jeudi 16 octobre 2014

La France en danger / LA FRANCE RANCE DES GALLIMARD


LA FRANCE RANCE DES GALLIMARD (I) LES PROFITEURS DE GUERRES

                    La poignée de main de Montoire (oct 1940).

A l’occasion du centenaire de la mort de Frédéric Mistral, impressionné par la notoriété surfaite de la collection "la Pléiade", un provincial trop candide eut l’idée inconvenante de solliciter Gallimard, ce patricien de l’édition. L’affaire en serait restée là, en 2011 si la "grande maison" n’avait pas daigné répondre. Étonnant, surprenant même sauf que l’éditeur de renom en rajoute en mesquinerie et mépris, tel l’aristocrate tapotant la joue du paysan et donnant du « mon brave » :

« Oh, vous savez, pour préparer une publication dans La Pleiade, il faut au moins quatre ans ! Eh puis vous savez Frédéric Mistral, à l’heure d’aujourd’hui, n’a plus la renommée d’autrefois ; les œuvres de Mistral ne sont plus dans le goût actuel, elles sont trop attachées à un terroir et puis, vous savez, la valeur littéraire des œuvres de Frédéric Mistral sont trop rances, un peu exagérées. Aussi, à l’heure d’aujourd’hui, il n’est pas certain que l’œuvre de Mistral intéresse beaucoup de gens dans le monde ! »

« Ah qu’en termes galants, ces choses-là sont mises ! ». A quoi bon se rabaisser à démontrer que ce jugement de valeur n’engage que son auteur ? Pour répondre du tac au tac, il suffirait de ravaler son entreprise au rang d’enseigne vénale, aussi parisienne que prétentieuse, contribuant sans doute à nous faire passer à l’étranger pour les arrogants que nous ne sommes pas ! Plutôt que de donner dans la méchanceté gratuite et la subjectivité de mauvais aloi, faisons-nous un devoir, par contre, d’établir que c’est la notoriété de la Maison Gallimard qui est aussi EXAGÉRÉE que RANCE !  

Pour qui n’aime pas les riches, elle est certainement EXAGÉRÉE la situation de Paul Gallimard (1850 - 1929), le "grand collectionneur de tableaux et d’estampes, propriétaire du Théâtre des Variétés" (Wikipedia). Cela tourne au RANCE avec l’héritier, Gaston Gallimard (1881 - 1975) qui aurait pu vivre de ses rentes et faire ainsi oublier comment il courut les sanatoriums pour se faire réformer : « Je suis un lâche ! » (1a)(1b). Si le refus de la guerre n’est pas en soi blâmable, cela le devient, en revanche, quand la publication de nombreux d’écrivains « Morts pour la France » profite, dès 1918, au chiffre d’affaires (2) ! 



                                     Louis Codet : portrait.

Concernant la Deuxième Guerre mondiale, nous avons dépassé le demi-siècle de plomb sur la période et l’épuration qui s’ensuivit ; il est plus difficile désormais de dire « tout le monde » parce que tout le monde, justement, n’a pas eu à faire allégeance pour se concilier les nazis et avoir du papier... Personne sinon Gallimard n’a bénéficié de la collaboration de Drieu la Rochelle à la NRF pour faire la chasse aux communistes et aux juifs ! La politique antisémite de Vichy servit la maison Gallimard lorsque, se déclarant « aryenne à capitaux aryens » elle s’est proposée pour racheter l’affaire de Gaston Calmann-Levy alors interné... La concurrence féroce et sans tabou doit tenir aussi de "l’esprit d’entreprise" ! Dans le même contexte, notre Gaston, qui pour ne pas déplaire à l’occupant, publia Goethe, en profita surtout pour évincer Jacques Schiffrin, directeur de collection mais juif :

 « Monsieur, Réorganisant sur des bases nouvelles notre maison d’éditions, je dois renoncer à votre collaboration à la fabrication de la collection “Bibliothèque de la Pléiade”. Il est entendu que votre compte sera réglé selon les termes de notre contrat – Gaston Gallimard, administrateur-délégué de la Librairie Gallimard. » (5 novembre 1940) http://www.magazine-litteraire.com/actualite/novembre-1940-createur-pleiade-lache-15-02-2012-32334

(1a) cité par Pierre Assouline : http://www.ina.fr/video/RBC02040899 à propos de son livre « Gaston Gallimard / Un demi-siècle d’édition française » Paris, Balland – Éditions du Seuil, coll. Points – Biographie, [1984] 2001, 534 p.
Repris chez Gallimard en 2006 / collection Folio !
http://www.gallimard.fr/searchinternet/advanced?all_title=Pierre+Assouline&SearchAction=1&SearchAction=ok
(1b) ce refus psychique de la mobilisation le rendit malade au point que sur le front certains se firent du souci pour leur ami planqué. 
(2) Louis Codet  en 1918, 1921, 1925, Apollinaire en 1920, Albert Thierry en 1922, Alain-Fournier en 1924 et 1926 , Charles Péguy 1936, Louis Pergaud (rachat du Mercure de France), Victor Segalen,  Jean de la Ville de Mirmont, soit 8 sur les 17 écrivains Morts pour la France lors de la Grande Guerre, cités par Wikipedia !  

                                   Photo du camp de Pithiviers
photos autorisées wikipedia england et deutschland... (étrange !) :
1. la poignée de main de Montoire (oct. 1940). 
2. portrait de Louis Codet. 
3. contrôle de juifs au camp de Pithiviers (janv. 1941).

samedi 11 octobre 2014

Fleury d'Aude en Languedoc / LE REPAS DE FAMILLE : LE DESSERT

Nous voici donc au dessert, quand le chocolat du gâteau colle à la cuillère et qu’on entendrait presque la blanquette pétiller de ses perles dans les verres, car chez nous, pas plus de goinfre que de goulu, à l’heure où l’artiste du jour se lève et commence à jongler avec le provençal de Mistral et sa traduction en français :

L'èrbeto dei frisons.
Mirèlha, escota: dins lo Ròse,
Disiá lo fiu de Mèste Ambròse,
I a 'na èrba, que nomam l'erbeto dei frisons;
A dòs floretas, separadas
Bèn sus dòs plantas, e retiradas
Au fons deis ondas enfresqueiradas.
Mai quand vèn de l'amor pèr élei la seson,
Una dei flors, tota soleta,
Monta sus l'aiga risoleta,
E laissa, au bòn solèu, espandir son boton;
Mai, de la vèire tan polida,
I a l'autra flor qu'es trefolida,
E la veses, d'amor emplida,
Que nada tant que pòu pèr ié faire un poton.
E, tant que pòu, se desfrisona
De l'embuscum que l'empresona,
D'aquí, paureta! que rompe son pecolet.
E libra enfin, mai mortinèla,
De sei boquetas pallinèlas
Frusta sa sòrre blanquinèla...
Un poton, puèi ma mòrt, Mirèlha!... e siam solets!
Mirèio. Chant V.

L’herbette aux boucles.
« Mireille, écoute : dans le Rhône,
Disait le fils de Maître Ambroise,
Est une herbe que nous nommons l’herbette aux boucles ;
Elle a deux fleurs, bien séparées
Sur deux plantes, et retirées
Au fond des fraîches ondes.
Mais quand vient pour elles la saison de l’amour,
L’une des fleurs, toute seule,
Monte sur l’eau rieuse,
Et laisse, au bon soleil, épanouir son bouton ;
Mais la voyant si belle,
L’autre fleur tressaille,
Et la voilà, pleine d’amour,
Qui nage tant qu’elle peut pour lui faire un baiser.
Et tant qu’elle peut, elle déroule ses boucles
(Hors) de l’algue qui l’emprisonne,
Jusqu’à tant, pauvrette ! qu’elle rompe son pédoncule ;
Et libre enfin mais mourante,
De ses lèvres pâlies
Elle effleure sa blanche soeur...
Un baiser, puis ma mort, Mireille !... et nous sommes seuls ! »