lundi 19 juin 2023

SÈTE 7. Les FÊTES de la SAINT-LOUIS.

En temps de paix, le championnat du monde des joutes languedociennes culmine fin août lors des festivités de la Saint-Louis. L’eau, le Canal Royal, les quais pleins, la foule, les couleurs, la musique, ce sont plusieurs jours de fêtes autour des jouteurs, une fête qui a eu l’occasion de s’étoffer avec le temps, les siècles devrait-on dire puisqu’elles honorent le roi de France qui fit de Cette un port. Le Louis qui suivit, le quinzième, est venu voir ce qui, dans la continuité, en quelque sorte, perpétuait la tradition des tournois. 

Sète_water_jousting_joute_nautique on the Royal Canal 2022 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Jorge Franganillo

Sur le site de la ville, une chronique intéressante précise qu’en 1853, voyant que grâce au progrès, au train notamment, les gens même de loin viennent toujours plus nombreux voir Cette et ses joutes du dimanche, Émile Doumet, le maire, tient à en étoffer le contenu. Un demi-siècle plus tard, la semaine festive organise un corso nautique, une course cycliste, des concerts, des animations dans la ville où les commerçants font tout, à boire et à manger... ce ne sont pas les bons plats qui manquent à la carte de « l’île bleue ». À l’heure actuelle, sur six jours, c’est un programme fastueux qui est proposé : celui qui n’est que de passage est sûr de bien remplir sa journée. 

Ainsi en 2022, entre le jeudi 18 et le mardi 23 août, à l’occasion de la 278e édition, de l’affiche au feu d’artifice final, le déroulé a dû satisfaire le plus grand nombre.

* les défilés accompagnés de peñas et fanfares ; des arts des rues avec les danseuses brésiliennes « Oba Brasil », des acrobates ; des orchestres tant de variétés que pour accompagner les interprètes d’opérettes, d’opéra...

* autres facettes culturelles avec les écrivains invités, des expositions de peinture, un retour sur plus d’une centaine de chansons sétoises...   

* dans les manifestations plus ou moins physiques, une randonnée à vélo, des concours de pétanque, de boule lyonnaise, de boules carrées ! (les 2,5 et 5 kilomètres de Sète à la nage ont été annulés).

* une course de voiles latines, un roulage de barriques pour honorer le passé portuaire de la ville.

* la traditionnelle messe officielle ; la commémoration de la libération de la ville (20 août 1944) ; à la gare, l’hommage aux cheminots Morts pour la France.

* côté petites soifs, en-cas, les bars à quaiet cafés, ouverts jusqu’à trois heures du matin. Les restaurants aussi, dans une moindre mesure, ont certainement adapté la durée du service.  

Sète Stlouis2005  the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader French Wikipedia


Centrales, depuis, à terre,, les petits en chariots jusque sur l’eau pour les grands, les joutes de la Saint-Louis demeurent les gardiennes d’une tradition qui a su durer. Le cadre d’abord, toujours le Canal Royal ; les couleurs, la tenue blanche des participants qui défilent et font tournoyer les lances avant de s’affronter, le bleu du « quartier naout », le quartier haut, le rouge de « la pouncho », la Pointe Courte ou Longue, là où Sète communique avec Thau ; des barques progressant à gauche (comme pour nos trains, le contraire de la circulation sur la route), les tintaines (le plan incliné en bas duquel se tiennent les jouteurs tandis qu’en haut, sur la plate-forme, armé du pavois et de la lance, celui qui est en jeu se met en position, fente avant). Les hautbois, les tambours dans les annonces, le rythme donné aux rameurs, les airs, dont celui de « La Charge » ; lors de la passe, les chansons rituelles au micro, de toutes les époques... (à suivre) 

Sète Stlouis2005 the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader at fr.wikipedia


dimanche 18 juin 2023

SÈTE 6. Les paquebots de l'exil.

Voyez les mouettes qui font cortège aux bateaux rentrant au port : toujours un plaisir pour qui a l’occasion de flâner et rêver dans un cadre pareil. En 1967, la criée de Sète, devenue depuis la première de Méditerranée, est la première d'Europe à être informatisée. Du poisson ! des poufres (1) ! le nom local et au moins languedocien du poulpe... Est-il baladé lui aussi, lors des festivités, en tant qu’animal totémique tant les événements susceptibles de servir la ville ne manquent pas ?

Bateaux qui rentrent au port, navires qui partent, ne laissant qu’un éphémère sillage sur l’eau, opaque sur les drames et la catastrophe annoncée induits par l’anthropocène, l'âge des Hommes se voulant à tort, maîtres de la nature...

« ... pasar haciendo caminos, [passer en faisant des chemins,]
caminos sobre el mar… » [des chemins sur la mer.]

Antonio Machado (1875-1939). 

Gracias_México_-_Monumento_a_los_exiliados_españoles_en_México_en_Veracruz 2009 En 1939 arribó a este puerto de Veracruz, procedente de Séte,  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author David Cabrera

Sète est avant et plus que tout un port ! Le 23 mai 1939, suite à la Retirada, l’exode des Républicains espagnols et à l’invitation aussi unique que généreuse du Président Lazaro Cardenas (1895-1970), attestant par là-même le penchant dangereux vers la droite sinon la droite extrême de l’Occident, le paquebot Sinaïa (1924), aménagé pour 1600 places au lieu des 600 à l’origine, appareilla de Sète pour Veracruz au Mexique. (Un ou deux autres navires aussi... merci de m’en tenir informé si vous en savez davantage).  

Le 11 juillet 1947, avec 4815 personnes à bord, dont nombre de rescapés des camps de la mort nazis, qui n’ont plus ni famille ni biens en Europe et qui ne veulent plus que rejoindre Israël, au petit matin, le paquebot Pt-Warfield quitte subrepticement Sète de peur d’y rester bloqué. Hors des limites territoriales, alors qu’il était censé partir pour la Colombie (un mensonge), il arbore le drapeau d’Israël, change de nom « Exodus  1947 » (en français, dans sa forme abrégée), ne répond pas aux Anglais qui le suivent et finalement, de peur des réactions des Palestiniens, l’arraisonnent afin d’empêcher le débarquement à Haïfa. De là, 4493 réfugiés sont emmenés en bateaux-prisons à Chypre puis via Port-de-Bouc (où aucun réfugié n’acceptera de descendre), Gibraltar, et malgré une vague de réprobation générale concernant des Juifs encore maudits (les crimes ne rebutent pas si la raison d’État est en balance...) , à Hambourg pour être acheminés dans des camps de la zone d’occupation britannique. Mai 1948 : le mandat anglais sur la Palestine prend fin et tous les réfugiés peuvent rallier Israël. 

Exodus 1947 ship in Haïfa Source British Admiralty Public Domain Author JGHowes

La vue paisible et que nous estimons normale des porte-conteneurs (de 6500 à 200.000 EVP entre 2010 et 2019 !)  ou des ferrys pour le Maroc ne doit pas faire oublier les violences passées, les bombardements puis les conséquences des conflits lorsque des gens qui pourraient être tout le monde voient leur destin bouleversé du tout au tout, forcés ou résolus, invités ou s'imposant dans le dessein de se trouver un coin de Terre. 

(1) « Antoueno, lou moueno, lou poufre salat, quand l’ase cagabo parabo lou plat ! » Mon pays, Émilien de la Pagèze (bien que marié à une Narbonnaise) a une explication concernant cette ritournelle a priori surréaliste : « lou poufre salat », le poulpe salé, surnom du moine Antoine, radin, qui n’attend pas que le crottin soit à terre pour vite le récupérer (excellent pour les plantations !)