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lundi 9 juin 2025

« A Pentacosta, la guino gusta. »

« A Pentacosta, la guino gusta. », « À Pentecôte, goûte la guine », disait sa grand-mère Joséphine, comme aimait à le répéter mon père en première quinzaine de juin. 

Pas plus de descente de la côte que la route de Lauriole en Minervois qui fait semblant de monter alors qu'elle descend ou le contraire suivant le sens où on se met... Et quel pastis puisque la “ penta ”, c'est inventé, seuls « lo penjalut », « lo penjant » répondent à « la costa » ! Et puis, en grec, dans Pentacosta, Pentecôte (quelle idée aussi de nous embrouiller avec le chapeau sur le « ô », pas très orthodoxe tout ça) il y a l'idée de « cinquantième », on parle de jours... 

Guines

Autant parler des guines... Des « guignes » ? vous me reprenez ? c'est la poisse, encore une descente à monter... En Gascogne ils disent guindoul, guindoulh, guindoulot ; toujours d'après Mistral dans son Tresor dau Felibrige en Rouergue cela donne guindou, aguindou, guintou ; suit le proverbe « Rouge coumo un guindoul »... un effet bœuf chez les “ Ventres Jaunes ” du Ségala !    

« Per Pentacosta, lo guindol tasta »

Dans un certain Languedoc plutôt Haut que Bas à mon idée, pour cette cerisette aigre, on dit encore agrioto, guindoulo. Comme dans la chanson, elle pousse sur le guindoulié ou guindouliè (t'en souviens-tu), je préfère « guiniè » bien que « guinié » soit accepté aussi.   

 Un dernier truc et j'arrête avec les élucubrations :  Christian Horace Bénédict Alfred Moquin-Tandon (1804-1863), éminent scientifique connu aussi pour un canular littéraire sur un manuscrit de troubadour, titra « guindouleto, guindouletos » ses épigrammes et poésies, eu égard à sa naissance à Montpellier, à son travail à Toulouse (professeur d'histoire naturelle), à son rôle de rédacteur à l'Armana Provençau. 

Fini les confitures pour l'hiver !

Cette année encore, la pédale nostalgique, j'ai suivi les rives de l'Aude, plus de guines au bord de la rivière. À croire que comme le bocage de l'Ouest, ils s'en sont foutu le peilhot avec les haies débarrassées... Deux guines j'ai compté, et encore pas sur le même arbuste ! 

Aude
Exuvie
 
97

Mais j'y retournerai, quitte à pousser le vélo sur les chemins de terre, plus en amont, chez nos amis sallois. C'était mieux aujourd'hui : 97 guines au moins pour la photo et un signe de vie pas vu depuis 40 ans, une exuvie de couleuvre ! 

Pardon pour cet esprit taquin sinon malsain descendu sur moi pour Pentecôte... je n'en dirai rien à mamé Joséphine, mon arrière-grand-mère rappelant chaque année « A Pentacosta, la guino gusta » un dicton que suite à mon père, j'aime répéter à mes fils, en première quinzaine de juin. 

Joséphine Hortala née Palazy (19 mars 1874- 13 août 1958) 


lundi 26 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (8), les cultures pauvres.

 En lieux et milieux moins favorisés, les cultures pauvres. 

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18

Olives 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Ввласенко

Le châtaignier bon pour tout : le bois en charpente et menuiserie, la feuille en litières, la bogue en engrais pour les oliviers ; la châtaigne est surtout vendue à Villeneuve (Minervois), à Carcassonne, une  partie est consommée à la maison, une part équivalente destinée à faire venir les cochons (3). La châtaigneraie rapporte mais, contrairement à l'olivette, nécessite des rotations, plus de soin et de travail ; il faut renouveler les arbres, les nettoyer à la base des mauvaises herbes et autres arbustes. 

Solanum_tuberosum Atlas des plantes de France 1891 Amédée Masclef (1858-1916) Domaine Public



Champ de seigle 2005 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Letrek


Dans les gorges du Cabardès, la prairie plantée de châtaigniers « ...se vend, à Cabrespine, jusqu'à 10.000 francs l'hectare. » (Il n'empêche que le géographe classe le châtaignier dans les cultures pauvres...). 
De même, la superficie à pommes de terre, dont certaines variétés de renom, se loue aussi cher qu'un bon champ à céréales de la plaine. 
La culture du seigle, par contre, s'avère plus ingrate ; abandonnée pour le pain ainsi que le chaume des toitures, elle ne tient que pour un cycle triennal d'assolement (pommes de terre, seigle, jachère). 

Et le Poumaïrol aux filles joyeuses ? Bien que condamné aux cultures pauvres, à force de travail, le pays produisait des navets, des oignons, des haricots. Pour les sous, grâce aux filles, cela se passait dans le Bas-pays, la plaine de l'Aude, pour les vendanges puis, en remontant, les pommes, les châtaignes et, encore lors d'une seconde migration plus hivernale, les olives, les sarments à ramasser... Sinon, les hêtres sont redevenus taillis d'ajoncs, genêts et autres broussailles. Pourtant, trente ans en arrière, deux boulangers et un éleveur montent l'association « Le Moulin de Poumaïrol » en vue d'obtenir de la farine bio issue de blés anciens, panifiée dans le Minervois jusqu'à Béziers. Le meunier affirme qu'ils se veulent « subversifs », « militants », « autonomes », à échelle humaine, désireux d'animer le territoire. Alors, on y entendra à nouveau la chanson coquine pour la Baraquetto : 

« Las castanhas e lo vin nouvèl 
Fan dansar las filhas e lo pendorèl... » [Les châtaignes et le vin nouveau Font danser les filles et le panèl des chemises (4)]. 

(Voir, dans ce blog, la quinzaine d'articles dédiés au Poumaïrol... et à ses filles...). 

En raison d'un prétexte aussi futile, pardon d'en faire des tonnes à vrombiner autour d'André David, auteur aussi prématurément enlevé à la vie que ceint de lauriers. Moi, je ne suis qu'une mauvaise herbe. À cause de pulsions ordinaires, au nom d'un cheminement pour le moins complexe, j'en arrive à relativiser le sérieux de l'auteur à traiter géographiquement les cultures de la Montagne Noire. Qui plus est, cette proximité avec le Lauragais me soumet avec stupéfaction et tristesse à la perte soudaine de Sébastien Saffon (1974-2025)... Que disait-il de l'élevage du cochon notamment ? Que relevait-il sur le travail des paires de bœufs ? Mon tome de « Ceux de la Borde Perdue » est loin, à Mayotte, de même que le vieux gros et lourd Larousse Agricole 1951. Encore des “ découvertes ” et “ redécouvertes ”, avec la mise à l'honneur par Sébastien de la langue occitane, remises à plus tard dans le meilleur des cas... 
Foin de ces “ découvertes ” alléguées... même si de qualifier ainsi celle de Christophe Colomb ne vaut, après tout, guère mieux... 

(3) André David en sait plus long sur l'élevage du cochon : « Toute famille, dans la Montagne Noire, en possède trois ou quatre, nourris avec les déchets de cuisine; mais les gros troupeaux n'existent que dans les villages de châtaigneraie. Aussi, à Pradelles, doit-on vendre les porcelets aux gens de Labastide-Esparbairenque ou de Cabrespine; de même, sur le versant Nord : Sorèze, plus peuplée que Saint-Amans-Soult, mais privée de châtaigners (sic), a 1.000 porcs; Saint-Amans-Soult en compte plus de 2.000 ». L'auteur semble faire erreur vu que l'élevage du cochon nécessite qu'on lui cuisine, par exemple des pommes de terre, des herbes en fin d'engraissement, sans parler des châtaignes qu'il faut lui peler (réservé en principe à la famille). Sous un appentis accolé à la soue, un gros chaudron était réservé à ce travail. 

(4) dans les dicos Lagarde et Laus, le pendourèl est le pan de chemise qui pend, qui dépasse... est-ce celui des femmes ? des hommes ? Dans Lou tresor dau Felibrige, à l'entrée “ pendourèl ” Mistral ajoute « pont-levis d'une culotte »... Alors, femme ou homme, à chacun de prolonger ou non la portée du mot « pendorèl »...    


samedi 12 avril 2025

BALADE à AUDE (4), non-dits et fausses pudeurs...

Continuons avec la bordure nord de la Clape, notre montagnette que le fleuve a de toujours su contourner...   

Les prés, bordure nord de la Clape - Image d'archive. 

Petit pont sur le ruisseau du Bouquet. 

La longue ligne droite coupe dans les prés du Pastural et de Négo Saumo (une ânesse s'y serait noyée), longeant les Caudiès, étranges exsurgences d'eaux tièdes, du moins ne gelant jamais ; tout au bout, là où finit en beauté ce long de la rivière, avec un élargissement valant un plan d'eau, la confluence du Bouquet et son vieux pont en dos d'âne ; sur l'autre rive, de la campagne de la Bâtisse, la rangée sublime de pins, le toit éventré, d'un pigeonnier peut-être, complétant une vision des plus bucoliques. 

Je ne sais si le premier cabanon en contrebas de la garrigue appartenait au cousin Jojo, mais le second, si, je pense, en remontant alors le fleuve ;  Jojo Ferri (1942-2013) filleul et né un même 31 juillet, bien qu'à vingt ans d'écart avec son parrain, mon père (1922-2017). 

Archive. 


De beaux chevaux de demi ou de trait tournent la tête, l'un d'eux même se met de face, marquant un intérêt pas déplaisant. Vide en face, l'enclos où l'âne trop solitaire était accouru au grillage (ces animaux aiment le compagnonnage). C'était quand ? des années déjà... 
À peu de distance, le courant continue à ronger le chemin théoriquement réduit à l'état de sente sauf que les véhicules à quatre roues n'hésitent plus à passer à côté dans la friche, les traces encourageant sûrement ceux qui n'en savaient rien, à empiéter ainsi sur un terrain a priori privé (une des vignes jadis de mon grand-père Jean [1897-1967]). 
Du bel alignement de tamaris semi-aquatiques, ne reste qu'une paire d'exemplaires ; nous y descendions, non loin du cabanon de la Pointe, pieds nus dans l'eau, en bande, dont le copain Joseph (1950-2020), aimant à dire, au sujet des poissons à prendre grâce aux escabènes (arénicoles des pêcheurs), futurs appâts délogés de leurs conduits d'un substrat mélangé de sable plus dur sous la vase du fond, « anan sarcir lo croquet » : on va repriser, raccommoder l'hameçon ! J'ai longtemps cru entendre et comprendre “ farcir l'hameçon” ! 
Pas de chien au cabanon peut-être inhabité désormais tant il est vrai que ces abris à l'origine destinés aux chevaux et aux gens loin du village, ont donné envie d'un aménagement pour les vacances ou même dans le but d'y résider à l'année. 

Robert à l'Ayrolle 1978. 

En suivant, celui de la treille, n'en portant plus que le nom... Robert Vié (1927-2007) voisin, ami et pêcheur, avec son fils Claude, y treuillaient le globe, un grand filet entre les deux rives... Robert et Claude, toujours accueillants, prêts à plaisanter avec notre troupe d'enquiquineurs au lancer. 

Avec Joie, la campagne, un minimum de sens moral à ce jour commande de faire silence ; attendre que le temps débute son travail d'érosion, jusqu'à aplanir le saillant de la commotion : avant-hier, jeudi 10 avril 2025, une forte communauté villageoise portait en terre le viticulteur de Joie, 61 ans seulement. Quand Joie rime avec détresse, attendre que le temps de décence passe... 

La Barque Vieille archive. 
    

...Comme à la Barque Vieille avec toujours cette nostalgie d'antan qui s'autorise à refaire surface : une vigne à vendanger non loin d'une berge entre roseaux et peupliers ; les grands défendaient qu'on s'en approchât, de quoi au contraire éperonner l'imaginaire... La barque ? de Charon peut-être, le passeur étudié dans nos humanités ? Non, un bac, sûrement, pour l'autre rive... Un vieux pêcheur alors ? Jusqu'à braver l'interdit un jour, jusqu'à piétiner le sable et prendre des ablettes à la mouche de cuisine suite au plaisir des lignes dans « La Boîte à Pêche » de Maurice Genevoix manière de répondre à Robert faisant croire aux autres qu'avec les ablettes ou le silure je ne raconte que des histoires... Et un jour on apprend que notre rivière est une barrière empêchant une migration des espèces vers le nord, une frontière linguistique à propos de la prononciation de l'occitan, du vocabulaire aussi, en deçà et au delà du fleuve (à suivre). 


jeudi 27 mars 2025

Plus compliqué que SAUCISSE et JAMBON (5 et fin).

 Et mon père alors, qui me porte, moi qui suis dans sa maison ? 

Papa, tu es beau ! 


* François Dedieu (1922-2017), professeur de français, de russe, passionné de langues, de mots... (debout, bras tendus, les classeurs empilés de notre correspondance remontent du milieu des cuisses jusqu'au menton). Des lettres et courriels, dans l'acceptation de l'absence physique, plus apaisés que le geste si fort au moment de la séparation pour des mois, à des milliers de kilomètres, qui nous voyait serrés dans les bras l'un de l'autre, dans un « Au revoir papa ! » disant « Je t'aime ! » sans le prononcer. Et merci de m'aimer moi, l'enfant difficile, l'adolescent à problèmes que je fus, si souvent sur la corde raide. Ce qui est sûr est qu'après avoir longtemps imputé mes refus et rejets aux autres, en premier à mon père, j'ai mis très longtemps à reconnaître mes torts. J'ai été un sale gosse... voilà ce qui doit être dit en premier plutôt que de mettre en avant des circonstances “ minimisantes ”... Certains bons côtés auraient-ils quelque peu compensé, à la longue ? Redevant à mon père l'amour des langues, des livres, des mots, par un stratagème qu'il a feint d'ignorer, par le biais de souvenirs que l'âge se permet d'ouvrir, ne serait-ce que pour nos descendants, j'ai osé entreprendre la publication de nos vies pour ce qui les lient au village. Papa a si bien répondu et prolongé que force était de reconnaître qu'un deuxième tome s'écrivait en miroir, un diptyque donc avec « CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury-d'Aude II » le concernant, lui, pour un vécu plus loin dans le temps. Resté admiratif et peu critique de la matrice parisienne, avec les années, il n'en est pas moins revenu à reconnaître en lui l'attache vitale au languedocien, variante de l'occitan exclusivement pratiquée entre ses parents bien que bilingues appliqués, exigeants en orthographe, grammaire, conjugaison, bien français et pourtant binationaux qui s'ignorent. 

Tout passe, tout s'efface sauf si on s'efforce à repenser, à recréer, à revivre, à rechercher. Au delà de cette « Festa dal porc » que je retrouve bien qu'oubliée de moi, papa précise « seguida » (1), de la présentation du « Vin Bourru » qu'il me fit, je ressens fort la dette fructueuse que doit chaque fils au père qui continue de le porter (2) (penser l'inverse est une erreur, une vanité n'ayant pas lieu d'être).   

Plus légèrement, en conclusion, à propos de cochon, une des rares choses sympa chez les Parigots, Gabin et Bourvil fourguant du porc au noir dans « La Traversée de Paris », un film d'Autant-Lara, (1956) et encore... d'après une nouvelle de Marcel Aymé (1902-1967), il est vrai “ agent double ” dans la capitale malgré son attachement d'origine à la Franche-Comté...  

(1) terme peut-être local, non trouvé ailleurs, Mistral dans Lou Tresor dau Felibrige notant seulement « tua lou porc », tuer le porc. 

Côté terre, l'étang de la chasse aux canards, entre nous, une petite Camargue magnifique offerte par l'Aude, le fleuve, modeste au point de ne pas se prévaloir de son delta, le fleuve qu'on dit rivière tant il nous est familier... 
 

(2) Guy, professeur d'occitan, portant à bout de bras, chaque mois, une quarantaine d'élèves plus chenus que vermeils, apporte qui il est en plus du cours de langue. La fois dernière, il raconte la double trace de pas laissée dans le sable, au retour bien chargé d'une nuit jadis au canard (les appelants, le matériel avant tout...) ; s'ouvrant à son père, compagnon de chasse, d'un rêve en période triste, étrange et marquant, d'une seule trace de pas derrière eux, il reçut cette réponse aussi spontanée qu'éclairante « Ès ieu que te portavi... », « C'est moi qui te portais... ». 

samedi 22 mars 2025

La “ TUE-COCHON”, Jean-Claude CARRIÈRE et François DEDIEU (1)

La relecture et correction d'un projet « Un Languedoc Fleur d'Amandier » m'amènent à compléter dans la rubrique « Pauro bestio », pauvre bête à propos du cochon tué pour apporter aux humains. Jean-Claude Carrière puis mon père sont mis à contribution pour apporter un complément au sujet. 

Jean-Claude_Carrière_à_la_BNF 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported2.5 Generic2.0 Generic and 1.0 Generic license.Auteur Roman Bonnefoy

À Colombières, au pied du Caroux dont on voit la dent de chez nous, Jean-Claude Carrière indique que l’élevage du cochon se pratiquait avant 1940 et qu’avec la guerre, à cause des restrictions, cela fut nécessaire, les apports en viande, charcuterie et matières grasses ne pouvant mieux tomber. Les familles s’équipèrent d’une porcherie afin d’engraisser un cochon, parfois deux. Devant la maison, dans un gros chaudron de cuivre se cuisait la ration du pensionnaire : farines, châtaignes, herbes… Le cochon reste familier, reconnaissant d’être nourri, caressant même lors de ses petites sorties dans le jardin. On le soigne avec sérieux ! C’est à qui aurait la plus belle bête de plus de deux cents kilos ! 

Même en Moravie (Rép. Tchèque) Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur kitmasterbloke.

À propos d'embonpoint, une lettre (janvier 1949) de la grand-tante de François fils, Céline (1903-1988) :

« […] Chez Paule on a tué hier le deuxième porc, le premier pesait 180 K et celui d’hier 225 K. Quant à nous qui en avons un mais plus jeune, il se fait joli et doit peser dans les 150 K nous le saignerons le mois prochain d’ici là il fera quelques kilos de plus… » 

« La fèsta dal porc (seguida).

Tout jeunes, nous n’étions pas autorisés à voir saigner par le boucher, appelé pour la circonstance, la magnifique bête qui allait fournir à toute la famille tant de vivres pour de longs mois. Plus tard, j’ai imaginé le cochon pendu par ses pattes de derrière à une poutre de notre cave, solidement maîtrisé par les puissantes mains de mon père et de son oncle, notre « oncle Pierre », [...] proprement saigné par le spécialiste malgré ses cris de désespoir ; le sang recueilli jusqu’à la dernière goutte dans une bassine des plus propres. Alors, le boucher-charcutier le coupait en deux dans sa longueur, et repartait, son travail terminé.

Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai pu voir tous les détails : le cochon tué au pistolet automatique spécial qui enfonçait le crâne de l’animal et avait déjà remplacé l’antique merlin d’étourdissement de nos abattoirs de village ; l’eau très chaude versée dans l’auge impressionnante contenant le cochon devenu porc par sa mort ; la chaîne introduite sous le corps et servant à débarrasser ce dernier de ses soies ; et, une fois l’épilation terminée, le porc suspendu devant le charcutier, celui-ci coupait en deux la carcasse et pratiquait l’éviscération. Les boyaux étaient ensuite soigneusement lavés et conservés pour la fabrication de la saucisse, des saucissons et du boudin… »

CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury à Fleury-d’Aude II, 2008, François Dedieu. 

Papa




samedi 15 mars 2025

FLEURY-d'AUDE, ramonétage, château et « tchi tchi » (fin)

Pas plus la “ Catarineta bella tchitchi ” de Tino Rossi que la blague terrible, dépassant le carnavalesque, du “ tchichi ” éculé ne faisant rire bêtement que la première fois, notre « tchi tchi tchi » parfois « tchi tchi » seulement, vient du ciel et s'ajoute pour la même raison, aux invitations sonores des passereaux. Tous, sédentaires et migrateurs, lancent au ciel l'espoir des jours meilleurs... Aux Pérignanais de cœur sinon de souche (minoritaires et de moins en moins nombreux) de constater que le retour de l'hirondelle ne viendra qu'après celui du faucon crécerellette, l'oiseau réintroduit dans la Clape autour des bergeries ruinées et qui se plaît dans le village, s'il reste des trous dans les murs ou des bords de toits de tuile canal ouverts, à partager avec le muralhèr (le moineau) et le faucilh, le martinet qui n'arrivera que plus tard. 

Madame se demande si monsieur se sent concerné... 

Désolé, je n'ai pas le matos, seulement les yeux, encore, à peu près... 


Ainsi, dans ma rue, pas encore à voler en Saint-Esprit mais presque, un de ces petits faucons reconnaissable à son « tchi tchi », du genre femelle, d'un habit camouflage plus sobre que celui du mâle, bleu-gris, un brin zinzolin (c'est exagéré mais les deux « Z » me plaisent trop) rappelant certain pigeon, a tenu à me faire savoir qu'ils étaient revenus. 

La fonction créant l'organe bien que plus lourde de 20 grammes que le mâle, la femelle n'en pèse que 160. 

Pour la France, l'oiseau rare est seulement présent en Occitanie au sens large, longtemps dans la Crau mais aussi davantage dans l'Hérault et un peu dans l'Aude, depuis la Clape, dans la plaine et ses villages environnants. Réintroduite entre 1982 et 1992, l'espèce en diminution compte 81 couples chez nous. 

Début mars (au tout début du mois nous précise A.-M., témoin privilégié pour habiter avec eux au château !) le mâle crécerellette qui trouve une cavité ou s'approprie un nichoir, surveille et vole vers la femelle qui passe, espérant que le logis lui plaira et que la suite, ponte, couvaison de 28 jours tour à tour, élevage de la descendance, ne leur sera pas défavorable. 

Preda_Falco_Grillaio en Basilicate (Italie du Sud) 2022 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Roberto Strafella

Gentils ? du moins aimables sinon dans la norme, sur une Terre régie par la formule “ manger ou être mangé ”. Au menu du petit faucon, surtout des insectes, un tout petit pourcentage peut-être aussi de colombrines (ne francise-t-on pas ainsi le nom du lézard de muraille ?). De l'installation à la ponte, étonnante pour qu'elle puisse paraître vu que nous la connaissons en tant que nuisible souterrain du potager, la chasse aux courtilières prédomine, suivie par celles des coléoptères et des scolopendres. La saison avançant, lors de l'élevage des petits, l'apport en criquets et sauterelles prédominera.  

Si la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) nous en parle en détail, c'est dommage que la révision du site les ai conduits à supprimer l'observation quotidienne si intéressante, notamment, lors des migrations ou pour prendre conscience de la pression négative sur le monde auquel pourtant nous appartenons...   

Et M., homme de la nature et du jardin, grand chasseur devant l'éternel, de me conter ses traques à la courtilière : d'abord celle au pied du pin surprise au ras de son trou... un coup de fourche pour retourner la terre suivi d'une course poursuite tranchante... enfin, celle du potager, là où sont les tomates, l'inonder faute de pouvoir chambouler le terrier puis lui abréger la vie après qu'elle soit sortie... Mais il y a longtemps que la taupe-grillon ne l'a plus embêtée... Pour la photo : under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Germany license.

       

vendredi 14 mars 2025

CARNAVAL, buffolis et cocus (3ème partie)

Dans le numéro 1 de la 13ème année, printemps 1950, l'article « Carnaval-Carême en Languedoc » de René Nelli, offre une mine d'infos et éclaircissements amenant à retenir quelques notes au fil de l'article.

La suite des apports : 

À Capestang ce sont les « Buffetaires ». 

*18. En Languedoc, les danses caractéristiques de carnaval se déroulaient surtout le mercredi des Cendres, celle des « buffoli » (buffoli al cul) (Florensac) « souffle-culs », « bouffets » ou encore appelée « feu aux fesses », « buffatière » à Castres. Caractérisée par l'allure au pas très ancien, cette danse était commune sur tout le Languedoc, la Lozère, une bonne partie de l'Ardèche et peut-être en Ariège. Les danseurs barbouillés en chemise blanche tiennent un soufflet pointé sur la raie du fessier devant. Ce pouvait être parfois une bougie allumée. À Balaruc-le-Vieux, la danse de « la camisa » est fondée sur la chandelle et le feu, chacun essayant d'enflammer la queue en papier qui précède. 
À Limoux et Portiragnes le soufflet projette de la farine. Parfois, dans l'intention de souiller, de les noircir, les participants cherchent à embrasser les filles, ailleurs ils se vautrent dans la boue, encore une possible symbolique de libération des instincts (1). 

*19. La fête de carnaval permet aussi d'autres danses telle celle des sarments : à Montpellier, Aniane, Magalas, on frappait les spectateurs du premier rang, ce qui rappelle, pour ceux qui ont connu, dans leur enfance, avec le feu de cheminée à la maison, la menace plus allusive que réelle « d'un cop de viso ». 

*20. À Magalas, la danse de l'escargot projetait le dernier d'une spirale endiablée. 

*21. À St-Pargoire et Vias, la danse dite « de l'échelle » voit un homme et une femme s'embrasser une fois en haut des deux parties d'une échelle sans appui (de peintre). Est-ce pour l'acceptation de la présence féminine ou encore une expression du bizutage de nouveaux mariés ? 

Narbonne Canal_de_la_Robine 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author The Ninjaneer Côté piles le Pont des Marchands. ATTENTION la publication d'un recadrage de cette photo est juridiquement INTERDITE.

 
*22. À Narbonne, alors que les « novis » (voir l'article sur le tamarou) doivent baiser une paire de cornes suspendues en travers du Pont-des-Marchands, les célibataires et vieilles filles sont punis aussi, les vieux garçons semblant être exemptés. Les Jeunes les frappent à l'aide de lattes recouvertes de peaux de rats passées à la craie. 
À Agde ils passent un morceau de lard rance sous le nez des vieilles filles. 
À Bélesta dans l'Ariège, pour la mi-carême, ils chantent des chansons d'amour sous la fenêtre de l'aïeule du village : « rassegar la vièlha ». Plutôt que la fécondité passée n'est-ce pas pour se débarrasser de « la Vièlho », la saison d'hiver enfin dépassée ? 

*23. À Montpellier, à Carcassonne, les couples font l'objet de brimades. Les mâles rendent les femelles responsables du cocufiage ; les maris sont sommés de diriger le mariage, de prévenir l'inconduite potentielle des épouses, de refuser d'être un homme battu. 
À Fabrègues, à Carcassonne, ce sont les femmes qui doivent baiser les cornes. (à suivre).  

(1) un document sur les “ buffuoli ”, il se peut une chanson, qui circule sous le manteau dans le cercle occitaniste des Chroniques Pérignanaises (Fleury-d'Aude)... espérons qu'elle ne restera pas qu'entre initiés. 



jeudi 13 mars 2025

FLEURY-d'AUDE, ramonétage, château et « tchi tchi » (1)

Les photos viendront après, sans quoi ce ne serait plus une surprise, de celles, agréables, sereines, qui embellissent la vie...  

« printemps », « prima », « primavera », les trois peuvent se dire en occitan.  

Si l'ambiance de carnaval s'avère évanescente, Mars avec la majuscule que l'orthographe lui dénie mais que le dieu en question devrait approuver, sourit déjà par la clarté qui gagne en fin d'après-midi, Mars console des jours qui passent, du temps qui jamais ne suspend son vol, vérité pour tous de la part du  poète. Après la fleur de l'amandier, la pluie enfin réparatrice (1), les asperges sauvages abondantes cette année, la tendre et première verdure des buissons et des arbres (2), les passereaux gais et fringants qui ne s'y trompent pas, c'est le ciel qui étonne : un « tchi tchi tchi » fait tourner la tête et lever les yeux. 

C'est plus discret que le vol en “ V ”des grues qui vont en France (3). Il faut avoir la chance d'être témoin d'un tel spectacle mais c'en est aussi une d'entendre ce même « tchi tchi tchi », n'aurait-il traversé que le ciel de ma rue ce dimanche 9 mars vers 16h, fidèle à la belle saison passée, prometteur de celle à venir. Le 10, ils revenaient en duo de Derrière l'Horte, du moulin (abords sud du village) vers les ruines de notre vieux château, leur résidence saisonnière. 




Hier, c'était au-dessus du ramonétage sauf que seul un « tchi tchi » se laissait entendre. Puis l'espace dégagé, heureusement sans voitures volantes contrairement au parking, en bas, complètement congestionné (4), l'a vue aller et venir, en boucles, insistant de ses « tchi tchi » sonores. Quelques pas plus loin sur cette place, manière d'avoir la vue sur nos toits familiers... Et là sur un râteau télé, “ Tchi tchi tchi ” l'être aussi muet que tranquille, ramassé sur lui-même, comme voulant dire « chante toujours » à “ Tchi tchi ” à toujours revenir le relancer... (à suivre).      

(1) Dans les Pyrénées Orientales les lacs de retenue se sont enfin remplis d'une eau attendue depuis deux ans, une eau qui dans l'Aude aussi, a fait grand bien ! 

(2) disen “ printemps ” coumo en francès, mais ce printemps se dit aussi “ prima ” voire “ primavera ” en Occitanie, comme en Espagne, au Portugal, en Italie, pays de langues romanes sur la Méditerranée sinon, tel le Portugal, empreint de latinité suite au séjour des Romains. 

(3) «... qu'enteni las gruas que s'en van ta França, que cau jita lou blat a l'esperança... » ... qu'il faut jeter le blé à l'espérance... Le Jour Marie / Joan de Nadau https://www.youtube.com/watch?v=_vb5rj5tDuc
Évocation du Semeur du temps des semailles de Victor Hugo «... Ce reste de jour dont s'éclaire La dernière heure du travail... ». Digressions ? Que voulez-vous ? Bonne ou médiocre, l'inspiration puise en vous ce que vous êtes... d'où ces textes à tiroirs multiples, semainiers presque, avec les grues qui sont passées le dimanche 23 février à 18h 45 à Saint-Pierre-la-Mer... l'observateur ne pouvait être plus précis ! 

(4) je le dis vu que je contribue aussi à le congestionner, ce stationnement... 

dimanche 16 février 2025

Joseph Delteil, des racines audoises...

Ce n'est pas dans mes gênes d'être “ hors saison ”. Ce ne sera donc qu'un exercice technique lié à l'obligation, en vue d'une possible publication, de ne pouvoir reprendre le contenu d'une émission radio avec les propos de Joseph Delteil (1894-1978), auteur aux écrits protégés au profit d'ayant droits. Il faudrait aussi la permission de la radio... soit autant de difficultés ignorées lors de la publication initiale.   

LES LUMIÈRES DE NOËL

reprise de l'article du 22 décembre 2015.

« Les nuits de France-Culture... jusqu’à 6 heures du matin... »
Pensons aux noctambules, aux insomniaques, à ceux qui se sentent abandonnés ou ne sont pas, sinon, plus accompagnés. Moins seuls, retrouvent-ils un peu de cette chaleur humaine avec ces discussions, comme au coin du feu, dans l’intimité qu’une émission de  radio peut offrir ?
Dans ce monde que nous accélérons à l’excès, tout défile et nous fait passer trop vite à autre chose, serait-ce à une autre émotion. Pour ceux qui ménagent des pauses et ont la sagesse de faire halte pour retenir ce que la méditation a de fugace et d’évanescent, l’essentiel de ces sept petites, toutes petites minutes avec Joseph Delteil... 

Petit pays d'un petit pays, non loin de Carcassonne (1), le Val-de-Dagne (2) se niche à l'est des Corbières Nord-occidentales (voir les articles sur les Corbières) qui s'abaissent comme pour enfin laisser passer le fleuve Aude vers son destin, la mer. Ce val correspond au cours du Sou, un affluent de l'Orbieu au bassin fermé au Sud et à l'Ouest par les hauteurs justement, des Corbières. 


Villar_en_Val 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11

Joseph Delteil est né en amont de cette petite vallée, commune de Villar-en-Val, à la ferme de Pradeille, au lieu-dit Borie de Guillaman (ou Guillamau) ; son père bouscassier tira du charbon de bois de quoi acheter une petite vigne à Pieusse, de l'autre côté des six-cents mètres qui empêchent l'Aude, dans le terroir de la blanquette de Limoux, finalement à deux pas seulement, à moins de vingt kilomètres à vol d'oiseau de Villar. Delteil n'a que quatre ans. Revendiquant son “ patois ” au titre de langue maternelle, il dira de ce changement « où le paysage s’élargit, où l’on passe de la forêt au soleil, de l’occitan au français. ». 

Alors, cette émission, qui malgré l'amandier en fleur, les premières asperges sauvages et enfin ce soleil que le dérèglement climatique nous plaint désormais, ramène à la magie de Noël (l'article date du 22 décembre 2015). 1970 : Delteil raconte à Frédéric Jacques Temple (1921-2020) ses Noëls à Pieusse. 


Joseph_Delteil 1925 (Agence_Rol) Domaine public Photographe inconnu.

D'emblée, il déclare que la fête, s'inscrivant dans la suite des jours de labeur, n'a rien d'exclusif, banale presque, à moins de savoir retrouver ce qui par le passé en faisait une date à part. 
En dehors de la messe de minuit et du petit réveillon, ce qui la marquait était avant tout la bûche soigneusement choisie par le père afin qu'elle brûlât huit jours dans l'âtre, du 25 décembre au premier janvier. Delteil possède pourtant cette magie de Noël parce qu'il s'est approprié les Noëls racontés par les parents. En Ariège, du côté de Montségur, ils n'étaient qu'une lanterne parmi toutes celles qui descendaient à la messe (3). Pour lui, à travers « papa et maman », c'est comme s'il l'avait vu ce tableau nocturne, en personne.  

Étonnant, émouvant aussi ce point de vue d'écrivain, tendant, en tant que transmetteur, à faire sien un passé familial, de lignée, un fil rouge transgénérationnel à faire passer, décrit comme vécu.     

Laissant entendre que la religion formait le liant d'une magie de Noël rattachée à des rites ancestraux, Delteil précise que le père se devait de faire la prière avant le réveillon. Il poursuit avec le modeste menu qu'il tient à perpétuer comme témoin d'une continuité, de père en père sinon de plus loin encore, comme pour contester le temps imparti à chaque individu. 


Baccalà_e_pomodoro 2011 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Author Italy Chronicles Photos
En entrée la salade de betteraves rouges, suivie par la morue à la tomate (4) puis le toupinat (5) de haricots à l'huile. 
Ils ne pliaient pas la table, des fois que le petit Jésus passerait par là... 

Notes : entretien avec Frédéric Jacques Temple (1921-2020), écrivain, poète, né à Montpellier.
Rappel : Joseph Delteil est un écrivain et poète français né le 20 avril 1894 à Villar-en-Val dans l'Aude et mort le 16 avril 1978 à Grabels dans l'Hérault.

(1) on apprend ce matin (16 février 2025) que demande a été faite afin que les forteresses de Carcassonne soient classées au patrimoine mondial de l'Unesco. L'info prête pour le moins à confusion, la Cité de Carcassonne, visitée chaque année par des millions de personnes figurant dans ce classement depuis 1997. Après avoir donné suite, il s'agit des châteaux “ de la frontière ” (d'Aragon), appelés familièrement “ les fils de Carcassonne ” (Termes, Aguilar, Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens (voir à ce propos, le commentaire calamiteux de l'émission « Des Racines et... » amalgamant avec Puilaurens du Tarn qui plus est avec cet accent pointu ajoutant le prénom “ -laurent ” à la confusion... Quand je le dis qu'avec les barons du Nord, rien n'est enterré...). 

Aux forteresses des Corbières il faut ajouter Lastours (nord de Carcassonne) et Montségur dans l'Ariège... Puivert, à mon sens, aurait pu figurer dans la liste...  

(2) La majorité des villages (Pradelles, Fajac, Arquette, Serviès, Rieux, Villar, Labastide, Caunettes) porte le suffixe-en-Val. En 2019 les communes de Montlaur et de Pradelles se sont regroupées sous l'appellation « Val-de-Dagne »

(3) comme décrit par Daudet dans « Les Trois Messes Basses ». 

(4) de ce tomata en bocaux, stérilisé l'été pour durer l'année. 

(5) le toupin, en languedocien, le pot en grès ou en terre mijotant souvent de longues heures, à la limite du cercle de chaleur autour du feu / le mot est aussi employé en Suisse. 

samedi 7 décembre 2024

PROVENCE DU RHÔNE (19) Frédéric Mistral.

Mas_du_Juge_à_Maillane 2011 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license Auteur Renaud Camus. Dans la cour, est-ce la table en pierre sur laquelle le neveu de Mistral se serait tué (1862) ? 


Maillane, village typique du Midi, peut se visiter sur les traces de Frédéric Mistral : le Mas du Juge pour son enfance et sa jeunesse, la Maison du Lézard, jusqu'à son mariage, le mas revenant à son aîné suite au décès du père, sa villa qu'il construisit devant. À 46 ans il y emmena Marie-Louise-Aimée, fraîchement épousée.  

Museon_Frederi_Mistral_dans la villa de Mistral à_Maillane 2011 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Auteur Renaur Camus.

Miréio, son long poème d'amour contrariée, paraît en 1859, Prix Nobel de Littérature en 1904, traduit en une quinzaine de langues dont le français par Mistral lui-même, offrit au Provençal une reconnaissance universelle. L'essentiel de ses efforts allait toujours dans ce sens avec la création du Félibrige à fins de faire renaître le Provençal (voir si nécessaire les articles précédents).  


Mistral a surtout travaillé près d'une dizaine d'années à son « Tresor dou Felibrige » (1878-1886), grand dictionnaire de la langue d'Oc comprenant l'essentiel des variantes locales déclinées avec auteurs, citations, dictons et proverbes. (Si souvent ouvert dans le cadre de cette quadrilogie...).  

Parmi ses autres œuvres, « Lou Pouèmo dou Rose » 1897, le poème du Rhône, des bateliers de Condrieu descendant jusqu'à la foire de Beaucaire ; une inspiration plus tard partagée par Bernard Clavel (1923-2010), avec « Pirates du Rhône » 1957, « Le Seigneur du Fleuve » 1972, « La Guinguette » 1997, « Brutus » 2001... 

Portrait Frédéric Mistral 1907 Source Les Prix Nobel Domaine public Auteur inconnu

À propos de « L'Arlésienne », on raconte que Mistral se serait fâché avec Daudet rendant publique la confidence du Maître de Maillane sur ce neveu suicidé d'amour au Mas du Juge (1862)... Méfions-nous des “ on raconte que...” et ce n'est pas la lecture du « Poète Mistral », dans « Les Lettres de mon Moulin » qui nous dévoilerait le moindre grain de sable enrayant leur amitié. Le portrait d'abord, plus qu'avenant 

«...sa rouge taillole catalane autour des reins, l'œil allumé, le feu de l'inspiration aux pommettes, superbe avec un bon sourire, élégant comme un pâtre grec... »,   

C'est la fête du village avec fifres et tambourins dans la rue, l'aubade au conseiller municipal, des bouteilles, des verres ; l'après-midi, la procession des saints de bois « dédorés », qu'accompagnent les confréries de pénitents blancs, bleus, gris, cagoulés, de filles voilées ; ensuite, bien qu'en hiver, les taureaux, les jeux sur l'aire puis, autour d'un grand feu devant le café de Zidore, une farandole devant durer tard dans la nuit. 
La « Lettre » de Daudet se termine par un hommage, l'image de ruines majestueuses sans toits ou pétassées en remises, basses-cours ou étables (comme après la révolution) et qu'un jour un fils de paysan est déterminé à restaurer « ... Ce fils de paysan, c'est Mistral. », ces ruines, la langue provençale. 

D'après « Le Poète Mistral », « Les Lettres de mon Moulin », recueil de 1869, Alphonse Daudet.