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lundi 6 octobre 2025

L'occupation et Coquet le vaillant Mérens

« Fleury-d'Aude, le 12 février 1998

Bien cher Jean-François, nous sommes gâtés ces jours-ci par la lecture de tes lettres, la cinquième nous est arrivée hier, elle a mis sept jours, les autres en quatre, six et huit jours. 

Tu t'interroges, tu m'interroges sur la situation au village durant l'occupation. reçois ces quelques éléments de ma part : 

Les hommes valides étaient requis par les Allemands et allaient par équipes de deux ou plus, faire des trous dans la garrigue, notamment au dessus de Saint-Pierre ; ces trous étaient destinés à recevoir un habillage de béton propre à en faire un abri pour un soldat armé. Plus important, le trou se transformait au bout de longues semaines (chacun travaillait le moins possible, juste ce qu'il fallait pour ne pas se faire expulser de Fleury vers l'intérieur des terres) en “ bunker ” équipé d'un canon tournant ou une grosse pièce tournée vers la mer (les Allemands craignaient toujours un débarquement allié, surtout après celui d'Afrique du Nord et suite à la libération de la Sicile en 1943 puis de la Corse. Plus récemment, ces bunkers ont été aménagés pour la gendarmerie et la Poste (club du Temps Libre actuel). celui de Périmont a été détruit mais le système défensif subsiste sur le rocher avec des galeries de jonction aujourd'hui sous le sable. Des tunnels importants furent même creusés à la dynamite, avec chambres carrelées et tapissées pour les officiers, et eau courante (on peut encore voir le bassin d'alimentation d'où partait la tuyauterie, et l'un de ces tunnels, tu t'en souviens peut-être, avait servi de champignonnière à Daudel, l'ancien épicier que nous avions derrière la baraque de Paule où nous avons passé l'été 1956. 

Le spécialiste des fricots dont le nom t'échappe est René Tailhan, marié à Rosette Cazals, la fille du maréchal-ferrant, cousine d'Hubert Malhabiau, qui devait tristement finir par se pendre... 

Ah ! « l'affaire Tournaraslèou » (= tu reviendras bientôt) ; l'oncle Noé croyait qu'en demandant on pourrait me rapatrier : cela avait marché pour certains autres (Molveau en avait bénéficié à condition de se retrouver requis sur place ; Antoine Mulet des Cabanes était aussi revenu de Hambourg parce que malade « Sé besios coumo es magré » m'écrivait-on de Fleury sur sa maigreur (notre languedocien qui m'avait déjà pratiquement sauvé la vie en septembre 43, agrémentait allusivement notre correspondance). 

Tarascon-sur-Ariège Mérens 2025 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Tylwyth Eldar

Vendanges 1934. Ce doit être Coquet. 

Tu demandes aussi pour nos chevaux : le petit et vaillant cheval noir répondait au nom de « Coquet ». C'était un Mérens, petit cheval d'Ariège (le GDEL parle même de race française de poney !), vaillant comme pas un. Un jour, racontait mon père, il avait fait quatre gros voyages de comportes (sans doute plus de douze à chaque fois !) de la Pointe de Vignard, notre vigne la plus éloignée à presque cinq kilomètres, soit 38 kilomètres dont 19 à pleine charge, avec les côtes de Liesse et du village. Il a tenu le coup mais en arrivant le soir, trop fatigué, il s'est couché au lieu de manger. papé Jean racontait cela avec une admiration non dissimulée. J'ai connu ce cheval à l'écurie jusqu'en 1935 à peu près. Nous l'avons sur des photos de vendanges... Puis il avait fait son temps, il fallut bien le changer. L'oncle Pierre et son neveu (mon père) allèrent à Narbonne choisir un cheval chez le maquignon. Ce fut notre premier Lamy. L'oncle était si content d'avoir si bien choisi (papé le respectait beaucoup et écoutait ses conseils, lui quelquefois si entêté par ailleurs) qu'il allait l'admirer des heures à l'écurie... (à suivre)