dimanche 14 décembre 2025

IMPACT sur la FLORE et la FAUNE (24)

En bas du Tourmalet, la station d'épuration pour quoi ? pour qui ? il n'y a pas de tout-à-l'égout, seulement des fosses septiques... 

Arrivée : au bord de la RN 2, des conteneurs empiètent lourdement sur le terrain de boules ; la trouée de lumière s'est élargie suite à la disparition des grands arbres,  laissant l'impression d’un maillage distendu, plus étiré qu'un vieux pull, tout à l’opposé du tissu serré sanglant l’identité singulière tant botanique qu’humaine et culturelle de l'île.  

Retour à Sada presque à l'aveugle tant tout change avec toute la végétation abattue. Dans le vallon du lycée, la grimpette privée au nom et au numérotage de voie publique, la commune ne pouvant en faire davantage (goudron, pluvial...) voit ses passages de roues bétonnés toujours plus déglingués. Pourtant, paramètre de l'espoir, ce doit être le naturel du vivant de se raccrocher à quelque chose... 

«... pour que tu comprennes 
Que je m'accroche 
Aux choses qui reviennent. »  
Les Gens Absents, 2005, Francis Cabrel. 


Le kapokier avant, après. 

... sur la crête, sous le souffle doux et constant d'un munyombeni retardé (1), si le coiffeur a trop coupé et causé des trous, le beau  kapokier (2) que nous considérons emblématique du vallon, d'un bois pourtant tendre et léger, a cependant tenu le coup. Peut venir ensuite le constat négatif, la ripisylve de “ notre ” vallon, de “ notre ” « menu flot sur les cailloux », “ notre ” « petit bois de cornouillers », de grands arbres à l'échelle excessive de tropiques bien arrosés, a été mise à bas... alors « tous ses hôtes familiers » en ont souffert (3)... 

Ivy dite Mimine. 

Un instant surprise par mon irruption, la minette qui attendait de sortir, ne manifeste le moindre doute après dix-huit mois ; tout comme elle sait à quoi correspond le “ claclac claclac ” des valises sur le carrelage, elle connaît son monde ! 
Une des hantises alors à scruter le ciel était qu'il n'y ait plus d'oiseaux ; consolation d'une aigrette, du croassement d'un goaka, le corbeau-pie et oh ! au crépuscule, les chuintements familiers de l'effraie, la dame blanche qui nous aide à contenir les rats. Pour voir, demain... 
 
Matin. Ce chant puissant ? pas le martin-triste qui ne l'est pas du tout, non, ce ne peut être que lui, oui, sur un rameau ténu, brindille presque, le souimanga, l'oiseau-mouche. 
7 h. 35, déluge du NE, il tombe des cordes. La terrasse est inondée. Le lycée laisse entendre la petite musique entre les cours... confirmation que la sonnerie, peut-être stress de la vieille école, n'a plus cours.  
8 h., fin de ce premier grain ; la bande nord de la baie de Chiconi, un des villages kibushi (4), tranchant sur un bleu-pétrole, se colore d'ocre... mais oui, c'est la rivière, encore d'un petit bassin versant, qui coupe certains quartiers en deux, avec en prime, une cascade, à y être ! 

Bilimbi, cornichonnier (arbre)

Côté mammifères, maigres, les makis en viennent à manger les bilimbis du cornichonnier, pourtant acides ou les feuilles tendres des jeunes papayers. Et deux roussettes seulement... l'espèce a dû particulièrement se ressentir de l'absence de fruits. 

Note : vus depuis : le courol malgache mangeur de caméléons, deux bulbuls, un petit martinet peut-être migrateur, trois papillons. Attendus : les guêpiers, le petit hibou de Mayotte et tout ce que l'instantanéité me fait oublier.   

(1) le munyombeni est un vent du levant, géographiquement plutôt nord-est ; en swahili, le nom contiendrait l'idée de « matin »... Dire qu'à près de 2000 kilomètres au Nord, dans l'archipel de Lamu, comme à Mayotte, les vents de mousson et d'inversion (alizés) portent les mêmes noms de  « kashikazi » et « kusi ». 

(2) dit « fromager » bien que ne faisant qu'une bourre de kapok aux qualités d'isolation et de flottabilité remarquables. Très facile à travailler, il donnait des petites pirogues tenant deux ou trois ans.

(3) référence au « Chant de l'eau », Les Blés Mouvants, Émile Verhaeren. 

(4) parlant au moins deux variantes de malgache kibushi kisalava, sinon kibushi “ kiantalotsi ”, à l'image peut-être du québécois par rapport au français...  

samedi 13 décembre 2025

MAYOTTE, parfum, remugles et relents (23)

...On sait ce qu'il en est découlé : pas plus l'allégeance aux Comores que l'indépendance, la revendication départementale pour l'application des lois communes et non l'autonomie administrative d'un TOM (Collectivité Territoriale) (1). 

Avalaison sur un penchant plus vert, moins sec qu'un versant oriental à la végétation plus décidente, marquée qu'elle est par un régime d'alizés qui n'ont pu se recharger depuis le feston oriental de Madagascar. Souvenir d'un grand champ d'ylangs finalement arrachés à force de ne plus être exploités. Oh ! passé, le litchi au bord de la route ; faut dire que ce ne sont pas ses grappes d'un rouge bien prononcé sur fond de vernis vert qui ont attiré l'œil : même sans cyclone, les années à litchis sont rares à Mayotte, le fruit cher et peu goûteux pour bien des raisons (nécessité d'un gardien jour et nuit en prévention des vols, des makis...).  

Samanea_saman in Trinidad and Tobago 2023 under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Author Lucas Kaminski

Le lycée agricole de Coconi : au carrefour, avant l'allée de superbes samanéas, un rôtisseur grille des cuisses de poulet ; la rangée d'arbres géants présente bien des vides, les grandes dimensions les ont desservis. Qui sait dans quelle mesure le jardin botanique a résisté ? Plus loin, concession d’un terrain pour une grande pyramide de déchets plus une plus petite d’électroménager hors service, encore signées Chido. 

Pohon_Kepuh Sterculia foetida di_Geneng,_Jombang 2024 under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Author Indonesiagood

La poste de Coconi, siège de notre boîte postale des débuts, souvent prétexte à une balade à pied à travers la brousse. Les magnifiques sterculiers, sterculia de la variété foetida, arbres à merde comme ils disent (c'est plus mignon de dire « caca »), à cause des fleurs, à l'origine d'impairs de la part de ceux qui ne savent pas (une mésaventure dont je ne suis pas fier), pourtant au bois réputé et dont les fruits rappelant des châtaignes peuvent être consommés. 

Hapandzo le village accolé à Barakani... Comment s'appelait le coquinou qui, profitant du mzungu fraichement débarqué, devant toute la classe, avait déclaré habiter “ penzo ”, terme d'un registre parallèle au lexique shimaoré, ayant peut-être trait au sexe (une petite enquête a posteriori ayant amené à cette hypothèse), et qui avait alors fait rire toute la classe, mzungu compris... même en dessous, le patron confirmera que l'ambiance n'était jamais à la mélancolie... 
 
La cascade de Barakani permettant de comprendre que l'eau franchit d'un saut une coulée de lave. 

La route aussi doit passer ce qui reste de ce surplomb dégradé par l'érosion ; elle ne le fait que grâce à cinq lacets épingles à cheveux, d'où le surnom venu on ne sait d'où, de “ Tourmalet ” parce que le Tour-de-France tombait ici hors vacances scolaires mais heureusement en dehors aussi des heures de cours. Mis à mal en année normale par les glissements de terrain dus à trop de précipitations, les massifs de bambous ont plus souffert encore suite à Chido.   

(1) Honte à ceux qui en sont restés aux résolutions de l'ONU souvent contradictoires par rapport à la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il y a tant à dire sur ses décisions à géométrie variable, de toute façon corrompues par les rapports de forces, séparant un même peuplement sinon réunissant des populations marquant des disparités voire des différents. Pardon pour cette analyse rapide mais si c'est pour en arriver à l'inacceptable, comme de livrer des humains minoritaires à des dominants...  

Note : sans compter celles perdues, disposer de milliers de photos et ne pas en avoir sur les samaneas, les sterculias, les villages d'Hapandzo, de Barakani et sa cascade, du “ Tourmalet ”, encore des balades à faire absolument sans partir pour autant à Trinidad « tout là-bas aux Antilles... » ou en Indonésie...    

 

vendredi 12 décembre 2025

ONGOJOU, un MICROCOSME (22)

Montée d’Ongojou (1), et non « Ongoujou », vers le col ! 184 mètres ! mais à l'image de Mayotte, en virages, contours et détours nombreux, plus, entre courbes de niveaux, un tronçon terminal raide, au-delà de 10 % pour la sensation de se hisser là-haut.
Arrêtés dangereusement avant un tournant, en pleine chaussée, certainement pour un contrôle de passagers lié à l’immigration clandestine, les militaires en treillis doivent aussi assurer la circulation en sens unique. Ongojou : sous le gros manguier, un petit marché tout petit de quelques étals bien qu'aussi en couleurs que celui d’en bas, tout à l’heure (moins récent). Ici plus de marchands que de clients contrairement à jadis, un arrêt, en rentrant de la ville, pour les voitures et taxis-brousse. Ici, des locaux foncièrement agriculteurs, tournant complètement le dos à la mer, aux mots, aux accents, aux variantes lexicales traduisant au cloisonnement d'une île en bassins fermés par des lignes de crêtes effilées aux airs montagneux. Ici, tout en haut du col, des hommes qui regardent les voitures se déverser d'un côté ou de l'autre, ne s'arrêtant guère plus. 


Ici deux frères qui se faisaient vieux, du temps de l'ylang-ylang, des cueilleuses pas chères, des conduits de bambou pour l'eau de distillation, des réserves d'un bois bien que veiné, des alambics ventrus qu'on ne volait pas alors, pour le cuivre... 


Des deux frères en partage, il n'en reste plus qu'un, accroché à une terre qui tient le soleil en laisse du lever au coucher. Le frère qui jouait dans Kilimandjaro International, le groupe local d'une musique devenue traditionnelle, n'est plus. 
À l'image d'Ongojou, Mayotte a tout d'un microcosme... Vrai que l'archipel présente une fragmentation kaléidoscopique de gens avant tout (à Ongojou, une immigration anjouanaise ancienne), de langues donc, bien sûr venues d'ailleurs puis teintées d'insularité, un multiculturalisme qui a prévalu dans l'acceptation d'une immigration locale (70 kilomètres à peine séparent d'Anjouan la voisine) tant que l'idée d'un destin commun ne s'est pas posée... Et maintenant une terre où il faut marquer sa présence sans quoi, tout disparaît, volé, même les vaches quand ce n'est pas la boucherie par une meute de chiens redevenus sauvages...(à suivre) 

  
(1) « Un jour, accompagné par le chef du village, c'est un spécialiste de la préfecture qui s'est pointé. Il a beaucoup parlé et quand sa main ne frottait pas la sueur de son front, son doigt pointé allait du puits aux premières cases sauf que l'eau n'a jamais voulu suivre le chemin indiqué. D'autres techniciens sont venus : le terrain, ils l'ont arpenté avec des lunettes de géomètre sauf que l'eau ne voulait rien savoir. ils baissaient tous les bras et ceux du chef en tombaient lorsqu'il informait la population déçue d'un énième échec. Tout le village jasait, les gens riaient sous cape de ces wazungus, ces Blancs prétentieux de faire venir l'eau dans le puits. 
Quand Rondo de l'Agriculture (DAF) a pris la suite, de moqueurs les propos devinrent railleurs. Quand il fit creuser un bassin proche des cases, les femmes ont ricané. Il a posé des panneaux solaires, les hommes l'ont mis en boîte. Quand il a aligné les tuyaux ils ne se sont pas gênés pour se payer sa tête. Mais quand le bassin s'est rempli, alors les cases se sont vidées, n'y croyant plus, les femmes, les hommes, les gosses, l'ont entouré en dansant, en chantant, en tapant des mains. 
Quelqu'un a mis des paroles sur l'air et depuis, la chanson d'Ongojou honore à jamais Monsieur Rondo, le mzungu qui a si bien retroussé les manches pour eux. » Extrait « MAYOTTE...CARTES POSTALES » 1999. 
 
“ Maji a Ongojou             L'eau à Ongojou 
Ya furaha na baraka         Du bonheur aussi de la chance
Rika makini                     Nous étions patients
Rako zilindriliha              Pendant que nous attendions (?)
Rondo awasuli                 Rondo est arrivé 
Na maji yawasili              Et l'eau est arrivée... ” 

Pardon pour ces approximations, sinon, sur un autre air, ici une version sûrement postérieure à l'oralité première. 
Sur Internet, tapez « RONDO DAF Mayotte »... DAAF oui car il faut être au top avec le second « A » d'alimentation ! Sinon, rien, kavu, tsisi, il n'y a pas ! Contrairement à l'administration sans mémoire, tournant les pages au gré de “ l'écumage ” de l'île par des fonctionnaires éphémères, au contrat limité, tremplin seulement vers des points encore à cumuler outremer en vu de quelque promotion au retour, le nom de « Rondo » y est honoré... 

 

jeudi 11 décembre 2025

RETOUR à MAYOTTE, la BARGE puis la ROUTE (21)

...les places ne manquent pas sauf que le plein soleil donne dessus, il y en a bien une à l’ombre mais avec le pied de l’homme en face dessus ; alors je dis pardon pour signifier vouloir m’asseoir à l’ombre, et, peut-être une de ces attitudes marquantes de Mayotte, de gens loin de la réaction épidermique, du renfrognement égoïste, revêche, sinon dédaigneux si commun aux Occidentaux, l’homme, la trentaine, manifeste son bon accueil par un sourire. Comme dans le taxi avec le voisin, l’occasion d’échanger ; il a une valise ; comprenant mais ne pratiquant pas visiblement notre langue, en explication de sa provenance, il montre le quai, lien avec Anjouan et les Comores ; je n'insiste pas. 

C'est tout vu, pas terrible, la photo.de la chatouilleuse qui aborde... mais on devine à gauche, le quai flottant destiné surtout aux liaisons avec Anjouan ainsi que, sur la côte, l'immeuble Ballou dont nous parlions... 

Finalement je la prends la photo de « La Chatouilleuse », d’un peu loin, nous verrons bien. Autre attitude parfois rencontrée à Mayotte : le manque de discrétion, le parler fort de certains hommes, braillards entre eux ou au téléphone jusqu’à passer pour de grandes gueules. Bien choisir le côté à l’ombre lors de la traversée, tribord au retour ; de quoi retrouver toujours la même bouée jaune marquant l’avancée du corail, la zone à éviter dans le bras de mer vers Mamoudzou et Grande-Terre (1). Quinze minutes de traversée ; débarquement, scène si marquante ici mais à ne plus observer tant la pensée de la suite du trajet est prenante, tant domine l'impression que la nature de Mayotte se remet mieux du cyclone que ses habitants. Le plan incliné de la barge racle le béton de la rampe d'accostage. 

Du monde toujours, au camion-bar, mobile par essence mais toujours là. Sur le parking, le sens de circulation s’est inversé ; de toute façon nécessité fait loi, il faut trouver un peu d’ombre pour attendre. Tut tut, la voiture dans mon dos voudrait que le minibus devant avançât plus vite, tut tut à nouveau, je me tourne, une main me fait signe, oh ! c'était, c’est pour moi ! 
Toujours des travaux : à présent ils défont les ronds-points pour cause de voie Caribus, dédiée au transport collectif interurbain… Vingt-cinq ans au moins qu’il se dit qu’il faut faire quelque chose pour faciliter la circulation, 1 heure et demi à condition de partir à 5 h 30 pour faire trente kilomètres (2) ; ce n’est d’autant pas acceptable que le constat est ancien. Point positif cependant : pour une fois des actes répondent aux paroles officielles. Amputés de leurs branches par la furie de Chido, les arbres présentent des moignons aussi fournis que des pompons de pompom girls. Oh ! dans un tournant à l'ombre, un gentil resto ancien aux airs de guinguette, décapité. Par distraction j'ai manqué d'observer ce qu'étaient devenus les grands arbres autour.  
Descente vers Ironi bé, justement là où dans l’autre sens, l’embouteillage supportable du matin commence : des grands bouquets de bambous, ne restent que tronçons et brisures inégales, jaunis et souvent noircis à la base par le feu d'une saison sèche qui en a rajouté. En bas, là où la route coupe la mangrove parallèlement à la côte, jadis, de nuit, un cimetière pour les crabes, et en limite, un grand chantier estampillé Colas : la nouvelle usine de dessalement d’eau de mer. 

Embouchure de la Dembeni 2007 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Pauly. Au fond le village de Tsararano, au premier plan, l'estuaire dans une belle mangrove. A-t-elle résisté et se remet-elle du cyclone Chido d'il y a un an ? 


À Tsararano, encore, étymologiquement, une histoire de “ bonne eau ”, mais ça c’était avant et il y a longtemps que la situation s’est dégradée, en particulier avec la rivière jadis jolie, d'abord blessée lorsque les détergents des lavandières ont remplacé le savon de Marseille, finalement vidée de beauté et de vie, muée en dépotoir de plastiques et autres déchets. Au village, le marché a été déplacé, encore pour cause de travaux, à bon escient espérons. 

(1) août 1998. Au moment de quitter l'île, comme un salut peut-être à jamais, une tortue verte en surface.  

(2) 30 minutes dans les années 90 avec le plaisir, une fois par semaine, de laisser “ la brousse ” pour une rue du commerce où la plus grande boutique n'avait rang que de supérette, l'autre, place du marché, étant la Snie d'Ida Nel, personnage incontournable de l'île. 

mercredi 10 décembre 2025

Le ROCHER, les CHATOUILLEUSES (20)

Des oiseaux, des fleurs, le jaune des allamandas, le rouge des flamboyants et tulipiers du Gabon, le parfum douceâtre des frangipaniers, ne manque, au milieu, que le préfet en tenue « grand blanc ». Le taxi nous dépose dans cette atmosphère, 2 € la course plus un par bagage. De là il faut rallier le débarcadère, trois cents bons mètres séparent du « Quai Ballou » (1), abrité des vents de mousson du nord, au nom de famille visiblement originaire du sous-continent indien, installée à Mayotte depuis 150 ans (2). Abandonnée, l’imposante barre commerciale qui en jetait encore dans les années 90 : le débouché de la barge, l’excentration de la presqu’île par rapport à Petite-Terre, le développement de Grande-Terre, semblent en être les causes. Fini le temps où le Rocher restait synonyme de protection, de dernier rempart contre les razzias sakalaves, contre les sultans batailleurs d'Anjouan.  


Depuis le débarcadère, un catamaran de belle taille, échoué parce qu'éventré en plusieurs points, rappelle la puissance destructrice du cyclone Chido. De l’autre côté de la rampe d'accostage, sur un quai flottant, des gens semblent attendre un embarquement pour Anjouan.

En ce milieu d’après-midi, l’amphidrome n’est que très moyennement fréquenté. « La Chatouilleuse », l’autre bâtiment, termine sa rotation en sens inverse. « La Chatouilleuse », au nom bien trouvé puisqu’il représente et honore les femmes de Mayotte, les chatouilleuses qui pratiquaient afin de signifier à tous les envoyés comoriens qu’ils n’étaient pas les bienvenus, qu’il leur valait mieux rembarquer sans tarder (3). Ne voulant pas en faire trop, peut-être aussi par relâchement, quitte à me rattraper quand je récupèrerai les valises, je ne sors pas le téléphone pour la photo. (à suivre)

(1) en « kusi », la saison sèche des alizés, c’est le quai Issoufali au nord du Rocher qui est utilisé. 

(2) les échanges entre la façade occidentale du sous-continent indien et la côte Est de l’Afrique, de Zanzibar aux Comores, Mayotte, Madagascar et les Mascareignes étaient régis par l’inversion annuelle des vents de mousson. À “ l’époque moderne ”, c’est le tissage anglais demandeur de coton qui a provoqué la misère et l’émigration des Karans et Banians sur les voies commerciales assurées par des boutres. Claniques, ces sociétés matériellement aisées, restent marquées par l’endogamie et l’homogamie des mariages “ arrangés ”. (Qu’une “ Indienne ” au chaperon couvrant la tête et les épaules, me passe son stylo oblige à revenir sur ses façons de voir…).

(3) À la vision de résistance liée au Rocher de Dzaoudzi, en tant que bastion ultime, nous nous devons de joindre l'action des femmes de Mayotte : face à la France se lavant les mains de déshériter, de brader des terres “ volées ” aux locaux, de trahir,  suppléant les hommes, embarrassés de ne pas se mettre la métropole davantage à dos, la position de Mayotte étant des plus délicates, ce sont les femmes qui ont infléchi, pesé pour un le futur de l'île. Pardon de n’avoir retenu que “ les trois Z ”, Zaina Meresse, Zakia Madi, Zéna M’deré et Coco Djoumoi, parmi les meneuses d’une centaine de femmes organisées en commandos de protestation ; avec les chatouilles, elles passaient aussi les nuits à jeter des cailloux sur les toits de tôle rendant ainsi le séjour des officiels comoriens insupportable. L’Histoire est d’autant plus émouvante que les hommes, face à la volonté française de transférer le pouvoir politique à Moroni, se retrouvaient alors tout à fait réduits à l’impuissance.


mardi 9 décembre 2025

CRABES, CLAIRONS, TORTUES (19)

Crabe, pas “ tambour ” du tout, pour le boulevard, le panier aussi, entre coups souvent tordus des acteurs politiques et les desseins secrets des piliers ponctuels de la République servis par son bras armé marchant au clairon. Quant aux tortues, pas celles qu'on attendait, que pourraient-elles nous signifier ?  

Labattoir, à l'époque la seule mairie qui mariait civilement (1) je ne me souvenais pas de la station d’essence jumelle, côté mer. Reliant des îlots construits au dessus du corail, route-digue, le boulevard des Crabes laisse une impression de vide, même les pêcheurs ont déserté la crique où ils débarquent le poisson (2), sinon, concernant la végétation, inutile de rappeler les dégâts causés par Chido. À droite, un coup d'œil, toujours ; l' « Ylang », “ notre ” voilier de la virée au Banc du Geyser, de notre “ croisière ” aux Comores aussi, ne s'y trouve certainement plus en réparation. Pourtant, à sec, les coques sont si nombreuses qu'il est facile de l'imaginer concrètement (3).   

Le Rocher de Dzaoudzi, lui, a gardé une sorte de sérénité paradoxale, très vieille France : 

« ... Au temps béni des colonies, 
Entre le gin et le tennis, 
Les réceptions et le pastis, 
On se s'rait cru au paradis, 
Au temps béni des colonies... » 
Le Temps des Colonies 1976 / Michel Sardou

Inutile d'ajouter que bien des dehors d'un “ concubinage ”, le “ mariage ” demeurant si peu dans les intentions de la France, ont alimenté et dénotent encore chez certains, une nostalgie affleurante quoique inconsciente de ce “ temps des colonies ” sinon d'un néocolonialisme récurrent.  

Hors d'âge, le Rocher de Dzaoudzi, a su garder une végétation comme à l'écart des cyclone ; ensuite, 11 novembre ou pas, toujours cette impression de ville fantôme ; 

La Résidence du gouverneur (Dzaoudzi, Mayotte) 2017 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Auteur Jean-Pierre Dalbéra from Paris, France. 

« Dans les années qui viennent, il est prévu que le musée, actuellement hébergé dans l'ancienne caserne, soit définitivement installé dans l'hôtel du gouverneur (la Résidence) construit sur "le Rocher" à l'emplacement du palais du sultan Andriantsouly qui a vendu Mayotte à la France en 1841.

L'hôtel du gouverneur, avec ses vantaux et sa structure métallique est un vestige de l'époque coloniale.

L'édifice appartient au conseil départemental, il est actuellement désaffecté, notamment en raison de la présence de termites qui ont fortement fragilisé les parties en bois. Le bâtiment est en attente de restauration.

L'inauguration du musée en 2015 www.cg976.fr/actualite/292/inauguration-du-premier-musee-...

Le musée de Mayotte dépend du conseil départemental de Mayotte (101ème département français depuis le 31/03/2011)

www.cg976.fr/nos-missions/a-vos-cotes/culture-patrimoine » (commentaire de la photo sur le site Wikipedia). 

les bâtiments coloniaux épargnés, imposants pour certains : prison au mur borgne ? caserne plutôt et possiblement musée aujourd'hui, maison du gouverneur, sur les fondations du palais d'Andriantsouli, sultan de Mayotte (180 ans en arrière), qui fut aussi préfecture, actuellement en travaux (surtout contre les termites), avec ses canons tels les gros jadis au dessus des remparts, aujourd'hui dans le cantonnement de la Légion Étrangère ; la résidence du préfet, les cases réservées aux officiels de Paris en visite (on le sait lorsque les couleurs bleu-blanc-rouge sont hissées) (4). Et aussi un hôtel boîte de nuit qui a compté (qu'en est-il à présent ?), appartenant à Adrien Giraud (1936-2018), homme politique influent au parcours trouble parfois, de ceux accros aux mandats, voulant toujours plus, jamais rassasiés d'honneurs, lui, a couronné sa richesse économique par un poste de sénateur ; 

Entrée de la zone militaire du DLEM 2017 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Auteur Jean-Pierre Dalbéra Paris

enfin la présence du DLEM, la Légion au quartier Cabaribère participe à conférer au Rocher une continuité historique faussement apaisée par la présence des tortues géantes d'Aldabra (5). 

(1) Lucie et Marcel gendarme à Sada (1995)... mais je ne n'entrouvre pas davantage un de mes trop nombreux tiroirs gigognes... 

(2) Géoportail indique une « halle au poisson »... le présent m'aurait-il de beaucoup dépassé ? 

(3) 1996, une coque acier mais plutôt cocotte-minute, proche d'être percée par endroits, un danger dont nous n'avons pris conscience qu'après. 

(4) dans cette continuité historique, Petite- Terre a longtemps regroupé tout ce qui est stratégique (aéroport, carburants, centrale électrique, sièges de la Légion, de la gendarmerie, de la radio et télévision...) au cas où l'île aurait représenté l'ultime point d'appui de la France à Mayotte (dans les années 90 l'armée organisait encore des “ évacuations de ressortissants ” ???)... Quant à la première unité de dessalement (1997 ?), sa localisation est, semblerait-il (?) due à la limite du corail, donc à la proximité immédiate de l'océan.  

(5) D'une espérance de vie dépassant 150 ans, Jonathan serait né vers 1832 (193 ans en 2025 !?)... Accusant, pour les mâles, jusqu'à 300 kilos, elle est plus grosse que la tortue des Galapagos.

lundi 8 décembre 2025

DZAOUDZI, l'aéroport (18)

 Attente vaine des bagages, comme souvent, pour ne pas dire « toujours », du moins « très, très souvent » avec Kenya Airways, peut-être fierté de l’Afrique mais non sans point noir. Un Embraer pratiquement plein (en 2023, à moitié seulement). Un avion plus gros ou alors que n’autorisent-ils qu'un seul bagage au lieu de deux, les tarifs resteraient attractifs face aux compagnies sur l’Outremer Indien dont Air Austral, l’aviateur institutionnel réunionnais subventionné, étouffant l’ouverture de Mayotte à la métropole et au Monde (sûr qu'ils y sont pour beaucoup dans l'empêchement à la piste longue), dans un quasi monopole, avec la complicité de Corsair. 
Certains l’ont mauvaise de ne pas récupérer leurs affaires mais pourquoi récriminer ? le personnel de Dzaoudzi n’y est pour rien et qui sait si le monsieur badgé qui met tant de valises de côté y est pour quelque chose ? Le déchargement terminé, je vais voir, avec d’autres. Hélas, ce sont les bagages de mardi dernier ; il aurait pu préciser. Bref, ça peut durer une semaine… ou deux… Faudra appeler dès qu’un nouveau vol atterrira… et revenir chercher nos biens (il fut un temps ou un fourgon affrété assurait la distribution à domicile sur tout l'archipel… mais loin de s’arranger, la situation a empiré). 

mai 2023. 

Alors ? la compagnie de Nairobi ? Fini les packs de Roquefort dans les valises, surtout pas de périssable… Des voisins non informés se demandent si le Comté et l’Abondance vont supporter… Sinon, pas mal quand même Kenya Airways : un jeune à Nairobi pour Maurice, ne disait-il pas avoir payé seulement 670 euros l’aller-retour ?

Plutôt que le contrôle douanier causant un embouteillage, ce sont ceux, en deuxième et troisième file, innocents aux mains pleines, vrais culottés voulant passer devant tout le monde, qui bloquent le passage « Rien à déclarer ». Se laisser faire ? Patienter ? Râler ? La meilleure des défenses étant l’attaque : pardon, pardon, jouer des coudes. À culotté, culotté et demi. Faisant barrage, les douaniers amusés me laissent passer ; sans m’en excuser auprès du troupeau, je lance aux gabelous qu’ils peuvent voir mon sac. Ce qui eût pu passer pour une provocation, passe… il est vrai qu'à Mayotte, c’est presque toujours bon vivant, pas renfrogné, presque toujours en sourires entre inconnus, réminiscence timide d'un paradis perdu encore perceptible plus de trente années après.

Une longue file de taxis collectifs attend à destination du débarcadère. Ce n’est plus un alignement hétéroclite de véhicules de tous genres, marrons parfois, au black, gages de gains immédiats, jadis, car la maréchaussée a peu à peu prescrit l’ordre européen. Il reste une place. Rieur (je l'ai abordé en disant une bêtise), le voisin glisse à droite du chauffeur. Je demande si après le cyclone, les bananes donnent à nouveau : 

« Ça commence, il me dit, mais je ne mets plus de manioc. 
—  Ah bon ? et pourquoi ? 
— Ils m'ont tout volé, des bananes aussi ils me prennent, mais pas tout » (à suivre)


dimanche 7 décembre 2025

« ...Qui m'est une province et beaucoup davantage... » (17)

Des photos certes, en arrivant, mais comme on en prend de nos êtres aimés, sans raison précise, juste parce qu'on aime... Mayotte avec des trouées de soleil dans un mitage nuageux ; l’appareil survole Grande-Terre, plein centre, la contourne afin de se présenter sur la seconde île habitée, contre les souffles du nord, entre le Kashkazi de Nord-Ouest et le Nyombeni de Nord-Est, éclaireur du premier, mais tout aussi messager de la saison des pluies.  

Ciel mitigé sur Mayotte, ce 11 novembre 2025. Sur l'autre bord de la baie de Chiconi, la petite échancrure au centre de la photo, grâce à l'imposant bâtiment du lycée de Sada (dit « polyvalent » : triste de ne pas avoir un vrai nom...), je situe la maison qui m'abrite. Et comme toujours, tout se bouscule dans ma tête :
1) 11 novembre, je n'ai pas encore marqué ma fidélité au rituel qui chaque année, me fait lire la liste de nos Poilus morts au combat. (fait le 8 décembre en relevant l'occurrence des prénoms, avec six Henri ou Joseph...)  
2) éclair de pensée pour la chèvre de Monsieur Seguin d'Alphonse Daudet ; tout en bas dans la plaine, la maison avec son clos derrière « Que c'est petit dit-elle... »
3) un clos ? et c'est Joachim du Bellay qui dit bonjour :
« ...Reverrais-je le clos de ma pauvre maison, 
Qui m'est une province et beaucoup davantage ? » ; il se sentait exilé, lui, heureux comme Ulysse, de revoir fumer sa cheminée. (1522-1560), son seul refuge... pas migrateur donc Joachim, contrairement à ceux avec au moins deux points de chute ; pas de chance non plus, Joachim, 37 ans, apoplexie, un AVC je pense... 
Toujours du coq à l'âne, merci de me supporter...  


Déplumé, le versant de La Vigie ne présente que des bouloches éparses, de verdure certes mais dépouillé d'arbres, mutilé ; faudrait une photo pour plus de précision quant aux manguiers, aux cocotiers... sauf que fatigue et soulagement prévalent... 

« Tu veux te voir avec beaucoup de cheveux ? Prends vite une photo ! », voici ce que disait la blague entre hommes sur un début de calvitie ? De quoi rire jaune, sur la végétation, suite au passage de Chido, le cyclone, il y a 11 mois de cela. Des flaques, lors du roulage, confortent l’idée d’un bon début de saison des pluies, promesse d'un mieux dans les coupures d’eau potable, plantations et semailles. 

Acacia_roja_-_Flamboyán_(Delonix_regia) 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license. Autor Alejandro Bayer Tamayo de Armenia Columbia. 
Étonnamment fourni, celui-ci, à côté de celui de l'aéroport de Mayotte. désolé on n'a pas toujours à cœur de prendre une photo comme de toujours se justifier : mes flamboyants brûleront à jamais pour Petit Georges...   


Aux abords immédiats, durant le roulage, un flamboyant vif vermillon, tel celui, à Sainte-Suzanne, dont le rouge m’avait foudroyé d’espoir en faveur d’un “ Petit Georges ”, 11-12 ans, au Québec, en lutte alors contre une leucémie (1)… Sauf que la vie a une logique que l’espérance n’admet pas ; sauf que l'espoir ne sait pas se taire face à l'unidirectionnel de la vie, parfois une ferrade à vif le rappelle, jusque dans les chairs. 

Dans le conduit de descente où, moins surpris que la première fois, quittant la clim de l'avion, le corps entre en contact avec la réalité climatique de Mayotte, un papier de l’ARS, pistage, dépistage de santé publique, est distribué. Pas de poubelle en vue : reliquat d'un esprit, jadis, un peu rebelle ; de toute façon, on ne peut y échapper : un cerbère empêche l’accès au contrôle des passeports « Seulement le numéro de téléphone », il lance, compatissant. Avec quel stylo ? Où est passé le mien ? Obligeante, une dame m'en prête un. Pas celui du préposé qui ne reviendra pas... Vite, faut lui rendre. Qui plus est, cette aide vient relativiser le sentiment général que les Indiens de l'île sont à part, vivent entre eux depuis ces temps anciens où on les a envoyés commercer puis s'installer là où les affaires étaient possibles... Le temps bouscule nos à-peu-près, faut en convenir et en savoir gré. 

« Monsieur, ce visage, je vous ai reconnu de loin, fallait que je vous parle. Le collège de Chiconi ? Années 90 en histoire-géo, c’est bien vous ? Superbe, souriant, il a fait en sorte de me précéder d’une place pour m’aborder.

— Mais oui, c’est gentil de ta part. Rappelle-moi qui tu es. (la mémoire se réduit aux quelques uns, les derniers surtout, sinon ceux au triste destin, de ces milliers sûrement, d'enfants et adolescents confiés à nos devoirs sur quarante années de métier...). 

— “ Bel… Ben… ” j’ai 47 ans, une belle jeunesse à étudier, avec vous tous, les profs. Une autre époque, du respect, on aimait apprendre… Et vous, toujours à Mayotte ?

— C’est vrai. Vous étiez tous touchants de confiance... Tu sais j’ai eu la chance de ce respect réciproque. Loyauté, sincérité permettaient d’aborder tous les sujets, sans tabou. (J'ai toujours été pour aller de concert plutôt que d'assujettir, de guider mais par le dialogue, la persuasion, pas le bâton). Sinon, oui, ma vie a continué, je me partage entre la métropole et Mayotte, et depuis la retraite, ici, à Sada, et un dernier fils qui a 19 ans aujourd’hui. (Et lui de me citer cinq ou six noms de collègues avant de s’enquérir du mien, un moindre mal, pas de quoi s'en savoir mal. Moi aussi devrais chercher dans mes listes et cahiers de notes. 
Les passeports, les bagages, l’anticipation du trajet à la barge, les conditions n’y sont pas pour une disponibilité sans entrave, un échange sans arrière-pensées).

— De toute façon, je suis toujours à Sada, on se reverra. (Oh ! Pas le temps de demander ce qu’il fait… comme je m'en veux. » (à suivre) 

(1) terrible un gosse demandant à mourir pour ne plus souffrir ! Petit Georges est parti en juillet 2011... La vie nous broie les tripes de ses serres mortelles... 


samedi 6 décembre 2025

De la côte SWAHILIE au CANAL de MOÇAMBIQUE (16)

 Autres détails sur ce vol sans problème : chicken, beef or vegetables (si j’arrive encore à tirer quelque chose de mon “ english ” trop scolaire et enfoui, à ne pas mélanger avec le teuton). Très bien préparé le plat… un conseil pourtant : ne pas prendre le bœuf à cause du couteau en bois, aurait-il honorablement remplacé le plastique. Et une Tusker ! Et pas un mot de français, ce qui, malgré la qualité de la bière, vaudra une deuxième étoile de moins à la compagnie kenyane desservant un département français... 

Île Mafia. 

Et oui, déjà la mousson. Pas de Zanzibar ourlée de plages, peut-être un brin de Mafia, l’île, pas l’organisation criminelle (j'ai cru avoir lu quelque part que des U-boot allemands y auraient été basés pendant la première guerre mondiale, mais rien au fil des ans n'est venu confirmer). Rien du survol non plus de Ngazija, la Grande-Comore. 

On dirait que le vol veut passer le plus loin possible de la province de Cabo Delgado au Moçambique où une peste noire, un cancer djihadiste menace de ses métastases toujours plus agressives comme au Congo et peut-être déjà en Afrique Australe, pour ne pas parler de l'Europe, de la F... Certes, au Sahel, au Nigeria, un peu au nord des pays du Golfe de Guinée, mais on ne veut pas en dire davantage, surtout par la télé d'État, aux infos. La règle est « Dormez tranquilles braves gens ! enfants que vous êtes, laissez-vous endormir, anesthésier... »
Dans « Des trains pas comme les autres », documentaire conviant de manière implicite à se dire que finalement c'est pas mal chez nous, récent de 2025, Gougler reste dans le “ tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ” ; il est plus facile pour lui, de rappeler le passé et la longue guerre civile de quinze ans suite à l'indépendance. À sa décharge, son sujet se limitait à ce que le réseau lui offrait, à savoir qu'il n'y a pas de voie ferrée sur les 500 kilomètres à vol d'oiseau entre Nacala et au nord, la frontière tanzanienne, la région des exactions, tueries, viols, enrôlements de force d'enfants-soldats. Normal de ne pas s'y risquer donc, mais un mot de la part du voyageur-vedette n'eût point été de trop...  
 
Sauf que le temps n'est plus aux cocotiers de la plage...

Une population jadis paisible ; ici elle reçoit des insecticides de l'aide internationale afin de prévenir le paludisme. Morts ? réfugiés ? démunis de tout ? Entre la fureur des djihadistes, les violences, dit-on, des soldats officiels, une collusion peut-être seulement de fait de Total Energie, que sont devenus ces femmes et enfants ? 

J'ai quand même regardé, avec intérêt, en quête de ce qui peut associer l'identité mahoraise à la côte swahilie et aux pays riverains du Canal de Moçambique. En plus de la nourriture, du masque de santal, du syncrétisme entre sorcellerie animiste et religion, de termes lexicaux partagés, tout comme partout, des peuples confondent leurs origines puisque les esclaves déportés à Mayotte étaient des Makuas du Nord-Mozambique, des Mushenzis ou autres M'shambaras jusqu'à la Tanzanie (1). 

Faut dire que jouant l'isolement de Mayotte pour ne pas rendre les gens plus intelligents, en fille sage de France 2, 3, 4, 5, “ soleil ”, Mayotte Première préfère aussi le nombrilisme à l'ouverture régionale (2)... 
Pas de survol non plus, d'Anjouan avec parfois Mohéli au loin. Bien visible, nous remettant à l’échelle réelle, avec ses limites cernables, une averse, peut-être un grain sauf que la photo n'a rien rendu... (à suivre)

(1) à Mayotte, évoquer un M'shambara revient à moquer un esclave plus esclave que soi, une distance sinon un humour bien féroce, comparé à celui, chez nous, lorsque le languedocien, l'occitan en général se font rabaisser en tant que patois...   

(2) infos pour le côté pratique, au-delà de la santé, de la culture, on reste attentif aux déconvenues et contrariétés, les coupures d'eau, les travaux et autres vecteurs d'embouteillages, sinon, du bout des lèvres, les barrages routiers de la population tolérés contre les descentes de voyous : aveu d'impuissance des autorités, les faits divers délictueux, plus pour relever qu'il ne faut pas se faire justice soi-même, que pour aller dans le sens d'une réalité des violences, éhontément réduite en sentiment d'insécurité... 

PS : pas plus tard que le 5 de ce mois, sur Arte, un reportage sur Ilha de Moçambique. 

vendredi 5 décembre 2025

Les NEIGES du KILIMANDJARO (15)

 La porte 16, c'est moins à part, plus pour une clientèle reconnue parce qu'en nombre, d’ailleurs ce n’est pas un autobus qui emmène pour un appareil distant sur le tarmac au milieu d'autres, proches parfois de vénérables aéronefs jadis fumants et pétaradants, de collection, réformés. Désormais nous avons droit à la passerelle télescopique directe vers l’avion. Étonnement aussi, nous sommes à l’heure, enfin, à dix minutes près. En attendant, avec cette histoire de carte d'embarquement, me retrouvant voisin avec un jean déchiré, de ceux qu'on porte pour travailler au champ (je n'ai plus l'âge d'être accessible aux modes), ma place au fond de l'Embraer pratiquement complet est perdue. Période rouge ou bleue, morte ou pleine saison, toute l'année, le monde bouge de plus en plus, c'est d'autant plus visible chez les îliens.  

À une autre échelle, le trajet Nairobi-Dzaoudzi me fait l'effet d'un Béziers-Fleury, à bien s'imprégner du cadre page après page, à en reconnaître les moments, les vues, à s'y reconnaître, s'y intégrer mentalement. 

Toujours le même plateau aux abords de Nairobi. 


Après les terres brunes des hauts plateaux (mais une saison verte doit bien revenir à savoir l'importance de la faune herbivore et ce que Karen faisait pousser dans sa ferme par là d' « Out of Africa »), le Kilimanjaro porte-t-il encore sa calotte de neiges et de glace ? 
La chanson Kilimandjaro... Qu'on soit africain ou méditerranéen, la neige c'est blanc, lumineux, frais, agréable longtemps l'inconscience de l'âge ne veut pas en voir les tourmentes, le danger, la mort, longtemps, l'ignorance empêche de savoir qu'il neige et fait froid au Lesotho. Pascal Danel (1944-2024) peut bien chanter « Il n'ira pas beaucoup plus loin... » et plus loin « ...il va mourir bientôt... », nous nous refusons à entendre que le blanc manteau de neige n'est qu'un linceul et puis qu'est-ce qu'on peut bien entendre, à danser le slow avec une fille agréable (la chanson est de 1966) ? Cet homme jeune qui va mourir, il ne se cristallise qu'avec le temps... oui, jeune vu qu'il pense en premier « dans son délire [...] à la fille qu'il aimait » ... la vieillesse “ dépouille ”... Que les neiges du Kilimandjaro lui fassent « ...un blanc manteau où il pourra dormir », c'est son truc... pardon d'être à l'âge où il ne reste des pensées que les branches nues d'un arbre sans feuilles, dont la verdure remonte à trop loin... Oh, une chose cependant, si tout fond là-haut c'est que nous l'aurons bien esquintée la Planète ! 
À peine le temps de réaliser l'injustice d'ignorer complètement le Mont Kenya bien alpin et pointu plutôt que bossu, avec à peine quelques centaines de mètres en moins mais quelques plaques de neige et petits glaciers aussi... il faut dire que les vols arrivent ou repartent de Nairobi surtout de nuit. 

Kilimandjaro, la montagne pleure, du rimmel coule sur son visage... 


Mombasa et l'Indien. Mauvais signe et confirmation puisque les neiges du Kilimanjaro émergeaient à peine de la ouate (était-ce le cas de tout l'ensemble de volcans ?), à vrai dire d'un trou improbable dans la nébulosité ambiante, les trains de nuages marquant déjà une inversion de la mousson : la saison des pluies (le climat équatorial du Kenya en connaît deux phases distinctes dans l'année) va nous masquer tous les bleus tropicaux des côtes coralliennes. (à suivre)    

jeudi 4 décembre 2025

LIONNES s'il faut, les KENYANES ! (14)

Et peut-être pour dédramatiser un sujet si commun sur les bassesses humaines, fredonnant «... Où vont les flots bleus du Tanganyika... », me sont revenus et l'air et quatre paroles de Sardou dans « Afrique Adieu »... Oui, on pourrait prolonger et objecter que des chansons sur la colonisation ou Zombi Dupont relèvent d'une nostalgie impérialiste sauf que c'est qu'elles dénoncent aussi et bannissent le passif de notre pays exploiteur et paternaliste (1)... 
J'assume aimer Sardou même « Si les Ricains n'étaient pas là... » (2). 
Ce n'est pas taper en touche que de citer une chanson, documents et jalons de l'Histoire des Hommes, elles en disent long sur soi, les époques, les bouleversements plus rapides qu'on ne croit, de sens moral même... 
Autre facteur du paradigme : « Quand j'étais petit garçon, je récitais mes leçons, en chantant... » Sardou encore mais aussi, si vous en êtes « ...Et c'est tellement plus mignon de se faire traiter de con, en chanson... ». Des sources certaines au « Cogito ergo sum », le « je pense donc je suis » d'un certain René Descartes (3). Persistant et signant, entre autres nombreuses références ponctuelles dans les quelques 1600 articles publiés, une dizaine d'entre eux titrés « Le Monde ne devrait être que chanson et musique », une assiduité qui en attesterait, non ? (4) 
 
Le Kenya, pour la faune de ses réserves...

Les hôtesses appellent, plus efficacement que les communications au micro, caverneuses, marmonnées, à n'y comprendre que “ quouic ” ! (papa prononçait comme ça mais en argot, c'est “ pouic ” plutôt). Burundi et Mayotte se saluent d'un poing-à-poing. Évitant d'employer  “ check ”, à l'orthographe, d'ailleurs, peu sûre, quoique, de ma part, sans équivalent, à propos du “ scan ” quand ma carte ne passe pas et que les “ rouge kenya ”, véritables cerbères bien qu'au physique plaisant, me sortent de la file. Quoi encore ? un seul titre de transport pour une correspondance : non, iatus entre ici et Paris... La dame aux chapeaux est passée, elle. Contrariée, une plie mon sésame comme d'un coup de griffe. Une autre m'en donne un second... tandis que la dominante chapeaute ! Non mais... ils croient tout imposer, à Charles-de-Gaulle ?! Victime collatérale, je me sens, pas amorphe quoique, en tout cas obligé des femmes, le lion sur la vitre du Jomo Kenyatta International Airport, c'est pour sauver les apparences... Suite au scan en bonne et due forme, après hésitation, l'indisposée me rend la première carte, heureusement, les récépissés des bagages sont collés derrière ; elle aurait pu tout aussi bien mettre à la poubelle, je ne sais plus à quel moment je réalise alors que le risque de ne pas retrouver les valises à l'arrivée reste latent... voilà ce qu'il en est de la passivité et du flegme... et de quelques mots aussi vengeurs que lâches... 
Pas dans la jungle, la savane plutôt «... le lion est mort ce soir ohim bowé ohim bowé... » Reprise par The Tokens (1961) et la même année détournée en français par Gloria Lasso et heureusement plus fidèlement par Henri Salvador (1962), de la chanson Mbube (1939) de Solomon Linda. 

Dilemme au moment de titrer :  les femmes ou les chansons ? et moi et moi et moi ? (à suivre)

(1) À entendre qu'on leur aurait tant apporté, comment ne pas soupirer à l'idée du chemin de fer, par exemple le si meurtrier Congo-Océan ? Comment ne pas se poser la question de l'uranium à propos d'Areva au Niger et au-delà, d'une prétendue indépendance nucléaire de la France ?  Et puis comment accepter  des paroles telles que 
« Non, la nature n'a pas voulu que les gens soient égaux. Les Noirs, ils sont gentils. Les Noirs, je les aime bien, mais ils sont quand même un peu enfants. Ce sont des enfants, il faut les aimer comme des enfants.
Or on les traite comme des grandes personnes : il faut d'abord les éduquer. Il n'y a pas de civilisation : s'il y en avait une, on la connaîtrait ! Il y a des artistes noirs, mais il y a peu de choses que, jusqu'à présent, les Noirs ont faites. Les Noirs n'ont pas construit Notre-Dame de Paris, n'ont pas construit les Pyramides, n'ont pas construit la tour Eiffel... » ou encore qui chantait en 1955 qu'au Noël des enfants noirs c'est un bon dieu blanc qui trônait... Terrible, non, de la part d'un artiste si aimé à Narbonne ? Bien sûr, révélateur seulement d'un état d'esprit trop bien partagé, ne méritant pas pour autant l'anathème... ne soyons pas censeurs de l'anachronisme...  

(2) vrai qu'il est d'autant plus léger, partiel et partial, à propos des militaires, en n'évoquant pas les “ 18 ” millions de combattants soviétiques morts ou disparus... Si les Ruskofs n'avaient pas pris le dessus sur les nazis, nous serions tous en Germanie... sauf que la propagande à la française éludait cela au nom de l'appartenance au bloc de l'Ouest... et si de Gaulle avait interdit la chanson de Sardou, c'était, culminant avec le rejet des bases de l'OTAN, en réponse des noises causées par Roosevelt et des Amerloques qui auraient débarqué en pays conquis imposant même une autre monnaie que le franc.  
 
(3) Que voulez-vous, écrire ouvre tant de ressentis dans des tiroirs gigognes habituellement fermés, que, ne me traitant pas de con en chanson, un lecteur plus méchant a taxé mon propos de charabia indigeste, enfin dans l'esprit (je n'ai pas noté même si cela m'a obligé à une relative introspection). Or pourquoi taire ce qui pourrait passer pour “ du coq à l'âne ” alors que ces pulsions émergent à l'insu de son plein gré. En écrivant “ petit garçon ”, je ne peux m'empêcher de repenser à Ingrid Bergman (parce qu'ils en ont parlé dernièrement), si peu maternelle que c'en est choquant ; et, en évoquant le mathématicien philosophe, je revois un Louis du village, brave homme au demeurant, avec qui on pouvait échanger, vieux garçon aimant jouer au poker, qui, lorsqu'ils donnèrent le nom de “ Descartes ” à sa rue, conscient que les « braves gens ” ne voyaient que vice à son passe-temps du dimanche, s'exclama « E va saboun aco ? » (Et ils le savent ça ?). Bref, que mettre en commun ? qui associer en prétendant « Partager le Voyage » ?   

(3) Considérant la disproportion entre l'investissement demandé et le bénéfice potentiel rapporté par une chanson, Joe Dassin avait confié qu'elle ne représentait qu'un « art mineur »... à méditer certes mais pas à mon humble avis...