Devant
le café Billès, en attendant la nuit, la bande de maraudeurs laisse le chef aussi
autoproclamé qu'élu par acclamation, faire signe de loin aux cerisiers
qui se résignent (un salut aux saltimbanques, Guillaume Apollinaire)... celui de Cossé (José), de Titole, de Ferré ou Léonce sinon du propriétaire antérieur... Un panier de cerises aussi, de Trausse ou Laure, lors d'une visite à l'ami Yves dans le Minervois... Des années après, toujours la magie des burlats rubis, chez Jean-Louis à Ampuis, avec, depuis les terrasses et murets, le Rhône en bas... Plus tard encore ce tableau à Cucugnan qui rappelait trop les cerises de toujours et que je n'aurais pas dû laisser au peintre amateur venu se faire quelques sous...
Après les fleurs, le cerisier reste le pionnier de nos fruitiers, encore du printemps !
Les cerises, une chanson d'amour liée à la promesse des fruits après les fleurs... A seize ans, découvrir "Le temps des cerises" par Nana Mouskouri (1967), alors qu'à la moindre bluette, on se croit réceptif au feu intérieur qui pourrait prendre :
https://www.youtube.com/watch?v=SxokBNWWkA8
"... Les belles auront la folie en tête et les amoureux du soleil au cœur...
... l'on s'en va deux cueillir en rêvant des pendants d'oreilles... pendants de corail qu'on cueille en rêvant..."
Voilà ce qu'elle dit la chanson au début parce qu'après, pour troubler et pas que la midinette, elle se doit d'être pathétique. L'amour heureux, tout le monde le sait, n'a pas d'histoire. Mais s'il "est bien court le temps des cerises..." et "Si vous avez peur des chagrins d'amour, évitez les belles...", comme s'il était possible de décider de ne pas aimer. Sans quoi à vous "les peines cruelles... souffrir un jour... au cœur une plaie ouverte..." pour "le souvenir que je garde au cœur". Pour un engagement que la jeunesse magnifie ? pour une amourette ?
Et un jour parce que le prof d'Histoire plus porté sur le Paris du baron Haussmann et le préfet Poubelle que sur la résistance des Communards, n'a pas approfondi, la lutte pour plus de justice dans la société nous interpelle, la chanson de Jean-Baptiste Clément et Antoine Renard (paroles de 1866 pour le premier, musique de 1868 pour le second) se fait porteuse d'échos autrement âpres.
Regret des jours heureux, d'autant plus heureux qu'ils sont rares pour ceux qui triment, avec du soleil, des petits oiseaux. "... Mais il est bien court le temps des cerises..."
Amoralité de la part des exploiteurs en conséquence d'un libéralisme arbitraire, épreuve de force débouchant sur la "semaine sanglante" : "... Cerises d'amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang...".