Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
samedi 28 juin 2014
dimanche 22 juin 2014
DOUCE RIVIERE AUX COLERES TERRIBLES, L'AUDE QU'ON DIT BELLE...
Retour sur Achille Mir, le félibre d'Escales.
Toujours dans sa "Cansou de la lauseto", après une réponse à deux amis "qui l’avaient menacé d’une satire s’il ne
 rimait pas en français", et entre autres un sonnet sur l’hiver « ... Al
 cagnard lou bièl s’assoulelho... », puis le bouton de rose et la 
dame-jeanne, suivent les animaux des fables rappelant forcément La 
Fontaine «... un Cagarau...Amé soun oustal sus l’esquino...» ou « La 
Tatiragno e la baboto » (1). Après un « Esprit du vin » qui traduit 
littéralement Baudelaire (2), nous retrouvons notre cher curé conseillé 
par Batisto, le bedeau « Fasèts baneja Lucifer... E beirets lous cors 
pus tanats... magnaguets coumo d’agnèls... » (... Faites pointer les 
cornes de Lucifer pour voir les cœurs les plus endurcis doux comme 
des agneaux...)
Vers la deux-centième page, presque à la fin,
 une ode au Païcherou (3) pour louer sans réserve aucune, et c’est moins
 moderne, l’énergie des hommes à dompter les rivières. Les mots sont 
durs pour fustiger la "rivière" Aude, belle et pourtant capable, en 
quelques heures de tout détruire après avoir aidé les meuniers, les 
drapiers.  
    « Anfin t’aben bridado, Ribièro d’Audo redoutado... 
Moustre afamat.../... Bai, podes escoupi ta fangouso chalibo...
... Sul pauré Paichérou delarguères ta billo,
I briseres lous rens e delaissères l’Illo
Per fugi de l’autre coustat... »
Moustre afamat.../... Bai, podes escoupi ta fangouso chalibo...
... Sul pauré Paichérou delarguères ta billo,
I briseres lous rens e delaissères l’Illo
Per fugi de l’autre coustat... »
    (Nous t’avons enfin bridée, Rivière d’Aude redoutée... 
    Monstre affamé... /... Va, tu peux cracher ta salive boueuse... 
    ... Sur le pauvre Paichérou déverser ta bile, 
    Lui briser les reins et abandonner l’Ille
    Pour t’enfuir de l’autre côté.. ») 
   
 Achille Mir, finalement, se réconcilie avec la « bèlo ribièro » quand 
il évoque le battoir des lavandières rythmant les chansons, les nageurs 
qui croisent les pêcheurs, l’eau bienfaitrice pour les maraîchers de 
l’île : 
    «T’aiman quand, dins l’estiu, de troupos de nadaires, 
Se crousan amé lous pescaires...»
Se crousan amé lous pescaires...»
    (On t’aime [quatre strophes au moins commencent ainsi], quand dans l’été, des bandes de nageurs,
    Se croisent avec les pêcheurs...)
   
 ... Au Paychérou, on danse toujours à l’ombre des guinguettes et si, 
l’été, la joie reste à la baignade, pardonnez-moi d'alourdir d'un bémol l’optimisme de notre auteur audois. 
    Les gens se sont toujours 
gardés de l’eau perfide, des remous qui aspirent, des fosses même 
qualifiées à tort d’insondables ; une méfiance pour l’eau qui dort qui, 
si elle a nourri de vieilles superstitions, se fonde, hélas, sur des 
noyades trop présentes à l’esprit de chacun pour moquer, à la légère, 
les vouivres, ondines et autres génies des eaux qui attireraient les 
malheureux dans les profondeurs. 
    Le doux Paychérou, c’est aussi 
l’image floue de Pierre, l’ami de papa, qui écrivait souvent en 
languedocien (ils disaient "patois", comme Mir d’ailleurs, avant eux, rabaissés au même titre que leur langue régionale). Il signait parfois « Toun amic, Buto-Garo (Es yeu, aco) ». C”est au 
Paychérou qu'il s'est noyé, le 22 juin 1941. 
    « ...J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur. »
Et le souvenir que je garde au cœur. »
   
 Pourquoi, Le Temps des Cerises (4), de Jean-Baptiste Clément, mêlant le 
chagrin d’amour au désespoir politique ? Parce qu’Achille Mir a écrit à 
l’époque de la Commune et si son opinion personnelle  reste aussi 
discrète que celle de Pergaud disant « SON dieu » à propos du curé de 
Melotte, il n’en pense pas moins, toujours dans l’ode au Paichérou : 
    « ... O Franço ! lum de las nacius !
As pagat de miliards e lou trabal s’atudo !... »
As pagat de miliards e lou trabal s’atudo !... »
   
 (Ô France, lumière des nations ! tu as payé des milliards et le travail
 s’éteint !... [les points de suspension sont de l’auteur]). 
    Achille Mir ? un auteur régional et modeste mais à connaître et à relire, sans modération ! 
(1)
 Un escargot avec sa maison sur l’échine. Rappelons aux ramasseurs du 
Sud qu’il est interdit de ramasser le petit gris closco mol : sa 
coquille non bordée indique qu’il n’a pas atteint l’âge adulte (1 an). 
Quant à l'araignée se moquant de la babote, elle m'apprend que cet être 
qu'enfant je voyais synonyme de sorcière, n'est que le ver à soie... 
(2) Alors que le « portillon d'entrée » au Curé de Cucugnan indique bien Birat, Roumanille et Daudet comme sources. 
(3)
 Viendrait de l’occitan : la « paichèra » serait une retenue pour un 
usage domestique des riverains. L’Aude, fleuve côtier, est connu pour 
ses colères aussi soudaines que puissantes. Mir parle d’une crue 
soudaine un premier août, ce qui semble étonnant, hormis en cas d’orage ou
 de trombe comme ce fut souvent le cas dans le Sud, notamment à Nîmes. Or, le 1er 
août 1872, il y a bien eu un phénomène météorologique qui a provoqué une
 crue exceptionnelle de l’Aude avec des hauteurs de 5.50 mètres d’après 
Rousseau et 6.50 m d’après Pardé. 
(http://la.climatologie.free.fr/intemperies/tableau4.htm)
(4) 3,90 € l'autre jour, les bigarreaux, au marché de Saint-Pierre-la-Mer. 
NOTE : j’accepte toute correction et remarque sur la traduction proposée.
Photo autorisée Wikipedia / l'Aude à Carcassonne.  
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