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mardi 25 novembre 2025

RETOUR à MAYOTTE, quitter son village (5)

Chance ? malchance ? fatalité, destin... 54 ans, acceptant, il y a un mois, de pouvoir mourir auprès des siens, ils l'ont enterrée voilà quelques jours... et le copain “ de derrière l'Horte ”, à se battre depuis dix ans, hospitalisé depuis un mois, continue-t-il à narguer, à rire au nez de la camarde ?

Pardon, pardon, promis c'est dit une fois pour toutes, ne pas oublier les morts et les souffrants mais rester dans le monde des vivants, et, à y être, à fond dans le carpe diem, à rester heureux afin de garder tous ses amis plutôt que d'évoquer ses nuages au point de les voir s'éclaircir jusqu'à vous laisser seul... C'est Ovide qui le dit, dans les pages roses du Petit Larousse, pas moi.

« Sem pas aqui per faire de rasonaments ! » c'est bien vrai ça !

Active JF, fas cagar ! la poubelle, les déchets bac jaune, les sonneries du téléphone, du radio-réveil, en cas de courant coupé, le nouveau, la chatte ayant explosé le vieux en le faisant tomber, d'autant plus que Chido a confirmé qu'un cyclone des plus intenses peut mettre Mayotte à bas. On ne peut s'y fier, ça sonne ou ça ne sonne pas, je veux bien en être la cause première, “ malajit ” que je suis mais pas que... 
Scotcher ce qui risque dans un carton, bourrer d'habits contre les chocs, boucler les valises en incluant qu'elles seront malmenées par des personnels en tous points exploités (le salaire ne devant pas correspondre aux charges de travail imposées... en ce domaine aussi, il y aurait à redire à propos des rouages sociétaux rouillés). 
Tout mettre dans le couloir, mettre aussi dans sa tête le chiffre cinq, la banane, le sac, l'ordi, les deux valises, les cinq choses ne devant pas rester en plan du début à la fin du voyage, de la maison à l'auto, de l'auto au train, du train à l'avion. 
Fermer les volets mais laisser ceux susceptibles de dissuader squatteurs ou voleurs.
La douche sans attendre le matin, ensuite plutôt s'installer habillé et chaussé dans le fauteuil, des fois que ça ne sonnerait pas ; nuit marquée de micros sommeils ; six heures du matin, si j'en ai arrêté un qui aurait peut-être sonné, l'autre est resté muet.
Ce n'est pas le moment de se rendormir, de se laisser bercer par la télé qui m'a tenu compagnie. Alors, tel un ressort, il le faut ; l'en-cas et la bouteille du voyage et enfin, avant de partir, les vannes d'eau, de gaz, l'électricité à couper, la clé à ne pas oublier... cette foutue clé, la dernière fois, oubliée trop vite on ne sait plus où quand la tension retombe, et qu'on cherche, huit jours après vu que des mots en parlent : jusqu'à la nouvelle migration, elle restera dans la veste chaude sans utilité sous un climat tropical. 

Béziers Pont Vieux et Cathédrale St-Nazaire 2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Sanchezn

6h 50 de l'heure d'hiver, mon fils Olivier est là ; pas de spleen à remonter vers Béziers, c'est à peine si je remarque la bande vermillon violacée du soleil levant sous un couvercle de ciel gris. En ville, des travaux, nous avons une marge, pas de stress superflu, la circulation est fluide. 

dimanche 23 novembre 2025

RETOUR À MAYOTTE, quitter son village (4).

...Pourtant, n'a-t-elle pas quitté les siens, elle-même, pour se marier à un Français ? Et ne sommes-nous pas partis trois ans au Brésil, pour échapper, bien qu'au Nordeste, au dénuement, pour ne pas dire à une certaine misère ?  Ainsi, entre l'impossibilité suite à la fermeture des frontières par le communisme, et par dessus tout, le manque de moyens, sans compter ensuite un océan entre eux, ce furent six années de séparation avec ses parents tchécoslovaques... moi je reviens, je migre chaque année et pour quelques mois, pas quelques jours, à me partager bien volontiers, à dépasser le stress de ces “ navettes ” qui ont en partie éteint l'enthousiasme, la curiosité du voyage, l'allant d'années au crédit peu écorné... 

ALCANTARA liner-alcantara-at-sea-1928 Author Kenneth Shoesmith.

Migrateurs plus ou moins nous sommes dans nos familles, par nécessité, pour espérer, gagner sinon maintenir sa place au soleil, par sentiment aussi, sur une base de relations affectives stabilisées, un réseau de liens nécessaires à l'équilibre de chacun. Que serions-nous sans affection vers les nôtres, vers les autres, l'amour pour ses intimes, l'attachement à sa famille, aux amis, et de cercle en cercle l'empathie pour nos semblables de partout ? 
Alors l'émotion, le chagrin des séparations à côté des joies trop vite passées des retrouvailles, on n'arrivera jamais à s'y faire. Pourtant cela conforte, puisqu'il faut s'en consoler par force, sans avoir à combiner, à en faire à sa tête, à provoquer, de n'en relever que le positif, par exemple celui, apparemment paradoxal, de la séparation qui rapproche, ponctuellement grâce au téléphone et, plus durablement, aux lettres puis l'internet, aux mots qui ne s'envolent pas, vecteurs à cumuler une factualité morale plus appréciable qu'une présence réduite à en devenir banale sinon muette, au sein de relations plus ou moins distendues dont seule la perte peut entrainer le « si j'avais su ». 
Les embrasser tous en me souvenant qu'avec mon pauvre père, c'était une embrassade au sens premier du terme, une forte étreinte, émouvante, marquant le départ, l'absence à venir, nos bras enserrant réciproquement nos épaules, la paume bien ouverte à moduler moins et plus sur le dos, le tactile joint au sentiment, le geste lié à la parole pour se dire un « À bientôt, porte-toi bien jusque là ! » quel que soit le reliquat des incompréhensions, maladresses et tensions anciennes dues avant tout au fils, je me dois d'en convenir... 
Et puis on se doit de prendre de la hauteur, à ne pas en rester à des raisons mesquines, tout passe, rien ne dure, tout est vieux, en sens unique : Machado ne disait-il pas que le chemin on ne le voit qu'en regardant en arrière ? 
Alors, pourquoi ressasser tout cela, même si ce ne sont pas des rancœurs ? peut-être parce que ce ne peut être que oui ou non, vie et mort, tout ou rien, dire ou ne rien dire, quitte à s'excuser de s'arroger indûment un droit à la parole tant que, de l'élan initial insouciant de la jeunesse, subsiste une chute lente de feuille morte, puisque j'y ai coupé sans l'avoir mérité, à me demander pourquoi, à me dire que c'est trop beau pour durer... (à suivre)



vendredi 27 mai 2022

MAYOTTE petite ÎLE, mais Cendrillon en majesté... (1)


16 mai 2022. Que se passe-t-il ce matin ? Pourquoi ce pincement à la gorge ? Entre un coucher banal et un lever spécial, mon être ne le comprend que trop bien. Comme Coco, mon pauvre matou, comprenant tout, qui s'éloignait en miaulant son amertume sinon son chagrin, voyant nos valises, livré à une main nourricière étrangère qu'il ne tolèrera que de loin, je réagis physiquement, en miroir, à un même type de détresse : partir... Partir, c'est mourir un peu a dit le poète ; alors, revenir serait-ce revivre un peu ? L'angoisse de l'abandon me mine ; je suis comme Coco ; lui laissait-elle son poids sa hantise de l'abandon, malgré son bon ronron des retrouvailles, pas rancunier pour un sou ? Et si le "ça me tue" du parler familier n'était pas toujours à prendre au second degré ? Ce stress tue-t-il à petit feu ou rend-il plus fort ?    

A cause de lui, le quotidien se défausse de sa banalité. Je ne m'étais pas aperçu, hier soir, dans l'air plus pur, cristallin, de la saison sèche à nos portes, que la lune en habit de soirée m'avait un instant retenu par la manche, non pour me dire qu'à trois heures et demie, elle s'éclipserait en robe rouge (nuit du 15 au 16 mai 2022), non, la fée des craintes nocturnes apaisées disait simplement qu'avec ou sans moi, elle continuerait à apporter aux Hommes pourtant si oublieux, depuis le tout beau tout nouveau de la fée électricité. Sur une île qui parquait ses gens, par force ou par consentement provoqué (esclavage, travail forcé), c'est plus prégnant que sur le continent d'autant plus que Mayotte semble avoir plongé trop vite, en trente ans à peine, des temps anciens à la modernité la plus crue même si certains voudraient à présent ralentir son erre. 



Alors ce matin m'interpelle de son bon alizé encore frais malgré la latitude ; on n'entend que le vent, coulis dans les fins feuillages d'un bois-noir, balai de percussionniste dans les palmes rêches du cocotier ou baguettes dans les bananiers, entre les feuilles effilées par la dernière dépression et les nouvelles déjà à même hauteur. Et ce bourdon ambiant que pour ne pas m'abaisser à prendre pour un climatiseur d'humanoïde hors sol, j'imagine être celui de la pirogue dans la baie, partant pour des palangres de jour. 

Une éclosion de libellules doit faire la joie des guêpiers qui partent en escadrilles, des petits martinets enroulant leurs spirales. Et cette aigrette trop blanche, avion qui trace son vol rectiligne au-dessus du vallon trop vert alors que l'Europe se désole des sècheresses présentes et à venir. Je ne suis pas un voyageur, seulement un migrateur, un oiseau migrateur. 

Il est mort il y a moins d'un mois, l'acteur du Crabe-Tambour qui me retient ; mais c'est en tant que producteur de documentaires qu'il m'accroche, pour avoir filmé un émouvant "Peuple Migrateur" sur les oiseaux à la vie à la mort, et aussi un "Microcosmos" centré sur un petit peuple d'insectes dans un carré d'herbes, en miroir d'un petit peuple d'humains pathétiques sur une petite île ou sur une Terre qui l'est autant. Jacques Perrin il s'appelle ; je tiens à le nommer au présent.  

Oh ! une musique, la sonnerie d'un téléphone, quelques notes entraînantes avant un "Allo" en réponse. Vous tombent-elles dessus comme ça ou est-ce parce qu'on cherche trop leurs présences troublantes qu'elles convergent ainsi, les coïncidences ? Oui c'est du zouk africain... le Lazaré, je ne me suis jamais résolu à l'écrire avec, à la fin, le "t" d'une maladrerie, d'une léproserie. Une cabane-bambou de pisé au toit de palmes sèches sur une piste de danse dans des couleurs vives mais tamisées. En pleine brousse, sous la lune ou des étoiles plus fortes encore que la pollution lumineuse à venir, des garçons moins timides avec les cannettes de bière qu'avec les filles, trop engagés même mais sans jamais une bagarre, grisés qu'ils étaient aussi de reggae. La danse, pas seulement pour le rapprochement des êtres dans une ambiance propice mais aussi les créateurs locaux tant de la ville que de la brousse (Mobyssa, JR Cudza, Boura Mahia...), la clé aussi vers des horizons et des cultures autres : malgache avec Jaojoby, africaine avec Monique Seka ou Oliver N'goma, le crooner gabonais, une musique qui tangue et oscille comme, de cette liane de ma taille, venue me prendre par la main... (à suivre)