mardi 19 septembre 2023

Du RIZ bio (fin).

Canetons_(Canards_Mulards),_élevés_en_semi_liberté 2012 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Ethique & Animaux L214

« Aux innocents les mains pleines... » qu’il nous dit, le riziculteur «... En 2011, j’ai essayé avec 300 canards, sur 3 hectares, ça fait 100 pour 10.000 m2, autre chose que l’élevage des barbarie, pour le même nombre, sur 15 m2 à peine... 

Bien sûr, ils m’ont pris pour un fada... les étrangers nous cataloguent vite... ils disent qu’entre le Mistral violent, le soleil brûlant, le goût du sel, ce n’est pas notre faute... ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’un fada est avant tout habité par les fées... 

Alors, ces canards... faut bien calculer, les faire coïncider, canetons, avec la sortie des mauvaises herbes qu’ils adorent... Ils ne touchent pas au riz, coriace à leur goût : il contient de la silice... Ils sont grégaires, vivent ensemble... Je les lâche dans un périmètre protégé ; pour dissuader le renard, rien de tel, sur la clôture, qu’un petit poste radio, à intervalles... France-Culture, toute la nuit, ils arrêtent pas de parler et le goupil il se dit « Y a un type là-bas, j’y vais pas ! ». 

Pour ne pas qu’il s’éloigne, goulu et gourmand comme il est, ce canard, il suffit de lui mettre une mangeoire pour la provende, toujours à la même place... 

Que voulez-vous, en prime, on est loin de l’élevage industriel qui élimine les femelles, pour le foie gras, responsable, qui plus est, des grippes aviaires : là elles sont dans le riz. C’est le bio contre le chimique, de patauger oxygène la submersion, les déjections forment un bon engrais et en fin de cycle, je vends une partie du troupeau, des canards de qualité, ce n’est pas négligeable. » 

Bande_de_canards_dans_les_rizières_(Ubud)_-_panoramio 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Eric Bajart

Qu’est-ce qu’il nous dit encore Bernard Poujol ? Que “ l’oikos logos ” l’écologie au sens premier, le fait de parler de la maison commune, distingue le statut de travailleur de la terre, accapareur, encouragé par Bolsonaro par exemple, s’opposant à la position historique pourtant émanant de peuples premiers, néanmoins moquée, de serviteur d’une terre qui nous fait vivre depuis toujours et que nous ne pouvons que transmettre.

Bernard Poujol a partagé son expérience avec au moins le riziculteur de Sainte-Cécile non loin de la roubine de la Triquette, à qui il a transmis sa pratique.  Ils ne vendent qu'au mas sinon localement, surtout pas aux mastodontes des “ grandes surfaces ” tels ces honteux propriétaires de l’enseigne Carrefour, riches à en péter, bêtes à se pavaner, à Rome, tous habillés de blanc, tels les adeptes d’une secte grotesque du fric à millions (1).

Notes : 1. Liés à la présence des pesticides dans les poissons, des produits interdits néanmoins utilisés (comme par certains viticulteurs), des herbicides répandus par hélicoptère sans tenir compte du temps, des vents... ne parlons pas de l’eutrophisation des milieux à cause des engrais. 

un exemple de riz rond

2. Jusqu’en 1980, la Camargue produisait plus de riz rond. Depuis ils se sont adaptés à la demande de riz long. Tant pis pour les amateurs de paella obligés de se rabattre sur la “ bomba ” d’Espagne (ma dernière, entre nous, date d’avant-hier, samedi 16 septembre 2023). 

3. Et qu’est-ce qu’il fout l’ambassadeur ? N’est-il pas en place pour espionner et copier ? Il faut le voyage et l’observation d’un particulier pour s’initier à une pratique agricole vertueuse ? Ou les grands groupes de la chimie ont-ils fait obstruction pour continuer à fourguer des produits nocifs ? Et les Japonais, se sont-ils gênés, à l’époque, pour copier l’optique allemande ?

(1) Attention, la tirade sur Carrefour, c’est de moi, pas de Poujol ! (source Envoyé Spécial sept. 2023).

lundi 18 septembre 2023

Du RIZ bio (1).

 De la Haute Camargue cultivée, fluvio-lacustre, recevant, par les roubines, les martelières (1), toute l’eau du Rhône nécessaire, résidus d’engrais et de pesticides descendent en aval jusque dans le Vaccarès. D’une longévité pouvant atteindre trente ans, les flamants méritent pourtant plus d’égards. En ce sens une initiative d’agriculture écologique promet pour l’avenir.

Au moins deux agriculteurs la promeuvent ; ils sont passés au riz 100 % biologique grâce à un petit ouvrier désherbeur capable de contrer la croissance opiniâtre de la panisse et du triangle, des adventices sauvages qui harcèlent et rudoient le riz domestique (2). 

Riso_Amaro 1949 Domaine Public Author Giuseppe De Santis, Otello Martelli. Uploaded by User Pizzaebirra2008 om Italian wikipedia.

“ Un petit ouvrier désherbeur ” ? Nous sommes loin de « Riz Amer » (1949) de ce cinéma italien aimé à jamais, depuis, avec Vittorio Gassman, le short moulant, la poitrine arrogante de Silvana Mangano (1930-1989) surtout... Dans la vallée du Pô si vite descendu dans sa plaine, c’étaient alors les mondines, ces saisonnières du riz jusqu’aux plus basses classes, plus exploitées, faisant tomber au plus bas le salaire (un des thèmes du film) : elles éliminaient à la main les mauvaises herbes, émondaient les rizières. Mais cette première moitié du XXe siècle est si loin, quoique, relativement loin seulement, pour ceux de mon âge, le temps d’une vie passant si vite... Et ces “ petits ouvriers ” ne sont pas non plus de cette main-d’œuvre immigrée venue d’Espagne ou d’Italie. 

Récolte_du_riz_en_Camargue 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license Auteur Bérichard

Tel que nous le présente, non sans malice, Bernard Poujol, le “ petit ouvrier désherbeur ”, n’a rien à voir déjà avec  les moissonneuses à chenilles, les roues “ squelettes ” des tracteurs. Ouf ! C’est d’autant plus rassurant que pour la taille des exploitations, les rapports avec l’argent de l’Europe, cette Camargue du riz fait plutôt penser à la Beauce qu’à la petite production du terroir, le peu de présence humaine aidant à ce qu’il n’y ait pas d’association pour contester la façon de conduire les cultures.

Ce “ petit ouvrier désherbeur ” nous vient du Japon, du moins l’idée. Passant avec le train, le fils de Bernard qui l’a vu à l’œuvre, s’est renseigné avant d’en parler à son père : dans les rizières nippones, ce sont des canards qui enlèvent les mauvaises herbes, l’heteranthéra plus particulièrement. 

(1) Les vannes, “ martelhières ” on dit à Fleury, en languedocien francisé. 

(2) La “ panisse ”, panic des marais dit aussi “ pied-de-coq ”, “ patte-de-poule ”, infeste les rizières. Elle absorbe 80 % de l’azote, abrite des virus mosaïque, accumule des nitrates dangereux pour les animaux. Seul l’émondage des mondines permettait d’en limiter les méfaits dans la plaine du Pô (voir “ Mon cinéma italien ” / Un Messager qui surgit hors de la Nuit 2). Le triangle est une variété de scirpes.

Camargue_brulis_chaume_rizière 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Ddeveze