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mardi 18 novembre 2025

RETOUR à MAYOTTE. 10 et 11 novembre 2025.

Prémices. Rappelant ce lointain pour un vécu moins contraint, trente années en arrière, pourquoi ces avions toujours vers le Sud, à laisser leurs traînées si le vent doit tourner marin ? 

Vol_d'oiseaux-Île_de_Cosne_(Cher) 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Cjp24. 
Mince, pas moyen de récupérer les miennes de photos... Chercher, repasser, se demander et enfin comprendre à la vue d'un imbécile heureux porteur d'un béret qu'un doigt intrusif avait inversé la prise... mis en accusation, le doigt a dit que c'étaient les yeux... et oui, un soleil aveuglant et l'âge avant tout...
 


Et ces vols d'oiseaux semblant s'attendre ? Par une belle journée de début novembre, depuis le chemin de Baureno,  à suivre les “ grous ” si sonores des grues, il se confirme qu'elles ne feront pas étape dans l'Étang de Fleury... Pourquoi le feraient-elles d'ailleurs, puisque à part quelques pluies d'automne, modestes bien que bienvenues, le déficit hydrique est tel  aux marges du Golfe, que son émissaire, le Ruisseau du Bouquet (1), est à sec depuis belle lurette ? 

L'Étang de Fleury vu depuis la colline du moulin 1967 Diapositive François Dedieu. Époque géniale, un clic, une photo, et ce par milliers... sauf qu'un clic malencontreux, un bug du disque externe et plus de photos... Les diapos de papa, au moins, moins nombreuses mais toujours là. Nous avions peu, avant... Aujourd'hui, tout avoir c'est aussi n'avoir rien...


Non, depuis ce modeste seuil entre le village et la cuvette enclavée dans La Clape, il y a longtemps que nous n'avons pas vu l'eau miroiter suite aux pluies pourtant courantes d'automne. Les grues se regroupent afin de profiter d'une ascendance ; elles tournent, en spirale et montent au point de devenir toutes petites avant de cingler à nouveau, en vol plus uni, vers l'Espagne. Prendre de l'altitude afin d'aller plus loin... De quoi se sentir également migrateur, par destination. Pas voyageur, juste à devoir s'éloigner, par destinée... une « Forza del Destino » finalement bien moins alambiquée et plus facile à suivre que l'opéra de Verdi (2). Pas plus émi- qu'immi-, juste mi- du migrateur. 
Fatalisme familial ? enchaînement improbable ? une rencontre de travailleurs étrangers dans l'Allemagne nazie, une charrette de diplomates français expulsés, en représailles, de Prague par le pouvoir communiste, l'opportunité d'un poste au Brésil pour échapper au dénuement. Aléas qui se superposent, se démultiplient avec les générations, c'est s'avancer et souvent se tromper que d'annoncer des chemins tout tracés...   

Plutôt que de suivre un livret d'opéra aux péripéties outrancières, plutôt que de s'atteler à une saga remontant loin dans un passé dit familial, autant ne considérer qu'une tranche de vie, celle liée à une nomination à Mayotte dans les années 90. Sensation d’un retour à la case départ, au jour de la migration initiale, consentie suite à un sur-place économique lié au matérialisme imposé par nos sociétés dites développées… pensée pour les migrants obligés en vue de survivre plus que de vivre, risquant de mourir en chemin ou en mer, se coupant du cercle familier, parfois à jamais. Partir, une décision, un acte impactant... un bien pour un mal sinon l'inverse... bref un départ pour du mieux qui a un prix, un 27 septembre 1994. Une relation de ce voyage doit figurer dans mes papiers ou courriers tout comme quelques unes d’autres entre l’Europe et le Sud-Ouest de l’Océan Indien, plus espacées tant le voyage est devenu trajet. Sinon, à confondre, à oublier si rapidement, on en arrive à réduire à l’extrême le temps qui pourtant passe déjà si vite. Il y aurait suffi de noter... encore une capacité des écrits qui restent. Et cette fois, vu que la migration n’a pu se faire en 2024 pour cause de santé et que la chance qui s’en est suivie au prix modique de seulement dix-sept mois écoulés, inconcevable tant elle est trop belle, motive. Trop belle, oui, en parallèle à ceux qui luttent depuis des années, à ceux qui savent qu’ils doivent quitter ce monde. Pas de quoi s'emballer, tout n'est que sursis, tout peut aller mal du jour au lendemain

En attendant, le dire c'est manquer de pudeur. J’ai beau dire que c’est pour moi sinon mes fils, ma compagne, ma famille, nos descendants, nous regrettons tant ces blancs si courants dans la vie de nos proches, l’argument passe à peine comme circonstance atténuante ; plus acceptable peut-être, l’idée que toute existence ne s’inscrit que dans le flux des 117 milliards qui peu ou prou ont fait ce que nous sommes, et que le témoignage, serait-il personnel, se fait aussi au nom de tous ceux pouvant y adhérer, partager plus ou moins. Aussi, manière de relever toutes les différences formant néanmoins le groupe, l'occasion de méditer le mot de Jules Michelet  « Chaque homme est une humanité, une histoire universelle ». Chacun est un rien bien qu'unique, chacun est tout... 

Sans qu'on sache où elle ira, chaque trajectoire singulière ne laissera en définitive qu'une trace relative : pas de chemin, seulement un sillage sur la mer, l'image chère à Antonio Machado, l'intellectuel et poète remarquable amené à mourir en exil à Collioure, semble répondre à ce questionnement... 

« ...Caminante no hay camino, sino estelas en la mar... » 

Qu'il en soit ainsi plutôt que, pour reprendre la métaphore, un sillage moins éphémère d'hydrocarbures, de pollution, de réprobation morale marquant plus durablement la mémoire humaine.  

(1) à peine dévoilé par les cartes et écrits, au cours pas si anodin, relativement, de toute évidence pour ses riverains pérignanais : à une époque préromaine, par un étonnant souterrain n'a-t-il pas permis de drainer puis de mettre en culture l'étang dit « de Fleury » ? Ne rejoint-il pas la source qui lui donne son nom, accessible par un escalier et où les femmes puisaient encore l'eau dans les années 50 ? N'a-t-il pas, là où de nos jours, les lotissements se sont multipliés, accueilli nombre de potagers, si pratiques et productifs, en bas du village ? Sans aller dans l'anecdotique avec les petits profits jadis procurés : blèdes, épinards, pleurotes jusqu'à une eau claire que notre ami Louis s'est même risqué à boire alors, plus en aval, grâce à une pousarenco, un “ seau à balancier ” autrement dit « puits à balancier », cigognier, sigonho, gruo sinon chadouf (pour parler français), avant de rejoindre la plaine, n'a-t-il pas, en plus d'autres productions, offert à l'oncle Noé des comportes de melons ? (à lire, sur ce blog toute une série d'articles sur « Le ruisseau du Bouquet »)   

(2) pour ceux qui aiment lier hasards, aléas et coïncidences : à cause de la maladie, en 1861, de la soprano Emma la Grua, la création de l'opéra de Verdi, évoqué fortuitement ici, n'eut lieu que le 10 novembre 1862...   


jeudi 25 novembre 2021

Depuis la CLAPE, HUGO et LAMARTINE, BRASSENS et FERRAT, VALÉRY et MACHADO...

 Tant pis si tout se mélange mais quelques jours après avoir publié l'article sur les Auzils, les marins perdus en mer, avec l'art poétique de Hugo, de Lamartine, propres à élever nos consciences, à cause d'un remords ou du moins la sensation de n'avoir pas tout dit, je dois évoquer une autre grande âme, une présence qui a pris forme avec ces quelques mots pourtant communs : " depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe jusqu'à la Côte Vermeille "

 Depuis la Clape et Gruissan, ne vous privez pas, en effet, du plaisir de suivre, au Sud cette fois, la courbure du Golfe, l'inflexion magique qu'aucune carte ne saurait rendre et qui finit avec les Pyrénées plongeant dans les eaux, à Cerbère pour la frontière, non pas des enfers, gardée par le chien féroce, mais celle, avec notre sœur latine, catalane, espagnole. Un peu avant, dans les gris-bleus nimbés de mauve qu'offre l'horizon, Collioure. 

 

Collioure sur la Côte Vermeille, comme symétrique à Sète par rapport à la Clape, à l'Allée des Naufragés et Notre-dame-des-Auzils. Pourquoi toujours chercher une coïncidence ? Pourtant, à Collioure, un cimetière aussi, non loin de la mer avec la tombe d'un immigré échoué là en 1939, pour cause de Guerre d'Espagne. Antonio Machado, l'illustre poète républicain y repose, presque par le pathétique d'une faveur parce que ses amis ont plaidé, le comparant à Valéry, pour qu'il ne finisse pas dans le camp d'Argelès... (en ce temps-là, l'asile concédé aux réfugiés républicains n'était pas digne de la patrie des droits de l'Homme...).

Jean Ferrat a chanté ces vers d'Aragon  :  

"... Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours..."

"Caminante", le poème le plus connu de Machado, rejoint incidemment le questionnement  troublant et l'appréhension qui sont nôtres face aux profondeurs de la mort, de la mer : 

"... Pero lo nuestro es pasar 
Pasar haciendo caminos
Caminos sobre el mar..." 
(...Mais notre destin est de passer, passer en faisant des chemins, des chemins sur la mer...) 

"... Caminante no hay camino sino estelas en la mar..." 
(... Toi qui marches il n'y a pas de chemin sinon des sillages dans la mer...)

Dignes et respectueux, des jeunes d'un voyage scolaire sur la tombe d'Antonio Machado au cimetière vieux de Collioure ; bien présentes aussi, les couleurs de la République Espagnole.

Évocation du dernier voyage, du bateau qui ne reviendra jamais... Encore une coïncidence...

On ne saurait le dire mais des sillons de mémoire savent graver la profondeur des chemins qui passent. Il n'est pas nécessaire de toujours relever cette intemporalité, cela agacerait à force. Et puis l'élévation de cette quête permet, entre autres raisons plus prosaïques, d'apprécier la vie et d'y voir du bonheur, à la vue, depuis la Chapelle des Auzils, de la courbure, de l'inflexion magnifique du Golfe du Lion, faucille d'or sur le bleu des flots pour une corne d'abondance qui, malgré bien des inquiétudes d'actualité, nous permet encore de rêver...

dimanche 24 février 2019

RETIRADA 1939 / Il y a 80 ans, Antonio MACHADO mourait à COLLIOURE


Ah ¡ je la laisse cette exclamation cervantesque ! L’internet et ses connexions quand elles nous apportent !

 Ainsi je ne le vois que ce matin mais un post qui nous vient depuis les plateaux de la Mancha, du pays des moulins qui virent guerroyer le chevalier à la triste figure, vient nous rappeler le temps des hidalgos et aussi des heures plus récentes et plus noires. 
Même si je n’étais que le crédule Sancho Panza, je voudrais en appeler à une dulcinée du Toboso… Une gente dame entre Albacete, Ciudad Real et Toledo, qui nous rappelle que le 20 février 1939 mourait à Collioure le sublime poète espagnol Antonio Machado… Et si elle n’est qu’une simple paysanne ou une servante d’auberge sublimée pour Don Quijote, pour la voir non loin des moulins côtoyant Sancho et son maître, qu’Angelines, c’est ainsi qu’elle se prénomme, soit louée quand elle témoigne si fort de la mémoire des temps. Il faut s’arrêter sur ce chemin d’humanité pour se sentir investi dans le voyage qui se poursuit...  Merci.


"Unos días antes de morir me escribió a París Antonio Machado una conmovedora carta, tal vez su última carta (dictada a su hermano, firmada por él), diciéndome que quería quedarse en Francia. Murió y quedó enterrado en el cementerio de Collioure, acompañado de su madre, que le siguió en su muerte. Allí quedó, cumpliéndose su voluntad. Y allí debe quedar para siempre. "

Photo du site "buscameenelciclo...

 
Antonio_Machado_por_Leandro_Oroz_(1925) Author Leandro Oroz Lacalle (1883 - 1933)
Il y a deux jours, l'Humanité titrait "Hommage. AntonioMachado, poète d'Espagne et d'exil". L'Indépendant annonçait la venue du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez à Collioure et Argelès-sur-Mer dimanche 24 février sur les traces de la mémoire des républicains espagnols. Si cette visite provoque des réactions parasites d'indépendantistes catalans des deux Catalognes, aucun officiel français n'est prévu... sans doute la jacobinite centripète chronique !   

Sur la tombe d'Antonio Machado, le drapeau de la République / Machadograve Auteur Myname (Pedroserafin).


dimanche 18 mars 2018

AU DELÀ DES PYRÉNÉES / Fleury d'Aude en Languedoc



« Caminante no hay camino [Toi qui marches, il n'y a pas de chemin]

Todo pasa y todo queda, [Tout passe et tout reste,]
pero lo nuestro es pasar, [mais pour nous c’est passer,]
pasar haciendo caminos, [passer en faisant des chemins,]
caminos sobre el mar… » [des chemins sur la mer.]
Antonio Machado



Des Albères à l’Andorre les cols enneigés des Pyrénées catalanes évoquent toujours le calvaire lié à la Retirada[1]. Armand Lanoux (1913-1983) la garde dans la trame du roman « Le Berger des abeilles ». Dès lors, parce que la France les a parqués dans des camps[2] qualifiés, en 1939, « de concentration », les plages d’Argelès, de Saint-Cyprien, du Barcarès, on ne les voit plus avec le sable, le soleil des vacances mais avec les latrines, la dysenterie, la malnutrition, les conditions indignes « d’accueil » qui occasionnèrent un surplus de victimes (approximation raisonnable 1500-2000 / Javier Rubio « L’accueil de la grande vague de réfugiés de 1939). 



Aussi, surplombant Cerbère, ce Coll dels Belitres, en 1962, avec son grand-père tchécoslovaque, donc ressortissant d’un pays communiste, une confrontation avec l’Espagne fasciste de Franco. Des dauphins jouaient au loin dans un marinas du diable roulant vers les roches des cumulus de décembre, gris et froids.  Le douanier français leur avait indiqué le sentier vers l’auberge en territoire espagnol au-dessus de Port-Bou, manière d’acheter l’anisette, les allumettes en cire, quelques cartes postales et une paire de castagnettes : une invitation au voyage que la frontière interdite ne pouvait qu’exalter. 


Devant son tenillier, une certaine idée de l’Espagne, germée avec des musiques prenantes, ancrées aux âmes forgées par la rudesse des plateaux, du climat, du passé, farouches. Déjà la pochette du 33 tours « La Danza »[3], splendide, hante sa mémoire. Un flamenco mêlant l’élégance des tenues à l’appel des corps cambrés, confrontation finalement convergente entre sexes opposés, aux accents à la fois nobles et rogues sous un ciel rouge de mystères, de menaces. Une image de l’Ibérie toujours envoûtante, une invitation à l’érotisme maintenant que l’adulte revient sur ses sensations de gamin de 8-9 ans… 


Plus sage, rapporté par le père suite à une excursion scolaire, le petit âne porteur de jarres, le guardia civil en apparence si sympathique sous son tricornio ! Interdit de jouer avec !  
L’Espagne, nos voisins, nos cousins, ce sont aussi ces vendangeurs venus si nombreux et auxquels il doit ce goût curieux pour la prononciation, l’accent ibériques, une attirance irrépressible pour le tilde et la jota, mais plus pour la vendangeuse indomptable que la métathèse ou le fricatif de ceux qui craignent, justement, de s’y frotter… 
La petite vendangeuse de ses dix-sept ans, brune, aux yeux amande, tonique, si vive. Juste des regards qui se croisent, se détournent vivement pour se chercher à nouveau, sans oser se fixer, magnifiés en tant qu’actes manqués… Puis seulement un remous coupable venu des profondeurs du cœur, quelques vendanges plus tard, parce que Julien Clerc chantait «… et si jamais je vous disais ce qui fait tous mes regrets… ». Sempiternel dilemme entre remords et regrets, la vraie vie et la rêvée, peuplée de celles que l’on n’a pas eues. Tant mieux, alors, si une paisible curiosité culturelle vient recouvrir ces pulsions presque instinctives, ces fantasmes qui confortent, qui sait, en les déstabilisant, nos chemins sur la mer… 


Ces immigrés d’ancienne date, porteurs, de vague en vague, jusqu’à la péripétie franquiste, des aléas de l’histoire, ouvriers agricoles restés en France, une communauté discrète, un temps endogame, à part, et qui, petit à petit, a acheté des vignes et s’est fondue, avec les années, dans la société languedocienne…





[1] A lire aussi « La longue marche de Joaquin l’Espagnol » de Jean-Pierre Grotti (1949), un Coursanais installé à Prat-de-Cest où il fut instituteur. A son actif bon nombre de romans de « terroir » voire régionalistes avec Joaquin l’Espagnol, originaire de la Mancha.

[2] D’autres camps sont créés pour désengorger le Roussillon : Gurs pour les Brigadistes internationaux, Agde et Rivesaltes pour les Catalans, Bram pour les vieillards, Le Vernet (d’Ariège) pour la Division Durruti. Autres sites, Les Milles, Rieucros (Lozère), Septfonds. 

[3] Le jour où l’adulte veut creuser ses sensations d’enfant, il apprend que Carmen Dragon est un homme, chef d’orchestre du Hollywood Bowl Orchestra, que « danza » se dit aussi en italien et que les Américains ont le chic pour toujours tirer la couverture à eux. Seraient-ils talentueux, ils s’autorisent un fatras de morceaux venant de Cuba, du Brésil, peut-être du Mexique aussi, trompant ainsi un pauvre gosse de huit ans passés resté riche malgré tout de cette magie du moment (papa avait acheté le disque à monsieur Moulin habitant alors aussi avenue de Salles). 

Photos autorisées : 1. Antonio Machado en 1925 por Leandro Oroz Lacalle (1883-1933)

mardi 13 mars 2018

MON GOLFE DU LION ÉTAIT DANS UNE TENILLE...

La pêche des coquillages, c'est le plaisir de "bouscar", la bousco étant la quête, comment dire, de tous ces petits profits de la nature, de la garrigue, des marges des vignes, des bords d'Aude, de l'étang, de la mer, du rocher... Les gratte-culs, les champignons, les poireaux, les prunelles, les salades, les asperges sauvages, le thym, les escargots, les guines, la réglisse, les cagaraoulettes, les figues ensauvagées, les mûres, les azeroles (aidez-moi à compléter). Parcourir la plage après un coup de mer (vous la connaissez celle de celui qui a rempli deux fois son break de dorades ?), les moules, les couteaux (mon pauvre cousin Jacky était fort pour plonger...), les tenilles (1) ! 
"Bouscar" a peut-être donné aussi "busquer" dans l'ancien français "busquer fortune" (2). 
Dans un raisin, le goût de mon pays mais son odeur aussi, salée, iodée, dans une tenille de l'été... merci Lucie Delarue-Mardrus pour un poème qui va droit au cœur des fidèles à toutes les petites patries... Pour revenir à ce petit profit de l'été (de bon rapport pour les professionnels  ! voir

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/12/yves-pecheur-du-golfe-xiv-cest-le.html), 

Dans le livre du canton (Opération vilatges al pais / 2005) Jean Boucabeille de Gruissan raconte : 

"Lo mainaire dins l'aigo juscas als ginolhs o a las cuèissas, en trantolejant doçament tira sul tragèl per sablar la maina (e fosicar la sabla). Las tenilhas soslevadas s'amassan dins la sàrcia, la pocha en fialat de la maina. Sovent s'i trapa tanbens de passards (barbue), d'iranhas (vives), de rompàtels (petits turbots), de cranquetas. Los mai forts a Grussan èran Roma e Célestin." 

Le maïnaïre, le tenilleur ( la "mayne serait le râteau), dans l'eau jusqu'aux genoux ou aux cuisses, au lent dandinement zigzaguant, tire sur les traits pour enfoncer l'engin dans le sable (et le fouiller). les tenilles soulevées s'amassent dans le filet du tenillier. Souvent on y trouve des barbues, des vives, des petits turbots, des cranquettes (Etrille élégante, potumnus latipes, aux pattes arrières en forme de pagaies [JFD]). Les plus forts à Gruissan étaient Roma et Célestin.


 En tirant vers le nord, alors que les souffles s’apaisent et qu’un train de vagues espacées indiquent que le marin veut rentrer, le panorama qui s’offre est plus prenant encore : les Pyrénées rehaussent le décor. Dans les entrées maritimes, flou embrumé à près d’une centaine de kilomètres, le Cabo de Creus ferme la courbe plus concave, gracieuse, d’une poésie plus vraie que ne pourrait le rendre la théorie des cartes de la côte. En théorie seulement car les cartes aussi font rêver…

«  Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !.. »
Le Voyage « Les Fleurs du Mal » Charles Baudelaire (1821-1867)

Le Golfe du Lion, un golfe clair (3) en offrande aux vagues d’estivants, avec sa guirlande de stations balnéaires que la réfraction fait scintiller et trembloter la nuit. Mais là, en présage de beau temps, ce sont les voiles, d’autres coques et quelques reflets fulgurants qui ajoutent leurs points blancs à l'acier du soleil sur la mer, aux virgules fuyantes d’écume, pas encore des moutons. Au fond toujours, la Côte Vermeille, la Méditerranée palpable, pulpeuse, d’Aristide Maillol (1861-1944), un verre de Banyuls à la main. A Port-Vendres, les goélettes chargées d’oranges (l’une d’elles est en cours de restauration à Mandirac, entre Gruissan et Narbonne sur le Canal de la Robine). A Collioure, des couleurs pour les peintres (Matisse, Derain, Braque, Dufy, Signac...),  la sardane de Trénet (1913-2001), la dernière demeure, vivante telle une tombe mexicaine, d’Antonio Machado (1875-1939), échoué là avec la déferlante des réfugiés Républicains espagnols, abandonnés par des « démocraties » s’accommodant trop facilement des dictatures à leurs portes... 




(1) Pour les clovisses, les palourdes, voir la série d'articles sur l'Etang de Thau 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2014/09/clovisses-ou-palourdes-quelle-affaire-3.html
(2) un rapport avec débusquer, embusqué, embuscade, racine "bosc", le bois ?
(3) Un attachement exclusif pour UN golfe clair et non, plus dilué quand on a trop d’argent et qu’on voudrait habiter partout à la fois « DES » golfes clairs où dansent les reflets d’argent de la mer…

Photos autorisées : 
2. Aristide Maillol en 1925 photo Alfred Kuhn (1885-1940).
3. La Méditerranée de Maillol (Perpignan) Author Palauenc05.