lundi 13 janvier 2014

Fleury d'Aude en Languedoc / TOUT ÇA POUR UNE FLEUR ?


Alors, c'est vrai, vous aussi ! Parce qu’avec vous, c’est tout le Languedoc qui se retient, impatient de voir le premier amandier de 2014. Ce matin, à 7 h 23, vous êtes 153 à vous intéresser au messager des marges et armasses... pas de quoi en péter de vanité mais ça fait plaisir. Du coup, j'ose espérer que, comme le poudaire (qui taille la vigne) au bouteilhetier (encore un de nos arbres attachants...) de la route de Marmorières, vous allez être nombreux à témoigner de l'apparition... Et à ce propos, ce serait bien, une chronique de l'amandier fleuri de Fleury... "Pernod" sur la Une, après l'apéro, en a fait une tradition depuis 25 ans ! On l'a pas attendu, finalement... et ce ne serait pas pour faire passer les mauvaises nouvelles du journal...
   
L'an passé, ce fut fin janvier dans les PO et début février à Fleury ou dans l'Hérault, notamment à Castries (photo). En 1995, seulement à la mi-février...
En 1916, en 1921, en 1975, les amandiers offrirent un Noël fleuri...
Désolé de parsemer quelques dates à vérifier mais l'amandier en fleur rehausserait certainement la froideur des chiffres, la sécheresse des statistiques, même si celles du climat, avant les données économiques, restent des plus intéressantes. Ce n'est en rien anodin de parler du temps lorsqu'on se croise et dans le temps cela demeure une constante dans les échanges humains, même si de nos jours on va moins aux commissions et qu'il n'y a plus de pissadous à vider... Maintenant, en plus du parfum, est-ce que notre "amelier" en fleur apporterait des indications sur les hivers qui prennent vigueur après, tel celui de 1956, ou sur les printemps froids ou pourris ? Rien n'est moins sûr...  Par contre,  sans parler de l'esthétique, qui pourrait nier son effet positif sur le mental ? Et si les fleurs réjouissent le sapiens sapiens, celles de l'amandier comptent beaucoup pour le "languedoquicus", "lespignanus", perignanus" et "sallus", "armissanots", "vinassanots" et "coursanots" compris...

PS : comme je vous sais trop gentils, avec une pensée pour nos enfants, un passage du Messager repris et corrigé :

.../... Parce qu’avec eux, c’est tout le village qui se retient, impatient de s’ouvrir au chapitre qui vient. Ils le pressentent tous : le messager fidèle ne tardera pas ! Tous l’espèrent ! Un instinct du fond des âges fait guetter, au bord des vignes, des champs, dans la garrigue même, le long des laisses et des murettes abandonnées ! Chacun croit le voir, à s’en frotter les yeux tant il cèle en lui l’espoir des jours meilleurs.

Quand le porteur de lumière vient, de sa touche pastel, éclaircir la grisaille de l’hiver, c’est une renaissance, et celui qui en est témoin court vite vers les siens, pour la bonne nouvelle...

dimanche 12 janvier 2014

Fleury d'Aude en Languedoc LE MESSAGER


Janvier. Déjà.





Noël, l’an nouveau, les Rois et la galette s’évanouissent dans le passé. Pourtant, l’enfant des marges et des armasses (1) voudrait déjà tourner la page et son gran (2) ne saurait retenir sa main :

« Malherous, va saves pas que lou temps perdut se reganto pas gaire ! » (Malheureux, ne sais tu pas que le temps perdu ne se rattrape guère ! »... comme le chantera plus tard Barbara).

Parce qu’avec eux, c’est tout le village qui se retient, impatient de s’ouvrir au chapitre qui vient. Ils le pressentent tous, le messager, fidèle, ne tardera pas ! Tous l’espèrent ! Un instinct du fond des âges leur fait guetter, au bord des vignes, des champs, dans la garrigue, même, le long des laisses et des murettes abandonnées ! Chacun croit le voir, à s’en frotter les yeux tant il cèle en lui l’espoir des jours meilleurs.

Quand le porteur de lumière vient, de sa touche pastel, éclaircir la grisaille de l’hiver, c’est une renaissance, et celui qui voit l’apparition, court vite vers les siens, pour la bonne nouvelle :


« Sur la route de Marmorières, au bouteilhetier de Quinsa (3), je m’en retournais, il devait être onze heures vieilles, et quelque chose m’a dit de tourner la tête. Bizarre, non ? Alors, je l’ai vu, là, éclaboussé de soleil, avec au fond la rangée de carabènes (4)... vous savez, la cave qui va à l’Étang. Une apparition mais, que je l’ai bien vu, le premier, comme une boule rose, brillante. Même que j’ai fait "Oh !" tellement j’étais attrapé ! »

On écoute. Et la jeunesse impatiente de dire « Es pas trop léu ! » (C’est pas trop tôt !).

Une vieille sagesse de terroir module aussitôt « Poudio atténdré... » (Ça pouvait attendre...).

L’écho sort des maisons, se partage, se multiplie, suit les ruisseaux, court les rues, les boutiques, entre même dans les cafés tandis que le signal mystérieux bat la campagne. Alors, sur les marges, les laisses, le long des fossés, des coteaux au clapas (5), les moins timides déplient leurs livrées, blanches, roses, comme les papillons leurs ailes. Les branches s’offrent aux abeilles engourdies, pareilles aux bouquets, aux dragées des promises de l’année. Le mot est passé, le message s'est propagé.

Bien qu'assoupie, la nature s'ébroue. L’asperge sauvage prépare ses turions ; l’erbo blanco (6) envahit les labours ; entre les souches, le souci ouvre ses capitules d’or ; le cep retient les larmes du sarment griffu et l’homme frémit d’une espérance, encore froissée, douce ou amère, blanche ou rose, comme la fleur de l’amandier.

(1) Languedocien : l’enfant des talus et des friches.
(2) Son grand-père.
(3) L’azerolier du tènement ainsi nommé.
(4) Roseau, "canne de Provence".
(5) Rocaille calcaire, qui a donné la Clape.
(6) Diplotaxis fausse-roquette.

photos : googleimages 1. Sète / lagunes, garrigue
2. Domaine viticole Castan Cazouls les Béziers.