La Petite Place en 1980. |
Rokycany pourrait n’être que sur la route de Prague et pourtant comme bien des localités, ici sur la voie royale, avec ses dispositions particulières, pour une bonne part liées au fond même de l’âme tchèque, elle a de quoi arrêter le voyageur. Bière, musique, chansons expriment, et c’est heureux, cette âme tchèque sensible à la beauté, à la poésie, baignée d'une culture vivante car populaire ; habituellement elle se cache dans l’énergie au travail et cet état d’esprit à ne jamais laisser s'envoler le temps utile (alliée au système D, à une solidarité de classe résiliente, résistante face à l’arrogance politique de l'ordre ancien puis des apparatchiks du bloc de l'Est, inconditionnels d'un système leur assurant des privilèges).
Le logo, l'insigne, le Pégase tchèque pour les stations d'essence d'État. |
Sortir de
la ville, c'est passer la Klabava, encore un affluent de la Berounka, au lit en dur sans doute afin d'évacuer au plus vite une montée des eaux ; à droite des immeubles d'habitation sans trop d'étages, à taille humaine ; en face, une vieille auberge, historique, réputée pour sa soupe aux tripes sous les voûtes moyenâgeuses ; en limite d'agglomération, la station d’essence est toujours au même endroit bien que d’une
firme actuelle dans le bleu, tranchant avec les rouge et jaune
d’antan datant du collectivisme (encore un signe apparent du temps qui est passé et pas que pour
les autres). Dans un instantané de ce temps enfui passe une Dauphine pastel,
bleue… ils sont six dans une si petite voiture et parce qu’un instant magique
sinon un silence est tombé, quelqu’un a fredonné sans trop se demander si un
chœur allait suivre :
« Do Rokycan, cestičku znám,... » (Pour Rokycany, la petite route, je la
connais). Si les paroles se sont envolées, l’air est là ; alors il cherche
avec les moyens de l’époque, l’Internet bien sûr. Fausse piste ? bonne
pioche ? la recherche affiche « U Rokycan vesničku
znám, » (Vers Rokycan, je connais un village), sur une mélodie semblable, un nombre de pieds équivalent.
Le thème, éternel, du pays natal (sinon de celui qui a accueilli, ouvert ses bras). Rappel d'un bon moment au collège avec Joachim du Bellay « Heureux qui
comme Ulysse a fait un beau voyage […] Et puis est retourné… ». Et ici, celui
qui finalement se retrouve là où la région natale l’appela, le fit naître «
… přece bych nakonec došel tam kde rodný kraj mě zval… », à entendre la musique
il sait qu’il y est. Comme il s’agit d’une chanson, il se doit de retenir une
larme « … slza v oku zaleskne se…». Ne
manque que la chaumière avec la fenêtre d’où maman faisait signe : dans
ces chansons, figurent la mère sinon la fiancée tandis que dans les chansons à boire, hardies
se font les paroles de séduction, à la limite de l'étreinte... Autour de la petite ville, de quel village
parle-t-il, lorsque, marchant depuis la gare de Rokycany, il reconnaît le
clocher de l’église puis les arbres familiers ? « Vidím už kostelní vížku, stromy mě vítají ».
Ultime image avec sa note rustique, et qui revient dans le bonheur de retrouver
les siens ou la fiancée, la fille, la femme aimée, ou parfois, à l’opposé, signe
de rupture quand l’amoureux rend la clé, celle du portail ou portillon du
jardin donnant sur la maison.
Toute
vadrouille dans la campagne, toute traversée de village, entre l’église et l’auberge
ne peut s’empêcher d’aborder ce thème déjà ancien, par certains aspects, universel.
Après Borek (et ses abords de l’étang qu’il serait intéressant de voir à condition de savoir par où accéder), Svojkovice et la descente vers le coin de baignade… (à suivre).
PS : pardon pour les essais très approximatifs de traduction... toute proposition de correction sera positivement reçue...