Nous voici donc au dessert, quand le chocolat du gâteau colle à la cuillère et qu’on entendrait presque la blanquette pétiller de ses perles dans les verres, car chez nous, pas plus de goinfre que de goulu, à l’heure où l’artiste du jour se lève et commence à jongler avec le provençal de Mistral et sa traduction en français :
L'èrbeto dei frisons.
Mirèlha, escota: dins lo Ròse,
Disiá lo fiu de Mèste Ambròse,
I a 'na èrba, que nomam l'erbeto dei frisons;
A dòs floretas, separadas
Bèn sus dòs plantas, e retiradas
Au fons deis ondas enfresqueiradas.
Mai quand vèn de l'amor pèr élei la seson,
Una dei flors, tota soleta,
Monta sus l'aiga risoleta,
E laissa, au bòn solèu, espandir son boton;
Mai, de la vèire tan polida,
I a l'autra flor qu'es trefolida,
E la veses, d'amor emplida,
Que nada tant que pòu pèr ié faire un poton.
E, tant que pòu, se desfrisona
De l'embuscum que l'empresona,
D'aquí, paureta! que rompe son pecolet.
E libra enfin, mai mortinèla,
De sei boquetas pallinèlas
Frusta sa sòrre blanquinèla...
Un poton, puèi ma mòrt, Mirèlha!... e siam solets!
Mirèio. Chant V.
L’herbette aux boucles.
« Mireille, écoute : dans le Rhône,
Disait le fils de Maître Ambroise,
Est une herbe que nous nommons l’herbette aux boucles ;
Elle a deux fleurs, bien séparées
Sur deux plantes, et retirées
Au fond des fraîches ondes.
Mais quand vient pour elles la saison de l’amour,
L’une des fleurs, toute seule,
Monte sur l’eau rieuse,
Et laisse, au bon soleil, épanouir son bouton ;
Mais la voyant si belle,
L’autre fleur tressaille,
Et la voilà, pleine d’amour,
Qui nage tant qu’elle peut pour lui faire un baiser.
Et tant qu’elle peut, elle déroule ses boucles
(Hors) de l’algue qui l’emprisonne,
Jusqu’à tant, pauvrette ! qu’elle rompe son pédoncule ;
Et libre enfin mais mourante,
De ses lèvres pâlies
Elle effleure sa blanche soeur...
Un baiser, puis ma mort, Mireille !... et nous sommes seuls ! »
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
samedi 11 octobre 2014
lundi 6 octobre 2014
Fleury d'Aude en Languedoc / O SOLE MIO...
Vendredi, il ne fallait pas
rater Thalassa... même si ce n'est plus la musique d'origine, même si trop
souvent les sujets ont un rapport plus ou moins distant avec la mer. Cette
fois, pas question de louper Sète et l’Étang de Thau, surtout que nous en
parlions voici peu.
La Lagune, le
bassin de Thau, peu importe comment on le nomme, se dévoile avec ce pêcheur de
Bouzigues qui rapporte des palourdes, des escargots pointus, des oursins, sans
trop plonger au même endroit de peur de signaler ses coins. "E hisso
!" comme il le dit lui-même ! Plus loin, il nous promène au rocher de
Roquerols, celui des "Copains
d'abord" "dans la grand mare des canards", chers à l'ami Georges.
La pêche encore avec Robert,
natif de la Pointe
Courte (Sète), qui affole les dorades autour des tables à
naissain. Il évoque son grand-père qui l'emmenait en nacelle ; il parle des
barques jadis nombreuses à manier l'arseilhère...
Mais l’Étang vit aussi avec
son siècle et s'il eut, comme Brassens, mauvaise réputation, c'est du passé
depuis que les sirènes veillent : oui, ces balises, ces bouées partout sur
le bassin, les ruisseaux qui affluent, les canaux, dotées de capteurs, prêtes à
détecter la moindre pollution. Les conchyliculteurs peuvent immerger leurs cordes. Est-ce pour
cela que la maison Tarbouriech a su élever une huître d'exception exportée
désormais en Chine, en Russie, en Thaïlande ? (1)
Avec Sète, "L'Île
singulière" de Valéry encore surnommée la "Venise
languedocienne" (2), le Pérignanais que je reste ne pouvait que vibrer en
entendant parler des lamparos, des catalanes du thon rouge et des poissons bleus, des baraquettes du
Mont-Saint-Clair, du temps des dimanches à la bonne franquette.
Sète où les vieux loups de
mer ravaudent encore les filets en chantant le bel canto parce qu'ils n'ont pas
oublié Cetara, la cité-mère, au sud de l'Italie. Dans les entrailles du
Théâtre de la Mer,
d'ailleurs, un peu comme là-bas, des grottes marines se visitent en barque.
Et puis, au levant, cette
Méditerranée qui est la nôtre, aux couleurs reconnaissables entre toutes, sous
son soleil à part...
Aussi, quand j'ai vu ce New-yorkais qui gobait des huîtres dans un restaurant du lido en disant
"Magnifique", je me suis instinctivement demandé ce que je fais moi,
si loin...
(1) et dire que sur la
pression des États-uniens qui ne l'autorisent pas chez eux (rien d'étonnant
quand on sait le sagan qu'ils font pour le Roquefort !), ce coquillage doit
être interdit aujourd'hui en Russie !
(2) Martigues, entre l’Étang de Berre et la mer, connue en tant que "Venise provençale" si chère à Vincent Scotto...
(2) Martigues, entre l’Étang de Berre et la mer, connue en tant que "Venise provençale" si chère à Vincent Scotto...
http://www.france3.fr/emissions/thalassa/diffusions/03-10-2014_260591
Photos autorisées : merci Wikimedia, merci flickr.
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