jeudi 28 août 2025

Carte Postale de Mayotte 2.

 Chiconi, le 16 avril 1998. 

... Ai trouvé des aubergines à 20 F/kg ; exceptée la courge 15 jours en arrière, plus de légumes au menu... Temps à l'orage, cumulus et averse mais brève... un copieux et goûteux pilao accompagné d'une salade de tomates et d'un ramequin de petits oignons malgaches en sauce, au restaurant « Mimosa », en haut du marché, 20 F. 

Le soir, festin chez les Piersanti : cari de mérou riz, fleur de banane en sauce blanche, pois du cap, glace maison vanille-passion-mangue... salade de fruits et gâteau à la cannelle... Ouf ! 

Vendredi 17 : René est venu fumer des filets de carangue. 

Caranx latus under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Author Albert kok. Dès la sortie de la baie, sur le premier récif immergé, la touche n'était pas rare alors pour une carangue de quelques kilos... 

Stan vient d'arriver avec le détachement envoyé à Mayotte ; il décharge l'avion ; une majorité du groupe est partie en camion pour la caserne et moi j'attends, les doigts écartés sur les mailles du grillage. Une paire de retraités ne se lasse pas de bader les soldats. Blues des années d'active, l'un d'eux est assis sur son scooter, moderne, rouge pétard métallisé. L'engin japonais s'associant à la nostalgie de l'armée française. C'est surréaliste dirait J.F.K. (1). Les deux premières colonnes s'élancent au pas de gymnastique jusqu'à passer au niveau du Transall vert ; Stan et une douzaine de corvéables déchargent ou échappent à la manœuvre ; les colonnes rejoignent les camions stationnés de mon côté du grillage : 

À l'ordre « Comptez-vous ! » chaque homme de troupe égrène son quantième « Un, deux, trois... ». Mon attention s'est relâchée quand un quart-d'heure plus tard, mon aîné me surprend au volant d'un gros camion à hauts pneus. Décidément, c'est encore lui qui m'avait à l'œil ! Quelques bérets verts, foulard rouge à l'épaulette assurent le transport et canalisent la circulation. Deux artilleurs ne savent que faire des bouteilles de blanc madérisé qui embarrassent leurs mains. Un légionnaire compatissant leur indique l'aéroclub où ils pourront vider... ce n'est pas du muscat de St-Jean, certains ne peuvent se retenir de pisser lors d'un vol de 3 heures... 

Transall_C-160 meeting aérien Avord 2004 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Cjp24. 

Stan a garé son “ gros cul ” et un sergent courtaud, écrevisse, avenant en diable vient me serrer la pogne : 

« Alors, vous êtes son père ? 

— Oui, mais je comprends que l'armée soit une seconde famille. » Que dire ? 

De l'aéroport, en repensant un instant à tonton Jenda de l'armée tchécoslovaque qui s'était permis et avait eu des ennuis pour avoir pris en camion, sur neuf kilomètres, la sœur qu'il n'avait vue de sept années... (à suivre)

(1) notre JFK à nous, Jean-François Knecht (1957 - 2007), un pur de la politique, ne parlant jamais de son “ activisme ”, contre toutes les corruptions et par la suite opposant à Jacques Peyrat, maire de Nice, décédé prématurément, le cœur...   

 

mercredi 27 août 2025

Carte Postale de Mayotte 1.

 

Mayotte. Avril 1998. Visite d'un fils à son père : 

« ... Côté balade, nous avons parcouru la côte nord sous un ciel mi-couvert qui rendait la température plus supportable. “ Tahiti-plage ” (Mtsanga Mtsanyouni pour rester local) nous a fait son coup de charme au soleil couchant. Un samedi, alors que je le croyais de permanence, mon fils a appelé de N'Gouja, la plage aux baobabs et tortues. Il y avait passé l'après-midi avec deux copains suite à un trajet bon enfant en taxi-brousse. J'ai retrouvé Stan, ses collègues David et Christophe, devant une THB. au bar. Petit partage de mots shimaorés pour militaires intéressés sauf que le cours a tourné court : ravissante, la serveuse a inspiré des compliments bien sentis de la part de nos gaillards pavanant dans une surenchère de rires joviaux et sourires enjoués. Mention Bien pour les trois, TB pour la jeune femme même si le mérite en revient à une jeunesse d'insouciance et de joie de vivre... C'est alors que Monsieur le Préfet et Madame ont débouché pour prendre place au restaurant, venant certainement d'un des bungalows cachés sous les cocotiers. Je ne m'y attendais pas mais avec le recul en y repensant, sans que cela soit une promiscuité, la petitesse de l'île favorise une proximité entre « ressortissants » comme disent les autorités non sans une maladresse indécente. N'Gouja reste un lieu où il est de bon ton de montrer une aisance de circonstance, sa tenue “ petit blanc ” relax sans être négligée. 

Ngouja_Beach_(Mayotte) 2016 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license. Author VillageHero from Ulm Germany

 Dans la chaleur de la nuit, les corps passablement dénudés de nos trois garçons dénotaient même si elles n'avaient rien de provocant. Que ne pardonnerait-on pas au jeune adulte que chaque homme fut à son heure ? Moi, j'étais moins pardonnable, non pour le tee-shirt comme M. le Préfet mais pour mon bermuda de baroudeur déparant la soirée tropicale feutrée. Sentiment dégrisant de la jeunesse évanouie bien que palpitante encore d'autant plus à cause de cette complicité avec la génération montante. 

« ... Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse, 
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, 
De ta jeunesse ? »

Être ? avoir été ? regrets ? remords ? Personne n'accepte de gaieté de cœur que vieillir est la seule façon de ne pas mourir. Jeunesse récurrente. Platitude. Quoique sans être écorché vif, qui n'a pas subi un trouble intime, une égratignure, un coup de griffe dans sa mémoire sentimentale, charnelle, toujours lancinants ? 
Il ne nous restait plus qu'à quitter ce lieu de détente tropicale, à pas lents et mesurés, plus lourds, me concernant. 
Dimanche de Pâques : avons parcouru la RN1 Mamoudzou Dzoumogné avec un arrêt à Longoni. le déchargement du cargo M.S.C. Sandra allait bon train. Un mois en arrière, le Mermoz avec Jean-Louis Chrétien, Yves Coppens, faisait escale à l'occasion de la croisière des explorateurs. 

Les barges se sont croisées. Ici vers Grande-Terre.

Vendredi de cette semaine, Stani n'était pas à la barge de 20 h 15 : je m'en suis retourné, gros Jean comme devant ; cabossée, sinueuse, la route du col d'Ongojou ne m'en a paru que plus longue. Cela fait bien une paire de fois. Ah ! les enfants, la jeunesse, tout est pardonné dès qu'on les retrouve. S'il appelle qu'il barge ou va barger, nous nous retrouvons au bar du 5/5, là où Georges Bouscasse nous régalait de ses imparfaits du subjonctif. Stan bénéficie d'une longue permission avant le départ aux Glorieuses, le 14 ; je me suis aussitôt désisté pour la partie de pêche au banc du Geyser programmée par Renato revenu nous voir jusqu'à début mai. 
Que nos épisodes mahorais vous trouvent en bonne santé, 
gros poutous, JF.