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vendredi 17 octobre 2025

Astre et désastre 3.

[...] Et toujours des arbres morts, ici un boutelhetié, là des cognassiers, disparus... finies les gelées d'azeroles et pâtes de coings... Sitôt la côte amorcée bien qu'en travers, très progressive, le corps se refuse à l'effort. En haut la route des Cabanes, les bagnoles, le coup de téléphone. Un pontil de ciment se propose ; renonçant aux principes (portable porté seulement en tant qu'appareil photo, or, hormis celles du voilier, pratiquement pas de photos), je décroche trop tard pour un appel raccroché. Oh ! un épagneul passe le bord de la vigne ; chien de chasse égale chasseur. Ils viennent après, casquettes orange fluo, monsieur, et madame derrière, pour la balade sûrement. Est-ce l'ouverture dans les vignes ? 

Repartir. 

Quel courage serait-on tenté de dire pour l'eau, réconfort vital alors qu'une grave sécheresse nous affecte à présent depuis des années. 

Oh ! hasard heureux, un ruisselet par ces temps de rude sécade. Une source ici ? Miracle ! Qui part vers la pousarenco, le chadouf, le balancier à puiser l'eau de l'oncle Noé (01.10.1901 / 21.03. 1978) ? Souvenir, mirage d'un potager plantureux... 

« Bonjour l'oncle, plus rien pour ton jardin ! tu sais, Claude Nougaro a chanté son Verdouble, je trouvais qu'il poussait un peu son surréalisme « [...] Ô, ô mon eau, ma belle eau, ma bonne eau... », un surréalisme de plus en plus réel de rivières à sec dont notre ruisseau du Bouquet aux eaux claires... quand je pense que même Louis m'a eu dit en avoir bu de cette eau-là... ». Dur, pas facile de mourir à ce passé dans le présent...    

Qui croirait qu'au point le plus bas de cette traverse, si claire après avoir filtré les rajols fous de la garrigue, ce qui rageait lors des orages, l'eau du ruisseau passait par dessus la chaussée ? Et dire qu'il y a des marmites de géants dans la garrigue, comme quoi, il est beau et bon, le surréalisme de Nougaro...   

Côte de La Magnague, l'aimable, l'avenante, la gentille, en français,  en parlant d'une vigne apparemment généreuse. L'astre solaire décline vers le couchant, portant vers une mélancolie bilieuse. La lucidité nous aidera-t-elle à supporter ce qui ressemble de plus en plus à une longue mais certaine agonie de l'anthropocène ? Pauvre nature que nous sacrifions en pillages au profit des plus virulents, ne voulant en rien limiter la possession, milliardaires de leur état desquels ne ruisselle qu'appât du gain, accaparement, spéculation. En deux ou trois centaines d'années, nous avons mis à mal ce que la Terre a mis des millions d'années à transformer, à rassembler. Jaloux des riches ? certainement pas... juste à constater que le système qui les favorise à l'excès amènera à l'extinction de l'espèce... Finalement, tant mieux pour la planète... Mais quelle tristesse pour nos enfants... 

Non loin de l'entrée du village, ce n'est pas le jeune pin, pourtant seul, sans concurrence, qui pourrait rasséréner : brunes les aiguilles, mortes de soif...  

PS1 : la balade date de dimanche, les photos, plus souriantes, avec l'eau qui ruisselle, les oiseaux qui viennent boire, le soleil, d'hier.  
(à suivre)


mardi 14 octobre 2025

Le contraire de « astre » svp ? 1.

Aller manger à la mer par un beau dimanche d'octobre ne se refuse pas. 

Belle journée en effet, beau soleil, juste un petit marin contraire : à vélo ça compte. Sauf que ce plaisir se retrouve vite contesté : pauvres amandiers de la saignée crayeuse descendant dans la plaine, tous secs, morts sûrement ; la chapelle de Liesse, en bas, s'en défend au prétexte que le Ciel protège mais la paisible ambiance est trompeuse, qui pourrait encore croire qu'elle n'a rien d'une survie atone ? 

Chemin familier de notre plaine de l'Aude, tranquille, mais les petites feuilles écailleuses jaune-brun des tamaris (1) ne doivent-elles pas, elles aussi, inquiéter ? Allons, ces chevaux au pré, superbes demi-traits, immobiles à vous suivre d'un regard curieux ? Cette buse, de dos, perchée, motivée sans doute par tout ce que les chevaux attirent ? 

L'Aude au pied de la pointe nord de La Clape, en face, le domaine de La Bâtisse, rive gauche. Archive. 

Au bout, le miroir de la rivière, les grands pins sur l'autre rive, le pigeonnier au toit apparemment intact (ce n'est pas le cas sur la pente opposée) ? Allons, tout va comme avant, l'automne suite à l'été, l'astre du jour nous soutient. 
Déjà des voitures sur ce chemin en principe limité aux riverains mais si pratique pour couper vers Les-Cabanes-de-Fleury sans passer au village, beaucoup d'autos même, ensuite, sur la traverse de quelques kilomètres au pied de La Clape, rejoignant Saint-Pierre, limitée, elle, à un 30 à l'heure plus que théorique avec certains indifférents sinon hostiles aux cyclistes... Ah ! un signe des temps, la bagnole ! une pub sur trois pour de piètres solutions tout élec ou hybrides... bien qu'au prix fort ! 

Caudié d'Anglès (Rivière-le-Bas). Archive. 

Le chaudier est à niveau mais plus de massettes dans le fossé à sec, la roselière semble de toujours mais les grands roseaux ne sont pas allés au bout de leur croissance on dirait. Et, à y repenser, pas un chant, pas un oiseau. Puis l'odeur fétide de la station d'épuration, c'est bien vent d'Espagne. Quelques flaques en bordure de l'étang, plutôt relents de résurgences que restes d'un coup de mer viril. Le vieux pin “ de Moyau ”, le dernier des deux ou trois jadis : la cuisse droite pique, le genou gauche voudrait renâcler. Les vignes tests aux rangées numérotées : essais de cépages ou de chimie agressive ? Boède, qualifiée de campagne même si on dit parfois “ château ”, pour La Négly par exemple. Le petit azerolier est mort, ça ne date pas d'aujourd'hui, les figuiers pourtant font comme de rien. L'Oustalet, la campagne, “ petite maison ” pour l'étymologie, mais bâtisse au Conservatoire du Littoral du Parc Naturel Régional, un poney club, une mini ferme en face de l'alignement des logis ouvriers de soixante-cinq ans en arrière, sous la charpente. Trois vaches, retraitées, sauvées du boucher par des enchères, des ânes, enfin un au moins, les autres, des ânesses, pleines plutôt que gonflées de foin ; une douzaine de véhicules, des gens qui mangent dehors, sur les tables pique-nique. Vent de face pour finir, jambes proches de mollir. Pissevaches, une quarantaine sinon plus de camping-cars, et toujours des bagnoles. « Roulez vieillesse ! » pour parodier le leitmotiv du patron des auto-tamponneuses à la fête du village ! Ultime raidillon, descendre du vélo par manque d'entraînement, le souffle court, les jambes flappies, la plante des pieds en surchauffe... (à suivre)

(1) chez nous, on dit familièrement « tamarin », wiki dit « tamarix ». 

jeudi 4 janvier 2024

IL Y A DES JOURS COMME ÇA...

Petite chronique superfétatoire : 

Pézenas, porte Faugères, 2015. 

J'étais sur la route de Madison, quand une Cadillac de police est passée sur le pont, j'ai cru voir un chien au regard fou à la place du mort, Eddy Mitchell derrière... Alors, sur l'atlas, comment, par où aller à Memphis (oh ! 1000 km... c'est vrai que c'est un pays continent). Et de Memphis à Pézenas, il n'y a qu'un pas puisque Eddy, Johnny, Sylvie, pour ne citer qu'eux, je les avais en haut du Cours Jean Jaurès, face à la Porte Faugères et les mystères du quartier juif derrière... 

Eddy_Mitchell_avp Salaud on t'aime 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Georges Biard

1962, je n'avais pas douze ans et le juke-box d'un des deux cafés donnait dehors aux beaux jours. Je ne voulais pas trop fouiller mon passé mais c'est lui qui m'a interpellé « Oh Daniela, la vie n'est qu'un jeu pour toi... » J'en suis resté sonné : comment avais-je pu l'oublier cette chanson ? Ne l'avais-je plus entendue par la suite ? Et elle me revenait, limpide, pas abîmée par les ans... je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. Il y a des jours comme ça où l'esprit regarde de haut l'enveloppe corporelle, en bas, afin qu'on se demande quelle place on prenait, quelle place on prend encore tant que la vie y est. 

Distribution de bouteilles, 11 décembre 2023, Sada Mayotte. 

Alors, malgré l'eau rationnée, je surmonte l'œuf pourri (et cher) du marchand malhonnête, le citron qui manque pour éviter que les pommes du strudel ne noircissent, le jour se doit d'être comme ça, un jour qui cuisine, qui veut donner et recevoir l'amour, un jour qui a réveillé le corps encore allant, laissant l'esprit libre de divaguer même s'il se fait tard pour manger. L'heure espagnole, je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. L'oignon posé cru sur la pizza est agréable, le strudel, lui, peut cuire tranquille. Farine sur le plan de travail, vaisselle qui s'entasse dans l'évier : tant pis, un verre encore, enfin un demi puisque coupé d'eau. Pas d'eau au robinet : ils nous la coupent deux jours sur trois ; une fois par semaine, ils en distribuent, rationnée, en bouteilles (ne peuvent servir tout le monde pour cause de rupture de stock) ; en question, la sécheresse, trop d'immigrés statistiquement invisibles, le sadisme étatique contre une île qui a voulu rester française. Autant rester sur son nuage. En société comme en famille, faut garder au moins les apparences : vaisselle, plan de travail, même le dessus du congélo enfariné... Puis faut manger aussi, que l'alcool ne prenne pas le dessus : le bout du strudel pincé, resserré sinon le sirop de pommes fuiterait. Vapeurs agréables malgré la chaleur moite, mirage d'un bien-être trop bon pour être vrai. Le bout, souvent sec, pourtant moelleux à souhait, parfumé, sans rien de l'œuf pourri aussitôt jeté dans le jardin, sans trancher encore dans les pommes au sucre, aux raisins, à l'amande (dommage pour le citron). L'ordi fermé avec l'empathie de tous, un semblant de chaleur alors que le compteur 2024 va tourner dans quelques heures. Ou alors, tous ces demi-verres qui s'ajoutent... Ouvrir la télé, calmer le jeu, ne plus téter... heureusement que ce rouge d'Espagne est de qualité. Mais pourquoi le vin français ne s'est-il jamais aligné, pas plus il y a trente ans qu'aujourd'hui ? 

En 1994, les 300 bouteilles du conteneur (du Vires dans la Clape... la coopé du village n'ayant pas daigné un moindre geste commercial), m'avaient fait honneur quatre ans durant. Le bourgogne trop fort alors, il y avait bien du Bordeaux mais velléitaire, valétudinaire, manière de ne pas dire cacochyme, tenant six mois à peine alors qu'à table pour l'ordinaire, nous avions du Rioja pas encore au prix de sa grande qualité. Le compteur tourne mais cela n'empêche pas de remonter le temps. Digressions, je brode, il y a des jours comme ça, tous ces verres aussi, même à moitié ! 

Jacob_DESVARIEUX concert de Béziers 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair

Ouf... la télé, faut souffler, se calmer, zapper afin que rien n'accroche... Jean-Louis Trintignant, sa fille Marie, un Cantat chanteur, meurtrier avant tout (1), Drucker, 81 ans mais qui ne voudrait plus prendre sa retraite. Moi je voudrais une récréation, tout aussi bien un siesto-roupillon bercé par la télé or le présentateur intemporel (il s'est fait tirer la peau non ?) accueille Kassav, enfin, deux membres historiques du groupe antillais des années 80. Ils évoquent Jacob, le guitariste à la voix roque si envoûtante, de santé fragile, mort du covid à 65 ans malgré le vaccin... Et Jocelyne Béroard qui raconte que leur succès les a fait accepter en êtres humains et non plus seulement en tant que Noirs... Comme si un racisme foncier, une différenciation raciale, prévalait sur l'analogie entre tous. Ça interpelle, ça choque, ça donne à réfléchir, à méditer. Il est vrai qu'en partant du principe que tout ce qui se rassemble s'assemble, par déduction, tout ce qui sort de l'homogénéité, la différence, lorsqu'elle est minoritaire, s'en retrouve discriminé... Juifs, Gitans, Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis, Rouquins, Albinos... par contre s'agissant de l'accouplement, le plaisir de la chair se partageant mieux, il n'y aurait pas de problème. Non, loin de moi ces déficients de la perception : à Victor Hugo, au collège de Narbonne, je me souviens d'un élève africain noir. Bien sûr son exotisme a attiré notre curiosité ; mais il ne se livrait pas, éludant nos demandes, nous l'avons laissé à sa réserve... Soixante ans plus tard, je me dis que sa prudence découlait de la méchanceté, du racisme qu'il avait dû subir. Kamara il s'appelait. (à suivre)  

(1) ça m'a dégoûté d'aller lire sur ce mec et tous ceux qui ont quand même écrit encore ou joué pour lui, avec lui... dans cet ordre d'idée, j'ai toujours boycotté L.F. Destouches, je prenais toujours des pincettes avec Giono qui préférait être allemand et vivant que français et mort... sauf que c'est pour avoir connu l'horreur de 14-18 ! et je me prive de relire " L'Île de la Déesse ", un de mes bouquins préférés parce que Georges Blond était collabo... Alors, ceux qui allaient aux concerts de Cantat, ceux qui gardent Destouches, ce salop antisémite, raciste, au pinacle, ne sont pas fréquentables serait-ce par procuration... Quant à Depardieu, attendons ce que la justice peut sanctionner, attendons la suite...  

jeudi 25 avril 2019

ÉCHOS DE FLEURY / Pâques fin mars / Mon village au bord de la mer...

Lettre du 4 avril 1997. 


Faut profiter le costume de la communion ?

« … Par deux fois, nous avons passé quelques jours à la mer […] La dernière fois nous sommes partis le jour de Pâques […] l’église était pleine de monde, avec beaucoup de figures inconnues. C’était aussi le jour de la communion solennelle pour six jeunes tout de blanc vêtus. Où est le temps où l’on mettait pour la première fois les pantalons longs et le beau costume sombre, pour l’achat duquel la maison Labau de Narbonne, ou bien les « Vêtements René » ou « Conchon-Quinette » offraient la première montre au communiant ? la mienne était bizarre : boîtier nickelé et pas d’aiguilles : une petite fenêtre en léger arc de cercle laissait apparaître le nombre des minutes, et, au-dessus, une autre ouverture, carrée celle-là, indiquait les heures. C’était une « sauteuse », et elle n’a duré bien entendu que quelque temps… »
 
Saint-Pierre, les baraques, début des années 50.
« … Dimanche 6 avril 1997. La fête de « L’âge d’or » s’est bien passée et les lampions sont éteints. Jeannot Alquier a d’abord dit quelques phrases (qui n’étaient nullement de circonstance) en qualité de responsable de la municipalité pour St-Pierre, soulignant qu’il n’était pas partisan du projet d’aménagement du front de mer. C’est l’architecte qui a réalisé les magnifiques installations du Havre qui en serait chargé, et cela coûterait énormément d’argent (certains parlent d’une nouvelle « bulle »). Il a rappelé qu’il allait chaque année, depuis sa plus tendre enfance, monter et démonter la baraque en bois sur la plage […]
 
Le mont Canigou depuis les Cabanes-de-Fleury.
Dimanche 22 h 45. Les quelques heures passées à la mer ont été sensationnelles : 27 degrés sous la véranda.je me suis mis en maillot et suis allé tremper mes pieds dans l’eau très froide encore. […] Dans le lointain, les Pyrénées exposaient leurs cimes enneigées, tandis que le vent faiblissait progressivement […] A huit heures moins le quart, la température était encore de 24 degrés ; la nuit est très douce, la comète toujours présente… » 

« Lundi 7 avril 1997. … le soleil est encore présent, le ciel étale à nouveau sa plus belle palette de bleu, et la sécheresse risque malheureusement de s’installer (10 mm de pluie au lieu des 160 habituels, d’après la radio depuis la mi-janvier). La température reste exceptionnellement douce, et la vigne verdoie à l’infini. Dans le jardin public, le marronnier d’Inde est en pleine fleur, et à St-Pierre le camping est ouvert depuis plus d’une semaine… » 

Communion solennelle en costume, La Buvette des Rosiers, Pézenas, 1963, diapositive de François Dedieu.
    

mardi 2 mai 2017

CAMPINA GRANDE (Paraiba, BRASIL) en grand danger d'être évacuée

http://geopolis.francetvinfo.fr/secheresse-au-bresil-campina-grande-une-ville-en-danger-135689
 


La deuxième ville de l’état de la Paraiba, Campina Grande, 400 000 habitants environ, se retrouve en grand danger d’être évacuée avant la fin de l’année, faute d’approvisionnement en eau. Si elle fait partie du Nordeste brésilien, elle ne se situe pourtant qu’en bordure du polygone de la sécheresse, une zone intermédiaire encore verdoyante, l'agreste, entre la mata atlantica, la forêt côtière disparue dont seul le nom subsiste, et le sertão (1) semi-désertique, où ne pousse que la caatinga d’épineux et de cactus.
 

Souvent les populations de pays incultes, de régions déshéritées, démontrent une hauteur d'esprit peu commune. Comme si la malchance et les privations forgeaient les caractères en les élevant bien au-dessus des contingences matérielles. Transcendées, elles versent même dans une mystique exacerbée par l’analphabétisme : paradoxe de celui à qui rien n’est donné mais qui trouve un dieu omniprésent comme raison de vivre (2). 
Le Nordeste brésilien tient de ces lieux où la nature semble avoir dit à l'homme d'aller plus loin.  Et cet homme, qu'il reste ou qu'il parte, porte en lui et pour les autres, bien enraciné au plus profond de son être, un attachement viscéral à une terre pourtant stérile et ingrate. 
 

Cet homme, c'est Lampião, le cangaçeiro, devenu bandit pour venger un père assassiné injustement par la police, sur fond de vendetta entre grandes familles latifondiaires, sur fond d'exploitation féroce des plus humbles.
 

Cet homme c'est Maria Bonita, sa femme, si élégante et surréaliste sur un décor inhospitalier d’épines agressives.

Cet homme, c'est le seringueiro, serf d'un productivisme impitoyable, parti saigner l'hévéa jusqu'au tréfonds de l'Amazonie.

Plus proche de nous, cet homme c'est le candango, parti construire Brasilia, cantonné à un rôle de tâcheron, au service de "pionniers" socialement plus estimés. D’ailleurs, le nom a un rapport direct avec l'esclavage. L'Histoire qui a retenu l'empreinte d'Oscar Nimeyer et loué la performance des 1000 jours pour sortir la capitale de terre, devient odieuse de ne rien dire sur un esthétisme architectural rouge du sang de ces migrants forcés de travailler 18 heures par jour, interdits de syndicats, victimes des violences de la police militaire s’ils manifestaient.
 

Cet homme, c’est l’éternel émigré, le « retirante » qui a fui la sécheresse et grossi les favelas. Lula, le président, fils de retirantes (et son origine n’est certainement pas étrangère à l’impulsion, faudrait-il la relativiser tant l’inertie et l’opposition au progrès social restent fortes au Brésil), a enfin amené l’eau du fleuve São Francisco (3) aux déshérités.

Par quelle chimie mystérieuse, ce Sertanejo qu’on dit indolent mais sanguin, sensible à la saudada mais dur à cuire, humble parmi les humbles mais si riche d’humanité alors qu’il n’est qu’un survivant, a-t-il pu, par la littérature, la musique, la danse, le cinéma, se confondre et former l’essence même de l’identité brésilienne ?
 
 
 

Ce Nordestin, nous l’avons croisé, pour des vacances, pêcheur sur sa jangada (4), à Tambaù, la plage jadis rustique de João Pessoa où les grandes vagues de l’océan  poussaient loin sur le sable la senteur saline et iodée de l’Atlantique. L'homme du sertão, nous l’avons côtoyé, surtout à Campina Grande où ma petite sœur est née en 1954. Plus que des souvenirs, et même si nos conditions de vie étaient plus enviables, mieux qu’un tatouage, nous gardons "BRASIL" dans la peau, malgré l’amertume, aussi, laissée par la devise du pays « Ordem e progresso ».  
 

(1) A João Pessoa, capitale de l’Etat, existe une réserve de cette forêt tropicale atlantique / « Sertão » diminutif du mot "desertão"...
(2) Au même titre que la poésie ou la chanson de geste des personnages marquants ou révoltés du sertão, la religion et ses déviances appartiennent à cette « literatura de cordel », ainsi nommée parce qu’elle rappelle tant cette littérature populaire ibérique déjà colportée au XVIIe siècle. Sur les marchés, les places publiques, se vendaient (aujourd’hui plus pour les touristes), suspendus à des cordes, ces feuillets, ces récits en vers, déclamés, chantés par les « folheteros », ces poètes-troubadours sortis du peuple.
(3) fleuve de première importance par le lien qu’il matérialise entre le sud riche, industrialisé, et le Nordeste pauvre et agricole. Longueur 3160 km, bassin de 617 000 km2, débit de 2943 m3/s soit plus que le Rhin à l’embouchure ou le Nil à Khartoum (source wikipedia). 
(4) sorte de radeau à voile sans abri ni sécurité. 

Crédit photos commons wikimedia : 
1. Campina grande Vista Aérea do Açude Velho Author Bruno Coitinho Araujo
2. Caatinga_-_Sertão_nordestino Auteur Maria Hsu 
3. Virgulino Ferreira da Silva dit Lampião Auteur Benjamin Abrahao Botto (1890-1938)
4. Cangaceiros_Lampião e Maria Bonita Auteur Benjamin Abrahao Botto (1890-1938)
5. Brazil.Brasilia la cathédrale Author Victor Soares ABr. 
6. Praia Tambaú carte postale collection François Dedieu. 
7. Praia Tambaú, collection François Dedieu. 
8. Nordeste Jangada àTibau. Author Patrick-Patrick
9. les agaves et Campina Grande, collection François Dedieu.