ou de Magali qu'un mirage disloque et floute à dessein : l'Arlésienne, toujours présente et jamais là, quatre petites pages d'Alphonse Daudet, pour celles qu'on a aimées, qu'on a cru ou aurait pu aimer, quatre petites pages à vous briser le cœur parce que le souvenir bouleverse, trop vivant, à cause de la pensée qui se refuse à l'amputation d'une parcelle de ce que nous fûmes, évaporée, devenue regret, remords, chagrin ou mélancolie... Tant pis, mon titre, je le garde. Demain, promis, le Cerç aura lavé et le ciel et mon âme. Nous irons, à la rage du soleil.
* agante s.f. dérivé de l'occitan, querelle, chicane, bisbille, dispute, empoignade...
En légende des photos, les paroles de la "Ballade des gens qui sont nés quelque part" G. Brassens.