mercredi 5 novembre 2014

Fleury en Languedoc / MISTRAL D’EXTRÊME DROITE ?

" Prouvençau, veici la Coupo
Que nous vèn di Catalan
A-de-rèng beguen en troupo
Lou vin pur de noste plan..."

Sur Agora, sous le pseudo "Isgal" et un avatar au bonnet phrygien, un commentateur a peut-être sciemment terminé son intervention par un "in cauda venenum" ou si vous préférez, un coup de pied de l'âne :

" enfin, n’oublions pas que Mistral était d’extrême droite... "


Vous vous doutez qu'il m'a tarabusté ce commentaire, parce que lapidaire, et dit comme ça, anachronique. J'étais d'autant plus embêté que les réactions sont rares et qu'il ne faudrait pas refroidir les quelques uns qui s'intéressent...
Les jours ont passé quand hier, je crois, une réponse aussi inattendue qu'inespérée, ne pouvant mieux tomber :

" Mistral d’extrême droite ? Ben voyons comme disait l’autre ! Certainement pas malgré des postures tous azimuts, par maladresse, par opportunisme, parce qu’il était facilement influençable aussi.
Vers 1848 il est démocrate-socialiste mais les « néo-jacobins » l’accusent de séparatisme (il est lié avec les Catalans) dans le seul but de disqualifier les républicains fédéralistes. D’où sa sympathie nouvelle pour l’Empire, vite déçue car elle n’amènera pas la décentralisation de la France.
Après la défaite de 1870 et l’esprit nationaliste de revanche, il apparaît comme plus français que provençal pour soutenir les aspirations monarchistes d’un régime pourtant républicain (encore l’idée des provinces du royaume de France).
A partir de 1876, quand les idées républicaines l’emportent sur les monarchistes, en tant que Français face à la menace prussienne, son idée est de promouvoir une fédération latine.
Il a le tort d’être connu et la gauche le combat en tant que figure du monarchisme.
Dans quelle mesure le fait d’être une cible l’a radicalisé au point d’adhérer à une ligue nationaliste anti-dreyfusarde ? Une adhésion qu’il regrettera d’ailleurs.
Il fut l’ami de Roumanille marqué très à droite mais aussi celui de Paul Arène auquel il rendra hommage en publiant, dans l’Aïoli, les lettres de ce dernier du temps de la Commune. Il y a aussi sa correspondance avec Louis-Xavier de Ricard, un communard exilé... Mistral, toujours attiré par le fédéralisme, reste sensible aussi aux aspirations sociales.
Certains voudraient encore accuser Mistral d’avoir un penchant pour la Prusse alors que ce sont des lettrés allemands qui le soutiennent parce qu’EUX savent étudier et défendre la langue d’Oc (Edouard Koschwitz auteur de la première édition critique de mirèio... EN FRANçAIS !)
D’accord pour ses opinions très contradictoires, allant du fédéralisme de gauche à l’échelle européenne, avant 1870, à la reconstitution des provinces françaises par la monarchie mais ne font-elles pas qu'illustrer les incertitudes de la deuxième moitié du XIXème ? Alors, de là à affirmer qu’il était d’extrême-droite, NON !

Et pour donner à réfléchir sur la permanence des contradictions humaines, n’a-t-on pas, aujourd’hui, pour servir un mondialisme au service du capitalisme, des dirigeants socialistes au passé très trotskyste ???"

Le billet est signé "Batrolo"... je me suis emballé un instant croyant que c'était Bartolo, l'immigré de Lespignan, le maçon.
Enfin, les mots de l'un et mes pensées pour l'autre m'ont bien fait plaisir !

 

photos autorisées wikipedia 1 frédéric Mistral. 2 Dialectes de l'occitan d'après F. Mistral.

samedi 1 novembre 2014

LA FRANCE RANCE DES GALLIMARD (II) MÉGALOMANIE ET PERVERSION ESTHÉTIQUE (2)


Enfin, à parler de valeur littéraire « trop rance », nous sommes là pour rappeler la saveur âcre et l’odeur forte qui imprègne toujours les murs de la prestigieuse maison ! Et manière d’entretenir le vernis de la Bibliothèque de la Pléiade, pour persuader notre ami provençal qu’il était plus qu’inconvenant de plonger Mistral dans une notoriété fétide, voyons ce que nous devons contester de la prestigieuse collection. Et si c’est subjectif de ne pas aimer les riches parce qu’ils exploitent les autres, il n’est pas moins illégitime de contester à une coterie dominante les signes ostentatoires d’une présumée supériorité... le talent tel qu’ils le définissent n'excuse rien ! 

Ainsi, la Bibliothèque de la Pléiade a publié Louis-Ferdinand Céline, dont sa correspondance encore en 2009. En 1951 (3), Gallimard a signé avec ce raciste viscéral, cet antisémite aussi violent que notoire, collabo avant l’heure, un contrat de cinq millions de francs... Encore dans le fameux catalogue, Pierre Drieu la Rochelle, "collabo sincère" comme l’a noté Galtier-Boissière et de Gobineau, Joseph-Arthur de, la grande référence racialiste.
Il est vrai qu’artistiquement parlant, nos cuistres prônent que les salops n’existent pas. Sur ce point encore, Antoine porte haut les valeurs de la caste Gallimard : dans l’entretien de 2012 (2), il revendique :

« ... le rayonnement de l’esthétique et de la morale GIDIENNES sur nos pratiques éditoriales (voire sur notre «culture d’entreprise)...»
Sur le plan d’une esthétique autre que littéraire et d’une morale disant qu’il ne faut pas en avoir, rappelons seulement qu’André Gide, égotiste, narcissique, a assumé sa pédérastie.
Mais qui sont donc les salauds ? Sûrement ceux qui réprouvent aussi Donatien Alphonse François de Sade, le "divin marquis" invité depuis 1990 dans une pléiade de deux centaines d’auteurs. 

« ... Sade fut un monstre, un violeur pédophile, une brute dominatrice et ultraviolente, un débris féodal antiféministe et antirépublicain ; son infamie transparaît dans tous ses textes ; son dossier pénal est accablant ; sa célébration continue par toutes sortes d’hagiographes depuis 120 ans est incompréhensible... » http://www.chronicart.com/livres/la-passion-de-la-mechancete/

Concomitamment au mépris injustifié que Gallimard a l’originalité d’afficher à propos de Mistral, nous apprenions la nomination du quinzième Nobel français de Littérature. A cette occasion, l’éditeur, trop modeste, précisa vite que Modiano n’était jamais que son quarantième Nobel... référence à l’épais catalogue sûrement. Peu bavard, il s’est bien gardé d’évoquer l’œuvre de Modiano avec pour cadre le Paris de l’Occupation, de peur, sans doute, de réveiller des fantômes...

« "Vous savez", monsieur Gallimard, le Vaucluse, la Provence où vous aimez bien séjourner, c’est Vincèn e Mirèio. Comme pour Roméo et Juliette ou Chimène et Rodrigue, ce ne sont ni Vérone, ni Séville qui passent avant le dilemme entre le devoir et l’amour. Il faut bien que vous conveniez que l’universalité qui sous-tend ces œuvres ne saurait être contestée (le cas aussi pour Fanny et Marius de Pagnol, heureusement non "pléiadisé", ne vous déplaise). 


Et puis, dédaigner le terroir reviendrait à mésestimer l’origine du monde telle que la vit Courbet... "Vous savez", ce qui est RANCE et EXAGÉRÉ c’est cette image d’un Luberoun (4) contrefait, à laquelle les nouveaux riches de Paris, résidents secondaires, ont contribué. Et si dans les environs, se trouvent les ruines du seigneur de Lacoste, Donatien Alphonse François, pour ne pas le nommer, plus nombreux sont ceux qui viennent ou pensent à cette diversité culturelle qui ne peut que profiter au pot commun.
"Vous savez", tant mieux si Pagnol et Mistral (5) ne sont pas récupérés par votre ethnocentrisme, parisien, arrogant, amoral par ce snobisme RANCE et EXAGÉRÉ qui vous caractérise mais n’est en rien représentatif de la culture française. Frédéric Mistral, deuxième Nobel français de littérature en 1904 pour Mirèio en provençal ne sera pas le 41ème de votre collection ! Tant mieux !
    
(1) soutenus qu’ils sont par l’ignorance des faits, l’esprit de classe et une clientèle riche (60 € pour un ouvrage la Pléiade).
(2) http://www.gallimard.fr/Footer/Ressources/La-maison-d-edition Antoine Gallimard / textes et communiqués / « L’éditeur entre l’encre et l’écran » / Le Débat n° 170 mai-août 2012 (pdf).
(3) cette même année, Gallimard publie Les Deux Étendards de Rebatet alors que le collabo antisémite, initialement condamné à mort, purge encore une peine de travaux forcés à perpétuité (libéré en 1952, il n’aura fait que 5 ans).
(4) Luberon ? Lubéron ? Léberon ? Liberoun ? Luberoun ? Pauvre montagne qui ne sait même plus comment il faut qu’on l’appelle !  
(5) Daudet en fait partie peut-être pour avoir transmis une image parfois caricaturale de la Provence. 



photos autorisées wikipedia : 1) Vincèn e Mirèio par Victor Leydet 2) Mireille, Mistral par Le Petit Journal .