Affichage des articles dont le libellé est Zanzibar. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Zanzibar. Afficher tous les articles

samedi 20 septembre 2025

OUT OF AFRICA 3.

Alors, puisque ma ligne de vie offre ce hasard, en migrateur confortable, loin de Denys, le personnage joué par Redford l'aventurier des safaris évoqués dans OUT OF AFRICA (1985), j'anticipe de voir, après les ocres du désert perdu dans la nuit, le jour descendu sur la savane. 

Nairobi paroi de verre de l'aéroport. 

D'habitude, on essaie en vain de distinguer un éléphant, une girafe, un rhino, un lion sinon des zèbres : une réserve est pratiquement contiguë à la capitale, mais on ne les voit qu'en déco sur les verres des terminaux et salles d'attente du Jomo Kenyatta International Airport. Côté humain, entre deux correspondances, outre la présence de Chinois... les Russes ne se distinguant pas des Occidentaux, l'aéroport semble concentrer la pointe avancée des sociétés africaines comme cet informaticien burundais, ces femmes souvent dans l'import-export sinon Léonie, biologiste congolaise qui en 2017 revenait d'un colloque à Madagascar. 

Verrai-je les tôles des laissés pour compte des bidonvilles de Kibera ? Verrai-je les Monts Ngong à une quinzaine de kilomètres, où Kristen avait ses caféiers et où se situe la tombe de Denys, le baroudeur des savanes qui ne voulait pas monnayer sa liberté pour l'amour d'une femme ? Une femme aimante devant se faire une raison et qui médite au terme du dialogue « Il y a des moments qui valent la peine, mais il faut en payer le prix. » 

Massif du Kilimandjaro. 

Arriverai-je à distinguer la voie ferrée vers Mombasa, le seul lien par bateau avec l'Europe ? Et, chères à Pascal Danel, les neiges éternelles du Kilimandjaro (1) diplomatiquement laissé au Tanganyika allemand d'avant 1914, devant disparaitre à terme, auront-elles un tant soit peu résisté au réchauffement général et à la déforestation ambiante ? 

Mayotte, arrivée.
    

Une séquence de OUT OF AFRICA fait atterrir le biplan de Denys sur une plage de l'Indien. Les bleus des tropiques, le sable coralien viennent embellir le scenario comme ils le font du vol commercial le long de Zanzibar. Plus loin, kissiwa (2) l'île Mafia, à peine plus grande que l'archipel mahorais mais une quinzaine de fois moins peuplée (40.000 hab / 600.000 environ, intuitivement, ce que les autorités et l'INSEE qui leur est subordonné, ne veulent pas reconnaître...). Ensuite ce sont les Comores, la pointe nord de la Grande, tristement connue pour deux crashs d'avion (3). Enfin, après Anjouan et peut-être un peu, Mohéli plus au sud, le grand lagon de Mayotte avec encore les bleus, francs ou brouillés, suivant le couvert nuageux, liés aux barrières coralliennes. 

Il y a trente-et-un ans, cabotin, pour amuser mes hôtes venus m'accueillir, parodiant Jean-Paul II, je baisais le sol, le tarmac de cette terre lointaine, avec un esprit positif. 44 ans, l'idée d'avoir la vie devant soi, augurant que tout allait bien se passer. Et sur la barge, les yeux, les sourires des femmes qu'en théorie seulement, en terre musulmane, je me devais de ne pas regarder, ne pouvaient marquer que de bons débuts. 

2025, la santé, le “ petit dernier ”, pourtant remis à l'âge d'être papi, parti du nid, l'âge, cette réalité qui fait peur, la vieillesse, viendrait-elle petit à petit comme le chantait Ferrat, poussent à la roue. Cela ne contrevient en rien à ce que je dois à une petite île courageuse et tenace pour sa dignité, sa francitude, si foncièrement africaine, fille aussi du grand continent... (à suivre)

(1) Difficile de délimiter les trois volcans formant le massif dont l'UHURU au centre, point culminant de l'Afrique avec ses 5891 mètres. Et le “ préfixe ” “ Kilima-” ne signifierait-il pas montagne (« Mlima » à Mayotte) ?  En 1886, le Kilimandjaro devient allemand, en compensation, les Anglais reçoivent Mombasa. 

(2) « chissioua » en shimaoré langue vernaculaire majoritaire de Maoré, Mayotte, pour dire “ île ” tout comme « ras » en swahili, « rassi » encore à Maore, pour “ presqu'île ”. (je croyais avoir lu que l'île servit de base ou d'abri aux sous-marins allemands lors de la Première Guerre Mondiale, mais je dois faire erreur). 

(3) le 23/11/1996, sur la ligne Addis-Abeba- Abidjan via Nairobi, Brazzaville, Lagos, à cause de trois pirates de l'air voulant rejoindre l'Australie, un B767 d'Ethiopian Airlines amerrit en catastrophe non loin du Galawa Beach Hotel, 125 victimes sur les 175 passagers et équipage. 

Le 30/06/2009, sur la ligne  Sanaa Moroni (depuis Paris), les erreurs de l'équipage étant en cause, l'A310 du vol Yemenia 626 a décroché sur l'océan, 152 victimes, 1 unique survivante. 

jeudi 25 mai 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (9 & fin) / ratés existentiels

«... Moi j’avais le soleil.../... dans les yeux d’Émilie, je réchauffais ma vie à son sourire, moi j’avais le soleil dans les yeux de l’amour et la mélancolie, au soleil d’Émilie, devenait joie de vivre... »

https://www.youtube.com/watch?v=vEFGQN9qLkQ Dans les yeux d’Émilie / Joe Dassin. 



Les escaliers vers le gros bus et c’est le soleil d’Afrique qui desquame les états d’âme. Vite, le haut plateau déroule son manteau uniforme et cuivré. Elle lui a dit « Écoute "Maman" de Papa Wemba. Il est mort tu sais... »

https://www.youtube.com/watch?v=of15-bd2faw Maman / Papa Wemba (moins sensibilité féminine, je préfère Rail On entre autres rumbas).  
 
Il s’était retenu de lui dire qu’il croyait la rumba aussi rythmée que sensuelle. Il s’était retenu de critiquer ces sapeurs chaussés de croco, tout dans le paraître. Tout ça pour s’être pincé les lèvres parce que le charme qui le touchait participait de ces rencontres ouvertes sur des éventualités impossibles. En direction de l’océan, les taches de verdure se multiplient et prennent de l’ampleur. Celles qu’on n’a pas eues, pour le dire sans élégance, serait-ce le titre d’un film, plutôt les quelques unes qu’on a croisées sans faire route ensemble après...

Věra lui revient soudain en mémoire. Oubliée malgré ce retour trop loin dans son passé. Oublié depuis si longtemps le souvenir de la jolie Pragoise. Mal à l’aise, honteux un peu parce qu’il ne conçoit pas qu’un coup de cœur qui marque tant la vie sentimentale, puisse s’oublier, ce fantôme le surprend... Il n’avait osé, il n’avait su se déclarer... Ils allaient sur leurs dix-huit ans et son attirance pour elle s’était noyée dans les bières et les chansons à boire de la taverne de Bleda Lady ! Comment a-t-il pu dissocier le visage de Věra (1) de ce mois d’août 1968 de sinistre mémoire en Tchécoslovaquie ? Et il revient ici, au-dessus du Kenya parce que la petite vendangeuse espagnole est revenue le hanter !

En parlant de fantôme, l’idée de donner âme et corps à Maiité (Maria Theresa) le travaille. Est-ce pour retrouver les sèves montantes qui ont enfiévré sa jeunesse (2) et se prouver qu’il peut encore séduire, comme si faire durer une relation stable et fidèle n’équivalait qu’à s’emmurer vivant ? Mais la vie de tous les jours, souvent raillée et considérée comme un train-train mortifère, n’est-elle pas au contraire, le "tiens" qui vaut tous les "tu auras" ? Un demi-siècle résumé en quelques lignes, quoi de plus pathétique ? Des années durant, elle et les siens ont pris le train à Murcie pour Narbonne tandis qu’il faisait la rentrée sur Lyon, engagé dans sa vie de mari, de papa. Puis l’émigration des suds, pour elle vers la Catalogne et enfin le retour au pays, l’heure de la retraite venue. Elle a deux enfants, cinq petits-enfants et un ménage qui " bat de l’aile ". Par opportunisme il déguise aussitôt en chevalier servant même en prince charmant le profiteur, le prédateur sommeillant en lui, espérant seulement surprendre un moment de faiblesse.


 


Par tribord, trouant une mer de nuages, les coulées de neige du Kilimandjaro, telles les mèches gominées de sucre glace d’un chauve qui voudrait compenser, quitte à s’imaginer un sursaut d’amour-propre, en apothéose romantique, une ascension épuisante pour finir ses jours dans le cratère...

https://www.youtube.com/watch?v=Mf1vBzl6ei4 P. Danel Les neiges du Kilimandjaro

« ... Elles te feront un blanc manteau... »... elles se meurent aussi, les neiges du Kilimandjaro.
Il sent, il sait l’Océan Indien proche comme le ronron de son petit bonheur qui l’incite de plus en plus à la raison. La fille des îles qui l’accompagne...

https://www.youtube.com/watch?v=UmqxNlo8UzM Francis Cabrel La fille qui m’accompagne

Cet amour qu’il croit tranquille sinon monotone doit bien vivre de sa vigueur propre puisqu’il tient depuis vingt ans. Et ce petit que sa présence ferme de père doit aider à grandir ? Alors, un fantasme d’âge mûr qui refuserait de vieillir ?

Non, pour entretenir l’illusion d’un amour qui se confond trop avec le désir, il ne dira pas que les filles du sud ne renouvellent plus le sang du pays depuis que les vendanges relèvent de l'industrie vinicole, même pas que la maison du maître vient de se vendre (300 000 €), que Gilbert le tractoriste si doux et gentil vient de mourir à 89 ans. Dans un élan de romantisme, en réalité une vilaine expression hypocrite, tant il se ment à lui-même, il lui enverra « N’écris pas », le beau poème de Marceline Desbordes-Valmore :

https://www.youtube.com/watch?v=EgcULJSRK7M Les séparés Julien Clerc

« Je t’aime », écrire ces mots c’est lui mentir sans qu’elle l'ait demandé d'ailleurs, et pour lui c’est se raconter des histoires. Adieu Maiité ! On meurt d’une vraie histoire d’amour qui tourne mal... mais puisque l’amour de la vie l’emporte !..

Alors, c’était pour louer mais se défendre de ces pulsions de vie délirantes qu’il tenait tant à bouger en se soûlant de musique ? Oui, tel Zorba le Grec, égal aux dieux, pour esquiver des forces supérieures et en libérer la pression, rien ne vaut la danse, le chant. Les femmes ne font rien oublier... Adieu Maiité !

https://www.youtube.com/watch?v=QskFT7AaKH0 le sirtaki de Zorba - Mikis Theodorakis (2)



Les bleus de l'Indien succèdent d'un coup aux verts tropicaux de la côte et avec les tons laiteux qui ourlent Zanzibar, mille kilomètres plus au sud se précisent les visages désirés d’une fille des îles qui n’a pas pris son cœur pour un hôtel (3) et d’un enfant adoré, dernier espoir de son passage...

https://www.youtube.com/watch?v=-5n3U2yjfDM Salade de fruits / Bourvil.



Il revient chez lui et soupire comme libéré des miasmes laissés dans le sillage, petit dans sa petite île, libre d’entretenir un bonheur grand à force de soins, des tartines du matin sur la terrasse aux doux rayons du crépuscule sur la brousse malgré la nuit qui tombe vite... « ... n’importe qui aimant quelqu’un, le roi de rien... /... n’importe qui, tellement quelqu’un, le roi de rien... »

https://www.youtube.com/watch?v=tR8Yv-P9xIw Le roi de rien Delpech

Et quand sous la clarté éternelle et rassurante de la Croix du Sud, résonne la voix forte et chaude de Joajoby, il est certain que sans un « Je t’aime », même la Terre ne pourrait nous emporter à plus de cent-mille kilomètres par heure autour de son soleil... 



https://www.youtube.com/watch?v=5ONAVih5QZk  Jaojoby Tia anao zaho   

(1) Věra est décédée le 15 juillet 2023, à l'âge de 74 ans (née en 1949). Elle se serait noyée dans le “ lac ”, l'étang du village. 
(2) emprunt à  Louis Pergaud : « ... quand les sèves montantes ont enfiévré dans leurs veines le sang ardent des mâles...» Le viol souterrain / De Goupil à Margot / Prix Goncourt 1910.
(3) Dans « Les lacs du Connemara » Michel Sardou a aussi exprimé que « la folie ça se danse ».

Note : OUT OF AFRICA passait tout à l'heure et en 1985, le Kilimandjaro était plus blanc de ses neiges...
 



Crédit photos wikimedia commons : 
7. Kilimandjaro_1987 Author Viault
8. Kilimandjaro_in_Amboseli_national_park 2012 Author Benh LIEU SONG