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mardi 4 septembre 2018

VOYAGE EN TCHÉCO (9) / Du Schwarzwald à la Souabe âpre.



Brigach_(right)_and_Breg_(left)_forming_the_Danube_at_Donaueschingen, Wikimedia Commons, Author Cuestarafael

Sous un bleu éclatant, la Forêt-Noire entretient encore un teint pimpant de montagne. L’air semble plus léger même si l’altitude reste modeste (850 m.). A Löffingen, nous ne sommes plus qu’à 600 mètres environ. Arrêt pour quelques courses, l’eau surtout. Départ à 11h 40. La ligne de partage des eaux est bientôt passée puisqu’un pont franchit le Danube, deuxième fleuve européen, de la Forêt-Noire à la Mer Noire. Mais cette année, la navigation est stoppée en Allemagne et en Autriche et son niveau est bien bas, sous le Pont des chaînes, face au Parlement de Budapest. 
 
Zimmern (Immendingen) 12h 10. L’air est plus lourd comme un temps d’orage mais dans un ciel bleu aveuglant, sans les nuages noirs et chargés. 20,02 l GO à la mauvaise pompe pour poids-lourds… l’embout est trop gros, il en tombe par terre. Mauvais choix (1,299 €/L, 26,01 euros).

Cela devrait ressembler à un Jura Souabe mais ne seraient les maisons d’un autre style, avec la poussière rousse qui suit et monte autour des moissonneuses et des tracteurs, on se croirait plus au sud. Où sont ces nuances de verts avec le gras des foins sur les coteaux, les vergers charnus, ces paysages si bien transmis par les documentaires d’Arte ? Désormais, la campagne apparait blanchie, souffrant plus de la sécheresse persistante que des fortes chaleurs et de la canicule.

Une grande différence néanmoins, les panneaux solaires très présents sur les toitures et même des armées de miroirs voltaïques bien rangés sur de vastes espaces, en campagne. Concernant le nucléaire nos mandarins patentés mettent en avant une indépendance énergétique fragile concernant nos stocks d’uranium alors que nous devons déployer l’armée au Sahel pour garantir la ressource à plus long terme. Le pouvoir jacobin et ses cercles formant l’autorité centripète se doit, pirouette classique, d’allumer alors un contre-feu. De reprocher le recours au charbon outre-Rhin permet de jeter un voile pudique sur le peu de cas qui est fait chez nous des énergies renouvelables.
 
Château Sigmaringen Wikimedia Commons Author Rainer Halama
L’itinéraire s’écarte de la vallée du Danube sans que nous allions contre. Sans doute, ce ciel trop bleu, ce temps trop peu conforme à ce qu’il devrait être. Et puis, ce n’est pas plus mal de ne pas passer à Sigmaringen, enclave extraterritoriale de Pétain et des Vichystes en débandade dont ce putanier de Céline trouvant encore moyen de mettre à profit cette branlée finale pour un bouquin en 1957 ! Alimentaire, mon cher Gallimard ! Confirmation de l’esprit dérangé et déconnecté de Pétain, sa propension à installer un protocole (promenade, réceptions) alors que la nourriture à base de choux rouges et verts donnait la chiasse à son millier de collabos trimbalés dans les fourgons de la Wehrmacht en déroute !  

Erbach aux portes d’Ulm, comme ces localités au N-O d’Ulm, séjour d’Erwin Rommel, le renard du désert, sommé, lui, contrairement aux renégats français trop nazi-compatibles, de mettre fin à ses jours pour avoir été proche des conjurés contre Hitler. N’en déplaise à ceux qui, sur Avox même, confondant vengeance et justice, voudraient tourner une page sans l’avoir lue jusqu’au bout, sans en tirer la substantifique leçon sans laquelle le « plus jamais ça » ne veut plus rien dire. Un point néanmoins mais essentiel, indispensable à mon avis, à savoir que tout humain n’est pas assuré contre l’abjection et que, plutôt que de mettre à l’index un tel ou tel peuple, mieux vaut entretenir la conscience en prévenant de ce qui n’est pas guérissable… De ce point de vue, depuis 60 ans que je passe par l’Allemagne, je vois une communauté d’humains, à laquelle j’appartiens, dans un incubateur planétaire où peuvent fermenter, avant les bonnes si poussives, les plus mauvaises et nocives projections, si promptes et brutales, elles…

Erbach, 14h 20, 270 kilomètres seulement depuis Mulhouse… 55,3 l de GO, 1,259 €/L,  82,61 euros. Citronnelle pète et éructe avant de bien caler sa combustion : certainement les injecteurs ! A programmer avant l’été 2019 si l’État macronien, à moins de faire de nous des hors-la-loi, daigne nous laisser rouler encore un peu plutôt que de nous accabler de doubles peines au carré…   
Ulm 2012.

Ulm 2012.

Ulm, la « cathédrale » dont la flèche est la plus haute du monde. Symbole de racines chrétiennes cannibalisées, en Europe, par un monothéisme plus récent, plus corrosif. Ulm, une cathédrale entre guillemets, appartenant aux protestants : elle semble une coquille vide.

L’autoroute à présent, d’abord pour la pause-déjeuner conclue par un café bien serré, ristreto non espresso mais expresso sans pression, enfin un café italien mais maison, doublement dosé quand même… Cap au nord ; le hasard nous fait doubler la ville de naissance du Generalfeldmarschall Erwin Rommel, qui parlait avec un si fort accent souabe. La Bavière, l’Autriche, traînent, d’après ceux qui croient ne pas en avoir, ce défaut majeur. A plaindre disait Zamacoïs, le poète, à propos de ceux qui croient :

« … Avoir l'accent enfin, c'est, chaque fois qu'on cause,
Parler de son pays en parlant d'autre chose !... »

vendredi 31 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (8) / De la Porte de Bourgogne à la Forêt-Noire.

Roppe. Quitter l’autoroute devenant payante pour vingt-six petits et mesquins kilomètres (ça ne va pas arrêter d'augmenter !). Les vieilles maisons massives avec, à côté, sous un même toit, les gens, les bêtes, la grange, la remise, évoquent l’habitat traditionnel de ces pays car même entre Bourgogne et Alsace, les larges auvents contre la neige parlent aussi du Sundgau, des Vosges, de la Forêt-Noire, du Jura d’un temps où le climat n’était pas tourneboulé comme aujourd’hui. Sauf que le village ne sent plus bon la bouse… M’en veuillez pas pour ces vieilles impressions qui ne veulent pas mourir, avec papa conduisant la Dauphine ou la 403, la tente « Cabanon » sur la galerie ou la caravane « Digue » derrière… La descente en sortant de Besançon, les toitures-capuches des fermes : deux marches vers l'Europe centrale et devant, le grand Est des pays slaves...

Ah, la portion droite de la vieille nationale bordée par les gros et vieux peupliers ! Le pré spongieux au bas de cette côte où nous avions pris une cigogne en photo ! Souvenirs, impressions bucoliques liées à l'agriculture généreuse de l'Alsace, l'opulence des maïs, les branches chargées de prunes et de pommes, la gadoue de pissat et de bren sur le chemin des vaches, la réclame pour la potasse... 
Burnhaupt-le-Haut, Burnhaupt-le-Bas. Des dénominations qui nous rappellent l’oncle Pierre qui, à quarante ans passés s’est retrouvé en première ligne du front de 14-18 dans le Sundgau. 

Mais la fatigue, la monotonie de l’autoroute à nouveau libre accablent. Pas question de rallier le prochain parking à 20 kilomètres : arrêt et nuit au centre de Lutterbach, 12 kilomètres plus loin, devant un mini-city-market d’une enseigne connue et bien française à l’origine, du moins de nom.     

2h du matin. 359 kilomètres parcourus.

Lundi 30 juillet 2018. 8h 30. Mulhouse. La forêt de la Harth avec, au-dessus de l’autoroute, les ponts végétalisés pour le passage du grand gibier. Ils ont le mérite d’avoir fait partie du projet dès l’origine et l’impression reste forte pour un languedocien ne connaissant à l’époque, que le petit gibier (le sanglier était rare alors !) et une ouverture de la chasse sans gestion. Je dis toujours « Chalampé » alors que le poste-frontière d’alors est un peu au-dessus de la jonction autoroutière qui s’achève, côté français avec une limitation à 10 à l’heure ! l’appareil photo n’était pas à portée… Dommage !

Deutschland ! 4ème puissance mondiale et un écart, économiquement parlant, qui se creuse avec une France (7ème) qui se voudrait plus un pays de profits et de dividendes que celui qu’elle fut, d’un peuple solidaire. « Un pognon dingue !» déplore un Macron voulant aplanir et rabaisser les retraites comme  chez Angela natürlich… où de plus en plus d’Allemands sont obligés de travailler pour compenser (montant souvent inférieur aux 1100€ théoriques de retraite moyenne)[1] ! Diantre, on se croirait aux States !  

  https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-retraites-les-laisses-pour-196371  
Freiburger_Münster Wikimedia Commons Author Oberth Permission GFDL-self

Freibourg-in-Brisgau, dont la cathédrale fait harmonieusement pendant à celle de Strasbourg en Alsace, ville verte aux énergies naturelles, se traverse facilement en direction du Titisee puis d’Ulm. 
Du tourisme a minima pour compenser l’impérative migration.   
Hirschsprung Wikimedia commons Author photograph Frank C. Müller Baden-Baden

Hirschsprung Wikimedia commons Author Rauenstein
9h 30 – 10h 20. Petit-déjeuner en bas du Hirschsprung, un classique « saut du cerf » fuyant le chasseur. Comme chez nous, la voie ferrée de service local aurait été abandonnée. A-t-elle eu le même destin que d’autres sur la ligne, rachetées par les municipalités, transformées en charmants restaurants ? 

L’impeccable et doux ruban de la route aboutit entre des croupes boisées coupées par la courbe de niveau des vertes prairies. Çà et là, de grosses fermes abondamment fleuries de géraniums, aujourd’hui cossues mais témoins d’une vie jadis rude où bêtes et gens cohabitaient, où seul le cadet héritait[2]. Sur les cartes postales typiques d’antan, rouges comme les géraniums, les gros pompons des Bollenhut, littéralement « chapeaux à boules » des jeunes filles à marier. Le Schwarzwald ce sont aussi les sources thermales, les coucous qui sonnent les heures, le gâteau gourmand relevé de cerises confites, le jambon sec et, moins connu, le cheval de la Forêt-Noire, un trait de travail en montagne, alezan aux crins lavés comme le Comtois, mais plus petit, moins lourd. 

De trop parler nous fait rater la route du lac Titi « -see » à ne pas confondre avec le « -caca » du Titi des Andes…



[1] Un reportage récent atteste qu’il vaut mieux être retraité en Autriche ou aux Pays-Bas et pour ceux qui croient encore que nous sommes des Français privilégiés, à en croire une étude américaine, nous ne faisons pas partie des 5 meilleurs en Europe (dont la Grèce en première position !) !  
Il n’y a pas que de l’ivraie à la télé mais quand un invité-intervenant a comme justifié le prix élevé des péages chez nous en prétendant qu’en Allemagne, ce sont encore les plaques bétonnées qui usent tant les pneus, pour avoir parcouru près de 800 kilomètres, je ne peux que m’inscrire en faux. Ajoutons que de même les trois dizaines de kilomètres en travaux avec 2,20 m pour la voie la plus étroite sont particulièrement étudiés pour fluidifier au maximum la circulation…     
[2] Les frères et sœurs recevaient l’argent et avaient le droit de rester à la ferme comme domestiques.