vendredi 22 septembre 2023

SUR LES GITANS

Les roulottes, campement de bohémiens 1888 Domaine public Auteur Vincent van Gogh

Jean Proal (1904-1969), écrivain des Alpes-de-Haute-Provence, auteur de romans et d’essais, parle admirablement de ce peuple de la route sinon du vent, dans ses écrits sur la Camargue même si, depuis cinquante ans, sur le plan administratif, le traitement indigne des nomades et vagabonds qu’il dénonce avec justesse, infligé par notre société sédentaire, a finalement évolué. 

Campement_de_bohémiens_en_Camargue scan de carte postale Domaine Public Auteur éd. P. Ruat Marseille

Suspects, soumis aux devoirs, aux contraintes, sans droits, sans carte d’identité, fichés tels des criminels (empreintes digitales, photos de face et de profil), à partir de 1912, les ambulants et nomades de treize ans et plus devaient présenter un carnet anthropométrique où tous leurs déplacements ou leur présence étaient consignés. Tous les jours, le maire, un adjoint sinon le garde-champêtre devaitt le signer pour chaque individu de même qu’un carnet collectif mentionnant tous les membres du groupe. 

Abrogée en 1969, cette disposition concernant “ les gens du voyage ” et non plus “ les nomades ” a été remplacée par le livret de circulation concernant les personnes de plus de seize ans sans domicile fixe depuis six mois au moins. Ce livret, ne permettant pas, notamment, de passer les frontières, a été tardivement supprimé (janvier 2017).

En suivant l’écrivain de Seyne-les-Alpes, nous devons reconnaître que le monde gitan nous reste fermé. Ils seraient partis du nord de l’Inde, arrivés en Europe par, d’un côté, la Turquie, de l’autre, l’Afrique du Nord et l’Espagne. En dehors de cette origine admise communément, la disparité de ce monde échappe, un fait que traduit la cohorte de noms suivant la particularité, la langue, la localisation, ou qu’on leur colle : Gitan, Kalé, Baringrè, Yéniche, Tsigane, Rom, Romanichel, Manouche, Sinté, Bohémien, Caraque, Gypsie, Zingaro, Doms... L’activité traditionnelle les distingue aussi : si les Gitans peuvent être maquignons, vendeurs de dentelles et tissus, les Roms sont forgerons, ferrailleurs, chaudronniers, étameurs, les Manouches musiciens, vanniers, les Sintis montreurs d’animaux, les Kalés potiers, il est impossible de préciser qui sont les “ Bohémiennes ” diseuses de bonne aventure...   

Grand_Gala_du_Disque 1968 Flamengogitarist_Manitas_de_Plata,_Bestanddeelnr National Archiev Commons license Author Ron Kroon, Anefo

On les disait voleurs d’enfants, souvent, non sans raison, on les dit chapardeurs, voleurs de poules, de fruits, bagarreurs, paresseux, menteurs, sans parole, sans reconnaissance, communautaristes, abusant des gadjés, seraient-ils leurs “ amis ”. Qu’est-ce qui en cela relève d’un mécanisme de défense contre ceux qui, même de bonne intention, voudraient les assimiler ? Il n’empêche que plus de confort, plus de besoins, seraient-ils superflus, les rapproche des modes de vie modernes dont la sédentarisation, tout comme, dans un même ordre d’idées, pour réussir, devenir riches, des artistes tels Django Reinhardt, Manitas de Plata, les Gypsies Kings, les Bouglione, Kendji Girac, qui se sont exposés hors de leurs communautés.

Réaliste, Jean Proal a l’honnêteté de relever le positif de leur organisation communautaire régie par des règles strictes : le sens de la famille, le respect dû aux anciens, l’amour des enfants. Avec le pèlerinage pour Sara, la servante des saintes Maries, l’écrivain clôt son propos en citant les vers de Lanza del Vasto (1901-1981) :

 « J'ai ma maison dans le vent sans mémoire,
J'ai mon savoir dans les livres du vent... »   
Le Chiffre des Choses / 1942.  

Tout a vite été bouleversé... j’ai vu encore, au début des années 60, au village, sur la place du Ramonétage, une ou deux roulottes et les chevaux étiques d’un pauvre cirque de passage. À présent, si nous croisons un convoi de caravanes luxueuses tirées par de belles voitures ou des fourgons, on continue à prendre ses distances à l’idée qu’ils vont envahir un terrain communal, en détourner l’eau, l’électricité, le laisser souillé, tout cela pour un évangélisme radical à l’aspect sectaire... 

Grand_Gala_du_Disque 1968 Flamengogitarist_Manitas_de_Plata,_Bestanddeelnr National Archiev Commons license Author Ron Kroon, Anefo


mardi 19 septembre 2023

Du RIZ bio (fin).

Canetons_(Canards_Mulards),_élevés_en_semi_liberté 2012 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Ethique & Animaux L214

« Aux innocents les mains pleines... » qu’il nous dit, le riziculteur «... En 2011, j’ai essayé avec 300 canards, sur 3 hectares, ça fait 100 pour 10.000 m2, autre chose que l’élevage des barbarie, pour le même nombre, sur 15 m2 à peine... 

Bien sûr, ils m’ont pris pour un fada... les étrangers nous cataloguent vite... ils disent qu’entre le Mistral violent, le soleil brûlant, le goût du sel, ce n’est pas notre faute... ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’un fada est avant tout habité par les fées... 

Alors, ces canards... faut bien calculer, les faire coïncider, canetons, avec la sortie des mauvaises herbes qu’ils adorent... Ils ne touchent pas au riz, coriace à leur goût : il contient de la silice... Ils sont grégaires, vivent ensemble... Je les lâche dans un périmètre protégé ; pour dissuader le renard, rien de tel, sur la clôture, qu’un petit poste radio, à intervalles... France-Culture, toute la nuit, ils arrêtent pas de parler et le goupil il se dit « Y a un type là-bas, j’y vais pas ! ». 

Pour ne pas qu’il s’éloigne, goulu et gourmand comme il est, ce canard, il suffit de lui mettre une mangeoire pour la provende, toujours à la même place... 

Que voulez-vous, en prime, on est loin de l’élevage industriel qui élimine les femelles, pour le foie gras, responsable, qui plus est, des grippes aviaires : là elles sont dans le riz. C’est le bio contre le chimique, de patauger oxygène la submersion, les déjections forment un bon engrais et en fin de cycle, je vends une partie du troupeau, des canards de qualité, ce n’est pas négligeable. » 

Bande_de_canards_dans_les_rizières_(Ubud)_-_panoramio 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Eric Bajart

Qu’est-ce qu’il nous dit encore Bernard Poujol ? Que “ l’oikos logos ” l’écologie au sens premier, le fait de parler de la maison commune, distingue le statut de travailleur de la terre, accapareur, encouragé par Bolsonaro par exemple, s’opposant à la position historique pourtant émanant de peuples premiers, néanmoins moquée, de serviteur d’une terre qui nous fait vivre depuis toujours et que nous ne pouvons que transmettre.

Bernard Poujol a partagé son expérience avec au moins le riziculteur de Sainte-Cécile non loin de la roubine de la Triquette, à qui il a transmis sa pratique.  Ils ne vendent qu'au mas sinon localement, surtout pas aux mastodontes des “ grandes surfaces ” tels ces honteux propriétaires de l’enseigne Carrefour, riches à en péter, bêtes à se pavaner, à Rome, tous habillés de blanc, tels les adeptes d’une secte grotesque du fric à millions (1).

Notes : 1. Liés à la présence des pesticides dans les poissons, des produits interdits néanmoins utilisés (comme par certains viticulteurs), des herbicides répandus par hélicoptère sans tenir compte du temps, des vents... ne parlons pas de l’eutrophisation des milieux à cause des engrais. 

un exemple de riz rond

2. Jusqu’en 1980, la Camargue produisait plus de riz rond. Depuis ils se sont adaptés à la demande de riz long. Tant pis pour les amateurs de paella obligés de se rabattre sur la “ bomba ” d’Espagne (ma dernière, entre nous, date d’avant-hier, samedi 16 septembre 2023). 

3. Et qu’est-ce qu’il fout l’ambassadeur ? N’est-il pas en place pour espionner et copier ? Il faut le voyage et l’observation d’un particulier pour s’initier à une pratique agricole vertueuse ? Ou les grands groupes de la chimie ont-ils fait obstruction pour continuer à fourguer des produits nocifs ? Et les Japonais, se sont-ils gênés, à l’époque, pour copier l’optique allemande ?

(1) Attention, la tirade sur Carrefour, c’est de moi, pas de Poujol ! (source Envoyé Spécial sept. 2023).